Aucun message portant le libellé oulipo. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé oulipo. Afficher tous les messages

dimanche 17 décembre 2023

Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable - Hervé Le Tellier

Je pense que vous tenez entre les mains une réédition des Amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, ou mille réponses à la question « À quoi tu penses ? » [...]. [H.L.T.]

Voici encore un ouvrage hors norme, digne du Papou (dans la tête) qu'était Hervé Le Tellier, digne de l'oulipien qui ne recule pas devant les défis que peuvent représenter des contraintes un peu folles, digne d'un auteur qui ne répugne pas la forme courte. Ces mille réponses à la question « À quoi tu penses ? » ratissent large, s'insinuent dans plein de recoins inhabituels, prennent la forme de réflexions inattendues portant sur des sujets tout aussi improbables, se répercutent dans nos propres ruminations et provoquent des sourires en coin qu'on ne peut réprimer. J'ai adoré ce joyeux parcours à petite dose dans les pensées de cet auteur à l'œuvre protéiforme.

Je pense qu'à raison d'un livre par semaine, on finit par en lire trois mille en une vie, et que ce ne sont sans doute pas les bons. [H.L.T.]
Je pense que c'est très facile de démontrer que racine de deux est irrationnel, et que pourtant le concept d’irrationalité a été difficile à admettre. [H.L.T.]
Je pense que Dieu n'a jamais eu complètement le temps de finir l’ornithorynque, parce qu'il lui manque des ailes et une hélice. [H.L.T.]
Je pense que si on me demandait quels livres j’emporterais sur une île déserte, je citerais des livres que j'ai déjà lus, alors que je ferais mieux de choisir des livres que je n'ai jamais lus. [H.L.T.]

______________

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Le Tellier

Hervé

Esthétique de l’Oulipo

27/10/2023

Le Tellier

Hervé

La disparition de Perek

06/07/2022

Le Tellier

Hervé

L’anomalie

07/11/2020


 

vendredi 17 novembre 2023

Joconde jusqu'à 100 : 99 (+1) points de vue sur Mona Lisa - Hervé Le Tellier

- Pourkoikelsouri ? dit Zazie
- J'en sais rien, moi, pourquoi, dit Gabriel. Tu peux pas admirer tranquillement comme tout le monde ?
[H.L.T.]

Un hommage à Raymond Queneau et à ses Exercices de style, un hommage particulier à une œuvre universellement reconnue en lui faisant subir le regard intéressé d'une centaine d'intervenantes et d'intervenants de tout acabit, voilà Joconde jusqu'à 100, cet écrit inclassable signé Hervé Le Tellier. De la coiffeuse de Mona Lisa à son avocat, de Marguerite Duras à Albert Camus, du logicien au psychanalyste, chacune et chacun livre son point de vue et on s'amuse avec l'auteur. On reconnaît la touche du Papou (Des papous dans la tête) aux petits bijoux d'humour que chacun des points de vue constitue. Je n'ose en dire plus pour vous laisser tout le plaisir de la découverte. 

 


________

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Le Tellier

Hervé

Esthétique de l’Oulipo

27/10/2023

Le Tellier

Hervé

La disparition de Perek

06/07/2022

Le Tellier

Hervé

L’anomalie

07/11/2020



mercredi 8 novembre 2023

Le plagiat par anticipation - Pierre Bayard

Le plagiat est aussi ancien que la littérature, à laquelle il rend indirectement hommage. [P.B.]

À chaque fois que j'aborde une nouvelle œuvre critique de Pierre Bayard, je redécouvre tout ce que le plaisir de la lecture me fait vivre et comment comme lecteur, avec mon histoire de livres lus, de livres connus ou même de livres que je n'ai pas lus, mais dont je peux parler, je teinte le livre que je lis, contribue à l'image que je m'en fais et collabore ainsi à sa création. C'est en 2009 que Bayard publie Le plagiat par anticipation. Il ne s'en cache pas, il n'est pas le créateur de ce concept déjà largement débattu par l'Ouvroir de littérature potentielle (l'Oulipo). En effet, les membres de ce groupe de chercheurs littéraires ont souventes fois reconnu dans des œuvres du passé des contraintes d'écriture qu'ils venaient pourtant de cerner. C'est dans ce cadre qu'ils mettent en lumière dans le passé quelques plagiaires par anticipation d'œuvres plus récentes. 

Bayard précise ici la définition du plagiat par anticipation en lui réattribuant l'intentionnalité comme élément essentiel et en en faisant ainsi le double symétrique du plagiat classique. C'est dans cet ordre d'idée que Bayard peut prétendre retrouver quelque chose de Conan Doyle chez Voltaire, particulièrement dans son conte philosophique Zadig ou la destinée. On prend plaisir à découvrir ainsi quelques plagiaires de renom puisant dans l'histoire littéraire qui les suit des idées, des thèmes, des styles qu'ils insèrent dans leurs travaux écrits. On sent tout l'humour ironique de Bayard poindre dans cet essai qui prône pour une nouvelle façon de concevoir l'histoire littéraire qui se transposterait également dans le domaine des arts.

Pierre Bayard m'a encore une fois passionné par sa fiction théorique.

________

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Bayard

Pierre

Comment parler des faits qui ne se sont pas produits

09/05/2021

Bayard

Pierre

Comment parler des lieux où l’on n’a pas été?

05/02/2020

Bayard

Pierre

Comment parler des livres que l’on n’a pas lus?

13/06/2009

Bayard

Pierre

Et si les œuvres changeaient d’auteur?

07/10/2019

Bayard

Pierre

Il existe d’autres mondes

20/07/2017

Bayard

Pierre

Le hors-sujet : Proust et la digression

07/09/2022

Bayard

Pierre

Le titanic fera naufrage

26/09/2020



dimanche 5 novembre 2023

Poèmes de métro - Jacques Jouet

J'écris, de temps à autre, des poèmes de métro. Ce poème en est un.
Voulez-vous savoir ce qu'est un poème de métro ? Admettons que la réponse soit oui. Voici donc ce qu'est un poème de métro.
Un poème de métro est un poème composé dans le métro, pendant le temps d'un parcours.
Un poème de métro compte autant de vers que votre voyage compte de stations moins un.
Le premier vers est composé dans votre tête entre les deux premières stations de votre voyage (en comptant la station de départ).
Il est transcrit sur le papier quand la rame s'arrête à la station deux.
Le deuxième vers est composé dans votre tête entre les stations deux et trois de votre voyage.
Il est transcrit sur le papier quand la rame s'arrête à la station trois. Et ainsi de suite.
Il ne faut pas transcrire quand la rame est en marche.
Il ne faut pas composer quand la rame est arrêtée.
Le dernier vers du poème est transcrit sur le quai de votre dernière station.
Si votre voyage impose un ou plusieurs changements de ligne, le poème comporte deux strophes ou davantage.
Si par malchance la rame s'arrête entre deux stations, c'est toujours un moment délicat de l'écriture d'un poème de métro.
[Qu'est-ce qu'un poème de métro ? Jacques Jouet]

Le recueil Poèmes de métro constitue une œuvre oulipienne (c'est-à-dire, une œuvre écrite en respectant une ou plusieurs contraintes que l'auteur a bien voulu s'imposer de lui-même), une œuvre oulipienne donc qui est tout à fait savoureuse. J'ai pris du plaisir à m'aventurer dans ce métro en observant l'auteur s'inspirer de l'activité caractéristique des voyageurs allant de station en station, qui en lisant, qui en grignotant, qui en parlant seul ou en chantonnant pour passer le temps. Certains des poèmes ont pour sujet l'écriture de poèmes de métro, d'autres portent sur ce transporteur souterrain et la faune qui le visite, d'autres enfin se permettent de nous propulser ailleurs dans la tête de l'auteur. On s'imagine dans la position de cet auteur contraint par une règle qu'il n'est pas si simple de respecter et on reste admiratif quant au résultat. L'espace d'un instant, je me suis vu dans le métro de Montréal tenant crayon et carnet, pour constater que Jouet dans son XXIIIe projet de poème était dans ce même métro de Montréal visitant le sous-sol de la ville et constatant que la voix annonçant ici les stations ne cesse de revenir à la charge constituant ainsi une surcontrainte.


vendredi 27 octobre 2023

Esthétique de l'Oulipo - Hervé Le Tellier

Nous sommes en septembre 1960. À Cerisy-la-Salle, sous la présidence de Georges-Emmanuel Clancier et de Jean Lescure, se déroule la décade «Raymond Queneau ou une nouvelle défense de la littérature française». De la rencontre de certains participants va naître l'Oulipo. [H.L.T.]

Pourquoi n'ai-je pas lu plus tôt cette œuvre majeure de l'univers oulipien ? J'en connaissais pourtant l'existence. Il y a bien sûr une question de disponibilité, du texte, assurément, mais aussi du lecteur que je suis. Il est possible que j'envisageais une lecture plus ardue qu'elle ne l'a été en réalité et que je l'ai différé quelque peu. Quoi qu'il en soit, une visite à la bibliothèque m'a permis récemment de me plonger avidement dans cette lecture et ce saut m'a éclaboussé de joie. J'ai pris un grand plaisir à accompagner Hervé Le Tellier dans ce parcours un brin inhabituel de l'œuvre oulipienne, un brin inhabituel parce que l'auteur y donne une importante touche linguistique. Cela donne au regard qu'on porte sur l'Oulipo une profondeur plus intense et un champ de vision plus large. 

On trouvera dans cet essai un peu d'histoire de ce groupe commutatif et associatif qu'est l'Ouvroir de littérature potentielle, mais on verra surtout comment il s'inscrit dans ses propres influences par le plagiat par anticipation, concept à la fois novateur et prometteur. Le lecteur comme contributeur à la création y retrouve une place en toute congruence et complicité :

Si, dixit Duchamp, «ce sont les regardeurs qui font les tableaux», ce sont les lecteurs qui font les œuvres. [H.L.T.]

On verra l'Oulipo comme un apport à l'internationalisation de la langue et des jeux qu'on peut y créer, de la linguistique appliquée à la traduction inventive par torsions et distorsions. Les contraintes induites par l'Ouvroir sont placées dans un large cadre d'art ludique et de bibliothèques autant fictives qu'ouvertes et créatives. 

Il faut bien avouer que je suis, en ce qui concerne le monde oulipien, séduit d'avance. Mais le parcours a été particulièrement jouissif et m'a permis d'ajouter nombre de lectures potentielles à la liste toujours grandissante des livres que j'espère lire. 

Où ai-je lu qu’il existe deux sortes d’arbres, les hêtres et les non-hêtres? [Oulipo]
La seule mémoire de Cantatrix sopranica corrompt la lecture «sérieuse» d’un article scientifique. La liste des articles de référence, qui court sur quatre pages, contient force morceaux de bravoure, arrachant un sourire aux plus atrabilaires. [H.L.T.]

Lecteur, encore un effort ... Oui, encore un effort. La lecture devient ici exigeante. Il ne te suffit plus, lecteur (comme apostropherait Calvino), de te laisser guider benoîtement. Tu dois désormais, si tu veux profiter de tout le sel du texte, accepter la difficulté, accepter parfois de lutter avec lui, avec son sens, avec ses sens. [H.L.T.]

_______

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Le Tellier

Hervé

La disparition de Perek

06/07/2022

Le Tellier

Hervé

L’anomalie

07/11/2020


 

dimanche 9 octobre 2022

Oulipo : L'abécédaire provisoirement définitif - Oulipo

Un Larousse de l'Oulipo, un dictionnaire de l'Ouvroir de littérature potentielle, mais pourquoi donc ? 

Mais, pour se rassasier des contraintes imaginées par ses membres. Pour contempler des exemples de jeux d'écriture. Pour gouter aux joies que procure l'évasion en mots des labyrinthes que les oulipiens ont eux-mêmes construits. Pour lire des textes inventifs, ingénieux, astucieux et souvent fantaisistes. Pour s'imaginer en train d'écrire. Pour apprécier cette improbable interface entre mathématiques et littérature. Pour lire et relire des extraits des œuvres de Perec. Pour découvrir d'autres oulipiens et leurs écrits. Pour se coltailler à de nouvelles contraintes. Pour estimer la complexité du geste d'écrire en respectant des règles imposées. Pour mesurer l'exceptionnelle potentialité créative de la contrainte. Pour s'amuser avec les mots. Pour ne point bouder son plaisir. Pour rire et se casser la tête. Voilà pourquoi, entre autres, un Larousse de l'Oulipo, un Abécédaire même provisoirement définitif s'imposait tout autant que sa lecture.

mercredi 1 décembre 2021

Un père étranger - Eduardo Berti

Quelques heures avant l’enterrement de ma mère, l’après-midi où on la veillait, et alors que l’usage aurait voulu qu’on expose son cadavre, mon père donna l’ordre de laisser le cercueil fermé. [E.B.] 
Voilà un livre mystérieux, un roman en partie autobiographique qui navigue entre les concepts d'identité, d'altérité, de migration, de paternité et d'écriture. Eduardo Berti constate à la mort de son père, un Roumain réfugié en Argentine, que celui-ci tentait d'écrire en espagnol un roman à propos d'ouvriers roumains. Le fait ainsi d'écrire dans la langue de son pays d'accueil l'amène à tracer un parallèle avec un de ses projets, celui de tracer le parcours de l'auteur polonais et britannique Joseph Conrad (Józef Konrad) qui écrivait pour sa part en anglais. Voilà autant d'occasions, en parlant de son père, de Conrad ou du livre qu'il est en train d'écrire, de s'exprimer sur la langue, sur la littérature, sur le statut d'écrivain et sur le fait d'être étranger en son monde tout en portant en soi toute une bibliothèque. Voilà un auteur, membre récent de l'Oulipo, dont j'ai bon espoir de croiser encore l'œuvre sous peu.

À l’époque, j’aimais bien la notion selon laquelle la « patrie » d’un écrivain est sa langue natale. Aujourd’hui, avec plus d’ancienneté comme étranger, je préfère l’idée que son véritable pays se trouve dans ses livres : ceux qu’il a lus ou désire lire (sa bibliothèque), ceux qu’il a écrits ou rêve d’écrire (certains appellent cela une « œuvre »).  [E.B.]

Les lecteurs cherchent et voient les ressemblances entre les livres, nombreux ou non, d’un écrivain ; l’écrivain, de son côté, voit surtout leurs différences. [E.B.]

Je n’ai pas lu Jouhandeau : il fait partie de la longue liste d’écrivains que, je suppose – sauf miracle ou cas de force majeure – je ne lirai jamais ; c’est impossible, il faudrait vivre mille ans ou, plutôt, ne pas vivre et ne faire que lire, lire et lire. Lire qui, d’accord, est aussi vivre. Mais qui ne l’est pas si on ne fait que ça.  [E.B.]

 

vendredi 11 juin 2021

Cahiers Georges Perec, no 13, La Disparition, 1969-2019 : un demi-siècle de lectures - dir. Maxime Decout


La Disparition doit sa notoriété au défi qu'il relève : écrire plus de trois cents pages sans utiliser la lettre la plus fréquente de l'alphabet, le e. S'il est indéniable d'y voir un exploit formel, le roman ne peut cependant y être réduit. [M.D. et Y.M.]

Se replonger dans une lecture signifiante par le truchement et l'interprétation d'autres lecteurs, c'est ce que m'a fait vivre cet agréable moment où j'étais totalement absorbé par les regards portés sur les méandres de l'œuvre lipogrammatique par excellence que représente La Disparition de Georges Perec. J'ai revécu cette expérience étonnante de lire page après page un texte sans e qui nous transporte et nous enivre d'un contexte policier entrant manifestement en résonance avec la forte contrainte choisie. Ce numéro des Cahiers Georges Perec s'ouvre sur 50 souvenirs de La Disparition, la mémoire d'actuels oulipiens à propos de leurs contacts respectifs avec l'œuvre en question. 

Je me souviens que chaque traduction de La Disparition a été une aventure et chacun de ses traducteurs une sorte de héros. [Eduardo Berti]

Je me souviens avoir pensé, en lisant La Disparition pour la première fois, que ce n'était pas si compliqué, puis d'avoir essayé de « faire pareil » et commencé par constater qu'on ne pouvait écrire ni « faire », ni « pareil ». [Hervé Le Tellier] 

J'aurai appris au travers les textes suivants à quel point Perec avait joué de la réécriture intertextuelle pour construire son tour de force. Comment il avait réécrit en langage lipogrammatique de larges passages de Raymond Roussel, un oulipien par anticipation, comment il avait emprunté des phrases réaménagées d'Arthur Gordon Pym d'Edgar Allan Poe, comment il pastiche de nombreux auteurs comme Borges, Baudelaire, Rimbaud ou Victor Hugo.

Certaines thèses avancent sur un terrain moins stable en accordant à la contrainte utilisée une signification politique sinon psychanalytique en évoquant les questions existentielles qui traversent l'œuvre de Perec. Ce n'est pas l'aspect qui m'aura le plus séduit. 

Je demeure avec l'idée que La Disparition mérite le plus d'angles d'approche que possible, qu'il y a plus que l'exercice de style dans ce roman, que l'intertextualité manifeste engage vers une nouvelle lecture, que Perec ne cessera de me surprendre et de m'éblouir, et enfin, que la littérature serait bien différente sans ses écrits.   

[...] sortir du parcours rassurant du mot trop subit, trop confiant, trop commun, n'offrir au signifiant qu'un goulot, qu'un boyau, qu'un chas, si aminci, si fin, si aigu qu'on y voit aussitôt sa justification. [G.P.]

Il y avait un manquant. Il y avait un oubli, un blanc, un trou qu’aucun n’avait vu, n’avait su, n’avait pu, n’avait voulu voir. [G.P.]

Pour Georges Perec, l’écriture est bien le lieu où se rencontrent la lecture, les souvenirs et l’imaginaire, ces trois concepts se retrouvant toujours entremêlés dans chacun de ses écrits, la contrainte permettant au texte de naître. [Éric Lavallade, Le roman (policier) dans le roman, dans Cahiers Georges Perec 13] 

 ____________

Autour de Georges Perec, sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Burgelin

Claude

Album Georges Perec

20/04/2022

Évrard

Franck

Georges Perec ou la littérature au singulier pluriel 

06/01/2015

Perec

Georges

Cantatrix Sopranica L. et autres écrits scientifiques 

30/05/2010

Perec

Georges

Espèces d’espaces

05/06/2017

Perec

Georges

Georges Perec

16/02/2010

Perec

Georges

L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation

15/03/2009

Perec

Georges

L’attentat de Sarajevo

05/09/2016

Perec

Georges

La vie mode d’emploi 

10/02/2016

Perec

Georges

Le Voyage d’hiver et ses suites

22/08/2019

Perec

Georges

Penser / classer 

30/05/2016

Perec

Georges

Tentative d’épuisement d’un lieu parisien

09/07/2018

Perec

Georges

Un cabinet d’amateur, Histoire d’un tableau

13/06/2020

Perec

Georges

Un homme qui dort

02/10/2016





samedi 7 novembre 2020

L'anomalie - Hervé Le Tellier

Tuer quelqu’un, ça compte pour rien. Faut observer, surveiller, réfléchir, beaucoup, et au moment où, creuser le vide. [H.L.T.]

Hervé Le Tellier, le quatrième président de l'Ouvroir de littérature potentielle, nous entraîne dans une œuvre qu'on pourrait tenter de classifier telle un thriller scientifique, ou encore un polar politique. Ne serait-ce pas plutôt un roman psychologique ou une fantaisie science-fictionnelle? Enfin, l'objet étrange duquel on ne peut que difficilement se soustraire est surtout un bon roman dont on parcourt les chapitres en espérant qu'il n'y aura pas d'interruption. L'anomalie présente, comme on peut le constater à notre difficulté de placer ce roman à l'intérieur d'une catégorie, de multiples facettes. Était-ce là une contrainte? L'auteur, comme tous les oulipiens, prône à qui veut bien l'entendre que de la contrainte nait l'invention. Invention il y aura bien dans ce roman à tiroirs. 

Un vol Paris-New York, qui en est à quelques minutes de son arrivée, fonce sur un mur de cumulonimbus fait d'eau et de glace. Il se sort miraculeusement de cette tempête hors-norme après des turbulences difficilement maîtrisées. Un problème surgit toutefois : les tours de contrôle reconnaissent en ce vol, un appareil qui s'est posé à New York trois mois plus tôt ayant à son bord le même équipage et les mêmes 243 passagers. Il y a là une anomalie. Que faire? Après le 11 septembre 2001, deux jeunes mathématiciens probabilistes avaient modélisé toutes les variables et tous les événements qui pourraient affecter le trafic aérien et ils avaient déterminé une série de protocoles à mettre en place selon les circonstances. Leur rapport secret-défense s'intitule Trafic aérien civil : diagnostics de crise, optimisation de la chaîne de décision et protocoles de riposte/sécurité. Absolument tout est prévu et, dans le cas tout-à-fait improbable où une circonstance non étudiée se présentait, il y avait le protocole 42. C'est celui-là même qui se met en branle lors du dédoublement du vol Paris-New York.

Les différents genres exploités par Le Tellier, s'incarneront dans un échantillon non aléatoire de personnages dont les multiples destinées ont l'incompréhensible particularité de s'exprimer par deux fois en près de trois mois d'intervalle. On trouvera même parmi les passagers un double de l'auteur, Victor Miesel, dont on a récemment publié une œuvre posthume, L'anomalie. Une mise en abyme particulièrement réussie.

Voilà un magnifique voyage que nous offre l'auteur de ce vol vers l'inconnu. 

Je n’ai jamais su en quoi le monde serait différent si je n’avais pas existé, ni vers quels rivages je l’aurais déplacé si j’avais existé plus intensément, et je ne vois pas en quoi ma disparition altérera son mouvement. [H.L.T.]

Pour un probabiliste, c’est un rêveur, il a des yeux verts qui le feraient prendre pour un théoricien des nombres, même s’il porte les cheveux aussi longs qu’un théoricien des jeux, de petites lunettes d’acier trotskisantes de logicien et de vieux T-shirts troués d’algébristes - celui qu’il arbore en cet instant est particulièrement avachi... [H.L.T.]

L’existence précède l’essence, et de pas mal en plus. L’anomalie de Victor Miesel [H.L.T.]

- Ce phénomène est prodigieux, monsieur le président, commence Adrian en se raclant la gorge, mais comme le disait Arthur C. Clarke, toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie. [H.L.T.]

Il a sorti son carnet, un stylo, il tente de s’abstraire des cris, du bruit, il prend des notes : Épuisement d’un lieu improbable. Mais non. Pourquoi marcher à l’ombre de Perec ? Pourquoi ne s’affranchit-il jamais des influences, des figures tutélaires ? [H.L.T.]

Aucun auteur n’écrit le livre du lecteur, aucun lecteur ne lit le livre de l’auteur. Le point final, à la limite, peut leur être commun. L’anomalie. Victor Miesel [H.L.T.]

- Toujours se méfier des gens qui nous demandent de nous méfier, [...] [H.L.T.]

Malgré tout, je n’aime pas trop ce mot de « destin ». Ce n’est qu’une cible qu’on dessine après coup à l’endroit où s’est fichée la flèche. [H.L.T.]

 Appréciation : 4,5/5

 _____

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Le Tellier

Hervé

La disparition de Perek

06/07/2022