lundi 25 janvier 2016

Comment vivre ? : une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse - Sarah Bakewell

Le XXIe siècle est plein de gens imbus d'eux-mêmes. [S.B.]
Sarah Bakewell aborde Montaigne de façon originale. Dans Comment vivre ?, on aura droit à des tranches de vie et d'oeuvre de Montaigne, on se permettra d'examiner divers regards sur cette oeuvre, on verra comment elle a été lue à travers les siècles et comment plusieurs ont reconnu dans ces écrits une part de soi, les pensées d'un frère qui vibre tel un harmonique à des siècles d'intervalle. On sera confronté aux épisodes de vie de Montaigne et on découvrira comment ceux-ci plongés dans leur contexte social et politique ont contribué à l'émergence des Essais et des autres écrits du philosophe.

Sur un ton agréable, Sarah Bakewell  s'insinue dans ce sujet immense par cette simple question Comment vivre ? et nous offre diverses réponses tirées de l'œuvre, des réponses singulières qui témoignent chacune d'un angle différent sur le parcours du philosophe, non des prescriptions, mais des directions possibles :
  • Ne pas s'inquiéter de la mort ;
  • Lire beaucoup, oublier l'essentiel de ce qu'on a lu ;
  • Survivre à l'amour et à la perte ;
  • Utiliser de petites ruses ;
  • Tout remettre en question ;
  • S'arracher au sommeil de l'habitude ;
  • Garder son humanité. 
Sarah Bakewell met ainsi en lumière toute la richesse des Essais et montre à quel point les lecteurs des siècles suivants s'y sont vus et s'y sont lus. J'aurai beaucoup appris à la lecture de cet ouvrage, mais surtout j'y ai pris plaisir.

_______

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Bakewell
Sarah
Au café existentialiste. La liberté, l’être et le cocktail à l’abricot

mercredi 6 janvier 2016

Comme un léger malentendu - Nicolas Guay

Ce jour-là, je descendis tôt pour dîner. [N.G.]
C'est à la lecture d'un ensemble de courtes nouvelles et de fragments divers que nous convie Nicolas Guay, aussi appelé Le machin à écrire. Ces nombreux textes avaient déjà eu droit, pour la plupart, à une publication sous forme d'article sur un blogue que je ne me lasse pas de consulter, celui de l'auteur (http://www.machinaecrire.com). C'est ainsi que j'ai pu revisiter des versions parfois remaniées de textes déjà connus, mais cela demeure tout à fait intéressant de les voir ainsi regroupés dans cet opuscule.

J'ai notamment relu avec joie Un sommaire exécutif où l'auteur décrit avec résignation assumée le supplice de celui qui tient le crayon et qui doit écrire et réécrire de façon toujours plus brève une analyse qu'il voulait complète et exhaustive d'une situation requérant une décision d'un cénacle composé de personnages ne voulant pas lire.

Nicolas Guay aime mettre en mots des situations absurdes en soi ou créées comme telles. Il puise à n'en pas douter dans son expérience de travail comme dans Le beurre et l'argent du beurre où le Client Important de l'Entreprise réclame et obtient des Vendeurs à la fois le beurre et l'argent du beurre au grand dam des Ingénieurs de l'Entreprise. Il invente des contextes incongrus. C'est le cas dans cette description chimérique, sportive et délirante d'une étape du Championnat mondial de mémorisation des décimales de pi.

J'aimerais bien avoir ce talent de raconteur d'histoires, d'inventeurs de situations, de créateurs de petits univers.

Le Machin à écrire avait également publié L'insoutenable gravité de l'être (ou ne pas être) dédié dans ce cas à la twittérature et à des fragments encore plus courts.

Voici la quatrième de couverture de Comme un léger malentendu :
Après avoir épuisé la section Croissance personnelle de la bibliothèque de son quartier, après avoir acheté en librairie tous les volumes récents sur la question — livres pratiques, témoignages, ouvrages de vulgarisation pseudoscientifique — il tomba par hasard sur ce bouquin et décida de se le procurer, peut-être influencé par la couleur guillerette de la couverture. Il le lut d’une traite et y découvrit une cinquantaine de courts textes en prose qui le laissèrent perplexe. Ce n’est pas qu’il n’en retira pas une certaine satisfaction intellectuelle, ça lui arracha même à l’occasion un sourire, mais ce qu’il recherchait, au fond, c’était un manuel d’utilisation de la vie, un inventaire des commandements du bien-être, un livre de recettes du bonheur, toutes choses que ce bouquin n’était pas. Malgré tout, quoique cette lecture ne lui ait pas permis d’atteindre la zénitude tant espérée, il ne manqua jamais par la suite de la recommander chaudement à ses proches, ainsi qu’à son coach de vie.

Ce recueil propose des versions revues et corrigées de textes en prose d’abord publiés par l’auteur dans son blogue Le machin à écrire, où il publie au jour le jour et depuis 2006 ses œuvres incomplètes.
_________________

Sur Rives et dérives, à propos de Nicolas Guay, on trouve :

Guay
Nicolas
L’insoutenable gravité de l’être (ou ne pas être) 
Guay
Nicolas
La vie secrète du commis comptable

mercredi 23 décembre 2015

Malgré tout on rit à Saint-Henri - Daniel Grenier

C'est peu dire qu'il avait tout essayé. [D.G.]
Avec un tel titre, je me serais attendu à ce que le quartier Saint-Henri de Montréal soit plus présent, qu'il occupe une place privilégiée parmi les décors de cet ensemble de nouvelles, qu'il soit l'assise de diverses aventures, qu'il soit le quartier général de ce recueil. Or, ce n'est point le cas. Je crois que Saint-Henri aura plutôt été le lieu de création, le contexte qui a permis la naissance de cette écriture multiple, l’atmosphère génératrice d'idées à mettre en textes.

Après un Chèque en blanc particulièrement réussi où la psychopop du Secret trône, Daniel Grenier s'aventure vers des portraits, des anecdotes et quelques errances, sur des tons variés, en adoptant divers niveaux de langages, en s'étendant plus ou moins sur les univers ainsi créés. Et puis il y a Les mines générales où le narrateur, féru de langue portugaise, adopte, par l'intervention du hasard, une famille brésilienne qui le changera à jamais.

Dans toutes ses interventions en forme de nouvelles, Daniel Grenier met à contribution un souffle qui ne s'épuise pas. J'ai particulièrement hâte d'aborder son récent et premier roman  L'année la plus longue.

________________

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

-->

Grenier
Daniel
La solitude de l’écrivain de fond, Notes sur Wright Morris et l’art de la fiction
Grenier
Daniel
L’année la plus longue

vendredi 18 décembre 2015

Journal d'un écrivain en pyjama - Dany Laferrière

À l'époque, j'habitais un meublé surchauffé à Montréal, et je tentais d'écrire un roman afin de sortir du cycle infernal des petits boulots dans les manufactures en lointaine banlieue.

Dans J'écris comme je vis, entretien avec Bernard Magnier, Dany Laferrière se livrait, mais selon le scénario établi par le journaliste et directeur de la collection Afriques aux Éditions Actes Sud, Bernard Magnier. Ici, dans ce Journal d'un écrivain en pyjama, c'est lui qui s'épanche et se répand en multiples capsules, notes et autres petites interventions. Il écrit pour lui, mais aussi pour ce jeune qui aspire au statut d'écrivain, pour ce jeune qui lit et voudrait à terme tenir le crayon, pour ce jeune dont l'âme recèle une multitude d'histoires qui veulent s'exprimer, pour ce jeune qui explore les différentes façons d'allonger des mots sur une page, mais aussi pour cet auteur qui l'accompagne depuis longtemps et pour ce lecteur qui ne se lasse pas de le découvrir.

Une pensée qui reste trop longtemps dans un livre fermé finit par sentir le rance.
À propos de la lecture elle-même, je recommande ce bref texte de Proust : Sur la lecture, sa préface d'un livre de John Ruskin. Il y raconte que le temps passé à lire n'est pas hors de la vie.
Chaque mauvais livre qu'on n'a pas écrit enrichit notre oeuvre.
Quand vous cherchez depuis un moment à décrire la pluie qui tombe, essayez : il pleut. 
____________________

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Laferrière
Dany
J’écris comme je vis, entretien avec Bernard Magnier 
Laferrière
Dany
L’Art presque perdu de ne rien faire 
Laferrière
Dany
L’énigme du retour 


dimanche 13 décembre 2015

Les particules élémentaires - Michel Houellebecq

Ce livre est avant tout l'histoire d'un homme, qui vécut la plus grande partie de sa vie en Europe occidentale, durant la seconde moitié du XXe siècle. [M.H.]
Michel Houellebecq se réclame de Perec dont il revendique l'influence. Houellebecq, le Perec d'aujourd'hui? Je termine Les particules élémentaires de Houellebecq et peut-être que je peux comprendre cette parenté prétendue. Il faut savoir que Perec est loin d'être l'auteur d'un seul roman, il est multiple à souhait et il s'est exercé en plusieurs styles et genres. Sa première oeuvre publiée, Les choses, est une oeuvre dite sociologique décrivant le cheminement d'un jeune couple dans une société de consommation naissante. Les particules élémentaires, dans sa description de la vie de Michel et de Bruno, deux demi-frères en opposition, n'est-elle pas une oeuvre qu'on pourrait qualifier de sociologique en ce sens que Houellebecq y peint une certaine société et les comportements de ses protagonistes dans les failles de celle-ci? Oui, peut-être que Houellebecq fait du roman sociologique comme Perec a pu le faire, d'une manière totalement différente, avec Les choses.

Toutefois, cela ne m'a pas convaincu et je demeure perplexe devant cette lecture. Chroniques du déclin d'un empire, Les particules élémentaires se veut une oeuvre provocatrice. Mais la provocation devrait être la source d'une réflexion, d'un élan vers autre chose et ici, je n'ai pas senti cet horizon. La provocation n'a engendré qu'une pâle déception. J'aurais tant souhaité que cela fut autrement.



_____________________

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :


Houellebecq
Michel
La carte et le territoire 

Houellebecq
Michel
Sérotonine