mercredi 29 janvier 2020

Jette ce livre avant qu’il soit trop tard - Marcel Bénabou

Allons, pose ce livre. [M.B.]
Marcel Bénabou,  celui-là même qui cumule les prestigieuses responsabilités de secrétaire provisoirement définitif et de secrétaire définitivement provisoire de l’Ouvroir de littérature potentielle, nous relate ici son affrontement, sa lutte ou son combat avec un opuscule, un ouvrage s’affichant sous la forme de livre qui s’est présenté à lui en le narguant, en le provoquant, en lui interdisant d’aller plus loin, en se dissimulant derrière des formules comportant des injonctions impératives, des diktats qui ont constitué autant de provocations et d’esbroufes. On assiste, interloqué, à toutes les tentatives de l’auteur pour décoder, décrypter, déchiffrer, lire en quelque sorte le livre réticent.

J’avais croisé il y a plusieurs années (près de trente ans) la plume de Bénabou dans un roman (Pourquoi je n’ai écrit aucun de mes livres) dont je garde précieusement la lecture en mémoire telle une oeuvre dont, naïvement, j’aurais aimé être l’auteur si le contexte et les détours de la vie m’avaient doté d’un talent semblable. Je le retrouve ici avec la même exaltation, avec le même plaisir du jeu avec la lecture, l’écriture et le concept de littérature qui les lie.
De fait, il était de ceux pour qui lire n’est ni un plaisir ni un passe-temps, ni un refuge ni un alibi, mais une vocation, la seule pour ainsi dire. [M.B.]
Toute l’histoire des hommes est là pour prouver que l’interprétation métaphorique a des ressources infinies, et qu’il n’est pas de texte qu’elle ne puisse sauver. [M.B.]
L’alphabet lui-même m’apparaissait dans son abord le plus affable, et non plus affublé de ses éternels falbalas. [M.B.]

Appréciation : 4,5/5 

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Bénabou
Marcel
Pourquoi je n’ai écrit aucun de mes livres 


vendredi 24 janvier 2020

Civilizations - Laurent Binet


Il y avait une femme qui s’appelait Aude la Très-Sage, fille de Ketill au nez plat, qui avait été reine. [L.B.]
Merveilleuse uchronie que cette saga où les vikings puis, plus tard, Christophe Colomb, livrent aux Skraelings, ou à ceux qu'ils considèrent être des habitants du Vinland ou du Groenland, les outils et les connaissances pour que l'Inca considère un voyage vers un nouveau monde au-delà d'une mer sans fin et que, de Quito en passant par Cuba, Atahualpa découvre les pays du Levant en débutant par Lisbonne au lendemain du tremblement de terre de 1531.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais la geste des hommes est un fleuve dont personne, hormis Le Soleil s’il venait à s’éteindre, ne saurait interrompre le cours. [L.B.] 
Atahualpa, l’Inca, a quitté une guerre fratricide pour s'insérer dans un monde où la religion tient une place qui lui parait inadmissible, un pays où les états comme les religions se livrent à des tricheries, à des tromperies, à des duperies comme à des actes de mauvaise foi. En s’appuyant sur l’Espagne du moment, il construit un nouveau monde, un nouvel empire où il prendra la place de Charles Quint et où les lignées européennes de sang bleu créeront de nouvelles filiations en y mêlant du sang inca. Laurent Binet nous entraîne dans une suite de péripéties imaginées comme une reconstruction de l’histoire, il adopte pour ce faire un style proche de la chronique historique. Cela convainc assurément bien que, parfois, le détachement imposé ne nous permet pas de nous immerger autant qu’on aurait voulu dans le monde uchronique que l’auteur a inventé pour nous.

Appréciation : 3,5/5
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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Binet
Laurent
La septième fonction du langage 


vendredi 10 janvier 2020

Bâchez la queue du wagon-taxi avec les pyjamas du fakir - Thierry Maugenest

Au commencement était le Verbe disent les Saintes Écritures. Néanmoins, le Bescherelle soutient que le Sujet le précédait... [T.M.]
Que voilà un recueil amusant! Fait d’aphorismes, d’anecdotes, de courts textes et de remarques impertinentes, sur les auteurs, leurs écrits, leurs styles, la grammaire et les mots, il suscite plus qu’à son tour le sourire. Son titre, un pangramme assumé, m'a attiré et j'ai dévoré la suite me laissant transporter dans l'univers particulier de ce critique littéraire qui se laisse aller à des facéties comme à des jeux d'esprit mêlant érudition et plaisanterie dans ces fantaisies littéraires.
Pour en faire un : dites trois fois alexandrin. [T.M.]
« Prenons garde aux fausses citations d'écrivains que nous lisons sur Internet. »  (Montaigne, Les Essais)
Toutes les fois que cet indolent lecteur tombait sur le mot procrastination, il remettait au lendemain l'effort de rechercher le sens de ce terme énigmatique. [T.M.] 
Guillemeter un terme n'excuse pas, disait-on jadis, de n'avoir pas trouvé le mot juste. [T.M.]
Les borchtchs sont des potages russes... à base de consonnes. [T.M.] 

Appréciation : 4/5