L’écrivain américain Morgan Robertson n’a jamais dissimulé qu’il s’était inspiré dans son roman Futility, pour décrire l’odyssée dramatique de son navire imaginaire, le Titan, du naufrage du Titanic survenu quatorze années plus tard. [P.B.]
Dans sa vaste entreprise d'examen anticonformiste de la littérature, des textes et des écrits, Pierre Bayard explore avec Le Titanic fera naufrage un thème qu'il avait abordé par certains égards dans Il existe d'autres mondes. Il traite pour notre plus grand plaisir des œuvres qui présentent, dans leur nature même ou dans certaines lectures qu'on peut en faire, des éléments de prospective, d'anticipation ou de prophétie, le roman Futility de Robertson faisant office d'étalon, lui qui, quatorze ans avant le fait, imaginait le naufrage d'un gigantesque navire appelé le Titan. Bayard analyse ce corpus d'œuvres visionnaires, fait la part des choses et nous livre quelques pistes pour entrevoir comment certains écrivains démontrant une sensibilité extrême ont pu saisir, à même un télescopage de la temporalité, une part de futur, comme une lueur dans les entrailles du temps. Bien sûr, notre lecture de certains écrits peut à tort leur conférer une qualité visionnaire quand on trouve un nombre qui nous apparaît élevé de coïncidences, alors que ce phénomène apparemment surprenant ne relève que du nombre considérable de cas desquels est tiré l'échantillon. Cela pourrait s'apparenter aux théories qui voient une utilisation du nombre d'or dans une somme d'œuvres picturales ou architecturales alors que c'est tout probablement le hasard qui a joué dans la proximité des proportions. Toutefois, sans parler de prophétie, Bayard accorde à certains écrivains une capacité de décrire avec un temps d'avance des évolutions et des événements qui ne sont pas encore survenus. Il serait donc fondamental, dans cet esprit, que les politiques prennent des dispositions permettant d'interpréter réellement ces anticipations et d'en tirer les conséquences. Voilà une autre contribution que la littérature de fiction pourrait offrir au monde réel.
[...] il est temps maintenant de faire un pas de plus et d’examiner les principales théories susceptibles de rendre compte de la capacité anticipatrice de la littérature. [P.B.]
Si les écrivains ont une fonction d’éveil, c’est bien parce qu’ils acceptent de voir avec un temps d’avance ce à quoi leurs contemporains ne tiennent pas à être confrontés. [P.B.]
Comme une des aptitudes de notre esprit est, précisément, de conférer à toutes sortes de combinaisons abstraites - l’alphabet et les nombres en constituent les exemples les plus saillants -, la rencontre du monde et de notre subjectivité peut donner là de nombreux malentendus. [Gérald Bronner cité par P.B.]
La théorie selon laquelle la littérature et l’art seraient des sismographes aptes à enregistrer par moments des éclats du futur ne doit certes pas dissimuler la part que joue notre lecture dans la construction de ressemblances entre les œuvres et la réalité. [P.B.]
Appréciation : 3,5/5
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