mercredi 19 août 2009

Nicolas Bourbaki - Histoire d'un génie des mathématiques qui n'a jamais existé - Amir D. Aczel


C'était une lecture entendue. La lecture d'Impératif catégorique de Jacques Roubaud m'a replongé dans une époque où l'appréhension structurelle des mathématiques était ma vie, une période où Bourbaki était encore au centre des développements de cette science.

Nicolas Bourbaki, membre éminent de l'Académie des sciences de Poldévie, n'a, en effet, jamais existé. Il est le nom emprunté, sur la base d'un canular, par un groupe de mathématiciens français regroupés autour d'Henri Cartan, Claude Chevalley, Jean Dieudonné et André Weil (frère de la philosophe Simone Weil). Cette association des amis de Nicolas Bourbaki, à laquelle se sont joints plusieurs autres mathématiciens influents, a été le phare de l'organisation rigoureuse des mathématiques pendant le XXe siècle. La publication, sous le nom de Nicolas Bourbaki, des différents volumes de l'œuvre collective que constitue les Éléments de mathématique a marqué l'évolution, l'organisation, le développement ainsi que l'enseignement des mathématiques jusqu'au début des années soixante-dix et même au-delà.

Comme mathématicien, j'étais bien conscient de cette prépondérance bourbakiste dans le développement structurel des mathématiques du XXe siècle. Ce que je connaissais moins et que cette lecture m'a fait découvrir, c'est la place que Bourbaki a occupé dans la naissance du structuralisme.

Je ne savais pas que le structuralisme trouvait son origine en linguistique, que c'est Saussure et Jakobson (dans les années trente) qui avaient délimité les principes fondateurs de la linguistique structurale, que cette linguistique structurale s'exprime par la prééminence de la structure dans l'étude d'une langue [nos linguistes me corrigeront, j'espère]. J'ai appris que l'utilisation que Lévi-Strauss a fait du concept en anthropologie résidait en partie sur un lien qu'il avait établi avec André Weil (de Bourbaki) et que c'est l'application de la théorie des groupes à un problème proposé par Lévi-Strauss qui initie le mouvement structuraliste à l'extérieur de la sphère linguistique.

Finalement, cet ouvrage m'aura permis de constater les liens multiples entre un groupe de mathématiciens, la notion de structures en mathématiques et la ramification de l'influence structuraliste dans des domaines aussi divers que la psychologie avec Piaget, la psychiatrie et la psychanalyse avec Lacan, l'économie avec Leontief, ... et la littérature avec l'Oulipo, l'Ouvroir de littérature potentielle (eh oui). La boucle est donc bouclée.

vendredi 7 août 2009

Chamboula - Paul Fournel


Au Village Fondamental, la vie était organisée selon les compétences de chacun. (P.F.)
Mais, l'africain Village Fondamental sera chamboulé. Pas tant par l'incommensurable beauté de Chamboula qui s'inscrit dans la juste lignée de l'évolution et est approuvée par les Ancêtres, mais plutôt par l'intrusion incongrue d'éléments d'un autre monde, par l'envahissement cryptocolonialiste d'extracteurs d'or noir, or noir qui se trouvera sous le sol, à l'endroit même où les Ancêtres tiennent leurs assemblées.

Ce choc de deux mondes, cette étincelle, sera l'occasion pour Fournel de décliner l'histoire sous forme d'un conte à volets, sous forme de récits se propageant dans des univers parallèles sinon perpendiculaires, des aventures reflétant des réalités se côtoyant dans des contextes distants. Chamboula sera donc à la fois un roman se situant résolument contre l'impérialisme et un conte constituant un exercice de style sur les parcours possibles d'une réalité inventée. À ce titre, Chamboula possède des points communs avec L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation de Perec. Mais, est-ce surprenant? Perec et Fournel sont de la même école.

Paul Fournel est l'actuel président de l'Ouvroir de Littérature Potentielle.