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dimanche 5 novembre 2023

Poèmes de métro - Jacques Jouet

J'écris, de temps à autre, des poèmes de métro. Ce poème en est un.
Voulez-vous savoir ce qu'est un poème de métro ? Admettons que la réponse soit oui. Voici donc ce qu'est un poème de métro.
Un poème de métro est un poème composé dans le métro, pendant le temps d'un parcours.
Un poème de métro compte autant de vers que votre voyage compte de stations moins un.
Le premier vers est composé dans votre tête entre les deux premières stations de votre voyage (en comptant la station de départ).
Il est transcrit sur le papier quand la rame s'arrête à la station deux.
Le deuxième vers est composé dans votre tête entre les stations deux et trois de votre voyage.
Il est transcrit sur le papier quand la rame s'arrête à la station trois. Et ainsi de suite.
Il ne faut pas transcrire quand la rame est en marche.
Il ne faut pas composer quand la rame est arrêtée.
Le dernier vers du poème est transcrit sur le quai de votre dernière station.
Si votre voyage impose un ou plusieurs changements de ligne, le poème comporte deux strophes ou davantage.
Si par malchance la rame s'arrête entre deux stations, c'est toujours un moment délicat de l'écriture d'un poème de métro.
[Qu'est-ce qu'un poème de métro ? Jacques Jouet]

Le recueil Poèmes de métro constitue une œuvre oulipienne (c'est-à-dire, une œuvre écrite en respectant une ou plusieurs contraintes que l'auteur a bien voulu s'imposer de lui-même), une œuvre oulipienne donc qui est tout à fait savoureuse. J'ai pris du plaisir à m'aventurer dans ce métro en observant l'auteur s'inspirer de l'activité caractéristique des voyageurs allant de station en station, qui en lisant, qui en grignotant, qui en parlant seul ou en chantonnant pour passer le temps. Certains des poèmes ont pour sujet l'écriture de poèmes de métro, d'autres portent sur ce transporteur souterrain et la faune qui le visite, d'autres enfin se permettent de nous propulser ailleurs dans la tête de l'auteur. On s'imagine dans la position de cet auteur contraint par une règle qu'il n'est pas si simple de respecter et on reste admiratif quant au résultat. L'espace d'un instant, je me suis vu dans le métro de Montréal tenant crayon et carnet, pour constater que Jouet dans son XXIIIe projet de poème était dans ce même métro de Montréal visitant le sous-sol de la ville et constatant que la voix annonçant ici les stations ne cesse de revenir à la charge constituant ainsi une surcontrainte.


mardi 13 avril 2021

Le chasseur d'histoires - Eduardo Galeano

Le vent efface les traces des mouettes. Les pluies effacent les traces de pas des hommes. Le soleil efface les traces du temps. [E.G.]
Il est difficile de décrire cet objet livre, car il ne répond à aucun classement. À moins qu'on ne le catégorise comme un recueil de poèmes, la catégorie poésie étant, selon moi, moins empreinte de normes, plus libre et plus ouverte à l'expérimentation. Voici donc un opuscule regroupant des pensées, des avis sur de petites tranches d'histoires, une mosaïque de regards sur le monde, des opinions politiques, sociales, un ensemble de récits, d’anecdotes, de légendes où mémoire, morale et sens de la vie s’inscrivent dans de courts textes souvent sud-américains, mais pas uniquement. On peut l'ouvrir sur n'importe quelle page pour entrebâiller une nouvelle fenêtre et recevoir un vent frais chargé d'idées.

C'était ma première lecture de cet auteur uruguayen. J'ai hâte de me replonger dans son univers multiple et d'en découvrir d'autres aspects.

L'entraide et la conscience communautaire ne sont peut-être pas des inventions humaines. Les coopératives de logements, par exemple, ont peut-être été inspirées par les oiseaux. [E.G.]

À Kashi, ville saine des Tamouls de l'Inde, vivait et jouait le flûtiste qui jouait le plus faux au monde. On le payait très bien, pour qu'il joue très mal. Au service des dieux, sa flûte torturait les démons. [E.G.]

Un jour de l'an 1911, La Joconde disparut du Musée du Louvre. Quand la disparue reparut, après deux ans de recherches, on constata que le vol n'avait pas effacé le sourire le plus mystérieux du monde : il avait multiplié son prestige. [E.G.] 

Pour vaincre sa peur, un des enfants, le plus savant, expliqua ce qu'était la mer : - C'est une rivière avec une seule rive. [E.G.] 

Appréciation : 4,5/5 

mercredi 25 novembre 2020

Un dimanche à ma fenêtre - Christian Vézina

Si j'avais écrit ce livre, il eût été bien différent. Bien sûr, je suis l'auteur de ces textes, mais je les ai écrits pour les dire, sans autre but que de les lire à la radio le dimanche matin... [C.V.]

Que de beaux souvenirs surgissent à la lecture de ces chroniques, je les entends encore dans le cadre de l'émission Dessine-moi un dimanche diffusée sur les ondes de Radio-Canada. Plus d'une fois, j'ai été tenté de les réécouter, plus d'une fois, je me suis dit que j'aimerais bien relire ces textes inspirés, ces billets jouant avec la langue, la poésie et l'humour sur des thèmes aussi variés que l'imagination sans retenue de leur auteur. Les intitulés de ces chroniques font foi de l'éclectisme de la démarche, en voici quelques-uns : Et que dire de ce fromage?, Un pluriel singulier, Le mépris, Les mots, Art ne prend pas d'accent circonflexe, Déménager, Nostalgie, Y réfléchir et l'imaginer, ...

Pertinence de l’impertinence, le rebelle est insupportablement nécessaire. [C.V.]

Comprends-tu, chose, la nostalgie c'est comme l'eau : si on n'y reste pas trop longtemps c'est une cure de jouvence! Autrement on en sort tout plissé! [C.V.]
J'ai lu ce recueil loin de chez moi, j'y ai trouvé le réconfort des bons mots chuchotés à mon oreille avec le désir de se laisser porter par la parole, les idées, les tournures et un verbe sans prétention.

Appréciation : 3,5/5

dimanche 22 novembre 2020

Ornithologie - Mathieu K. Blais

Un jour, un oiseau est venu mourir sur ma galerie. [M.K.B.]

J'ai été attiré par le titre et le concept tel que je l'avais compris. J'aimais l'idée de retrouver dans le comportement des oiseaux des réflexions sur la vie, sur ma vie, d'y trouver une symbolique qui se détache du commun, une métaphore sociétale ancrée dans le personnel qui s'amuse sur les ailes des mots. J'ai peut-être réussi à y voir un peu de cela, mais malheureusement de façon éparse dans les quelques pages du recueil. Est-ce que ma disposition à lire de la poésie n'était pas entière? Mes attentes et mes désirs ne relevaient-ils pas plus de l'imaginaire et du rêve face à un auteur que je ne connaissais pas? J'ai, en partie, vécu une légère déception, mais, parfois, au croisement de deux phrases, sur le seuil d'une envolée, en tournant une page, j'ai sympathisé avec une tournure et j'ai repris ma marche dans l'expectative d'une nouvelle rencontre. 
J’habite une ville d’oiseaux fantôme. [M.K.B.]
Je ne suis nulle part. C’est une destination de rêve où il n’y a rien à faire ni à voir. [M.K.B.]
Le bleu du ciel n’est pas une couleur.
Le bleu du ciel est un symptôme. [M.K.B.]
On est à peine un bruit de fond. Le monde une faute de frappe. [M.K.B.]

J’emprunte toujours les mêmes raccourcis. C’est un labyrinthe rudimentaire. Je ne marche pas dans la ville, je marche dans ma mémoire comme dans la vallée de l’ombre. [M.K.B.]

Appréciation : 3/5 

dimanche 16 août 2020

Les villes de papier - Dominique Fortier

Emily est ville toute de bois blanc nichée au milieu de prairies de trèfle et d'avoine. 
[D.F.]

Découvrir un tant soit peu Emily Dickinson par les fragments de poésie en prose de Dominique Fortier, voilà un petit délice. Lorsque cela se fait dans un contexte qui permet de s'attarder sur les mots, de sentir les phrasés, d'apprécier la liberté avec laquelle l'auteure aborde la réalité, on vit alors à l'intérieur de l'imagination et de la littérature et on hume les fleurs qui accompagnaient toujours Emily. La poétesse a vécu dans un monde bien à elle, un monde qui n'existait que sur les bouts de papier recelant sa poésie, un monde qui, comme les villes fictives prenant place sur certaines cartes, n'a de réalité que sur celles-ci. Dominique Fortier nous ouvre tout en douceur et en prenant soin de respecter la tranquillité des lieux le jardin d'Emily Dickinson. À nous maintenant d'y faire nos explorations.

Dans les livres il y a d'autres livres, comme dans un palais des glaces où chaque miroir en réfléchit un second, chaque fois plus petit, jusqu'à ce que les hommes ne soient pas plus grands que des fourmis. [D.F.]
Il fait en parlant beaucoup de gestes, dont certains ne sont pas nécessaires. [D.F.]

[...] un inventaire hétéroclite qui n'était pas sans rappeler certaines des listes vertigineuses de La vie mode d'emploi. [D.F.] 

Il y a des risques à côtoyer l'infini. [D.F.]
*Il faut pour faire une prairie
Un trèfle et une abeille -
Un seul trèfle, une abeille
Et quelque rêverie.
La rêverie suffit
Si vous êtes à court d'abeilles.*
Emily Dickinson [Trad. Michel Leyris, in Esquisse d'une anthologie de la poésie américaine du XIXe siècle, Gallimard] 
Qui a besoin de Dieu quand il y a des abeilles ? [D.F.] 

J'habite une rue, deux parcs et la montagne voisine. [...] Mon Outremont est à la jonction exacte de l'an 1917 (année où a été construite ma maison) et de l'an 2017 (où j'écris ces lignes) [...]. [D.F.] 

Appréciation : 4/5 

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

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Au péril de la mer

04/01/2017

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Du bon usage des étoiles

08/01/2019

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Les larmes de saint Laurent

01/04/2020

mardi 14 avril 2020

Pas même le bruit d'un fleuve - Hélène Dorion

Combien de jours vivrons-nous? [H.D.]
La poète québécoise Hélène Dorion nous convie à une quête, une recherche de mémoire afin de trouver sa mère derrière la mer (à cette hauteur du fleuve, on peut l'appeler ainsi). Cela se fera au coeur d'un roman fait de sauts dans le temps et dans l'espace, de l'enfance à aujourd'hui, de la chambre à la mer, d'un quartier montréalais au fleuve toujours présent de Kamouraska, où le passé vient ressurgir, où les naufrages d'hier se répercutent sur les peines d'aujourd'hui. C'est en usant d'une magnifique plume poétique que l'auteure ou son alter ego Hanna nous fait voyager au travers des bribes de souvenirs, des artefacts qui ne trouvaient plus leur signification, vers un jeu de pistes qui, par la beauté des mots, la guidera vers une reconquête de sa mère Simone.

On ne peut, je crois, lire cette oeuvre sans replonger dans son propre passé et celui des nôtres, sans se questionner sur l'existence antérieure de celles et ceux qu'on a côtoyés depuis la naissance, sans tenter de revoir les liens qui nous rattachent au flux continu du temps depuis le monde d'avant. Et puis, pour ma part, je n'ai pu que me référer à un autre naufrage, une tragédie qui a eu lieu plus dans le golfe que dans l'estuaire, proche du bout du monde, des années auparavant. En 1847, un voilier arrivant de Sligo en Irlande transportait mes ascendants, les Kavanagh ou Kaveney. Le Carrick s’est abimé une nuit de tempête sur un récif un peu au sud de l’actuel phare de Cap-des-Rosiers. La charge n’est pas la même, mais cette histoire a ému toutes les générations suivantes et on peut, comme Hélène Dorion, se questionner : « [...] ne devenons-nous avec le temps que les survivants d’une multitude de naufrages ? »

On ne connaît sans doute jamais tout à fait les visages les plus proches. Ils demeurent pour nous des énigmes, malgré les années qu’on a partagées avec eux dans une intimité qui ne sera peut-être jamais recréée. Les êtres présents depuis notre naissance, ceux qui ont accompagné nos premiers pas, nos premiers mots, nos premières chutes aussi, restent des mosaïques inachevées. [H.D.]
La vie d’un artiste se construit avec le chaos, on ne fait que parler d’ombre et de lumière qui s’interpellent, de choses vivantes et inertes, réelles et imaginaires qui se répondent. [H.D.]
Les poèmes peuvent-ils nous sauver du naufrage ? Peuvent-ils souffler sur le brouillard qui a effacé l’horizon et dévoiler ces montagnes qu’on n’avait pas encore vues, dont on ne soupçonnait même pas l’existence ? [H.D.]
Antoine regarde le Majestueux, c’est ainsi qu’on appelle le fleuve, à cette hauteur, quand il se confond avec la mer et qu’on ne voit plus ses rives. [H.D.]
Arrivera-t-elle à laisser entrer suffisamment d’heures, de jours, de mois dans son cœur et dans son ventre pour que finisse par s’estomper la douleur ? [H.D.]
On croit parfois savoir l’essentiel des êtres qui nous sont proches. Il arrive qu’on souffre, et que cette souffrance ait pris naissance bien avant nous. [H.D.]

Appréciation : 4/5