mercredi 17 avril 2024

La promenade - Robert Walser

Un matin, l'envie me prenant de faire une promenade, je mis le chapeau sur la tête et, en courant, quittai le cabinet de travail ou de fantasmagorie pour dévaler l'escalier et me précipiter dans la rue. [R.W.]

Je ne connaissais Robert Walser que de nom sans savoir le situer sur la toile littéraire. Puis, au cœur de ma lecture d'une délicieuse biographie de Franz Kafka, son nom revient associé à celui de Kafka bien que sa légèreté soit assez distante du style du premier. Le rapprochement a été assez intrigant pour me diriger vers cette lecture de La promenade. Si je peux saisir le lien que certains peuvent faire, surtout avec L'Amérique ou le disparu, j'ai surtout reconnu une influence du maître de la digression qu'est Laurence Sterne comme dans La vie et les opinions de Tristram Shandy. En effet, dans cette promenade à laquelle Walser nous convie comme lecteur et accompagnateur de sa déambulation, le pas de côté, la digression, l'aparté, ont toutes leur place. De la librairie au tailleur, de l'urbanité au rural, du percepteur à la boulangerie, en croisant des dames, ou en acceptant une invitation à déjeuner, le narrateur ne se gène pas pour nous interpeler et nous entraîner dans des considérations parallèles. Douce lecture, s'il en est. 

Je voudrai bien croiser à nouveau cet auteur suisse.

Tandis que tu prends la peine, cher lecteur, d’avancer à pas comptés, en compagnie de l’inventeur et scripteur de ces lignes, dans le bon air clair du matin, sans hâte ni précipitation, mais de préférence d’une façon tout à fait propre, bonhomme, objective, posée, lisse et tranquille, voilà que nous arrivons tous deux devant la boulangerie déjà signalée, avec sa prétentieuse inscription dorée, et nous nous arrêtons, atterrés, enclins que nous sommes tant à l’affliction profonde qu’à la stupeur sincère devant cette grossière esbroufe et le gâchis qu’elle entraîne du même coup aux dépens d’un paysage qui nous est des plus chers. [R.W.] 

Est-ce que jamais auteur de province ou de la capitale fut, envers le cercle de ses lecteurs, plus timide et plus courtois ? Je tends à croire que non, et c’est donc avec une parfaite bonne conscience que je poursuis mes récits et mon bavardage. [R.W.] 

vendredi 12 avril 2024

Le Sortilège Modiano - Nicolas Bocq

Sa silhouette sombre s'agitait dans la salle des pas perdus, ses chaussures résonnaient en un écho sec qui permit à la petite dame au chignon de le repérer instantanément. [N.B.]

Marc Viker est un avocat de renom, il est atteint, peut-être comme l'auteur, d'un sortilège qui fait qu'il ne peut se départir du Quarto que Gallimard a dédié à Patrick Modiano, il le lit et le relit, il en parcourt des extraits, il les dit à voix haute, il s'en imprègne. Mais, plus que cela, les circonstances de la vie le replongent, comme les protagonistes créés par Modiano, dans son histoire de vie, dans ses origines, dans un passé fantomatique où se projetaient les yeux d'une adolescente, où il vivait des sentiments troubles. Ces réminiscences d'un temps révolu viennent hanter son présent et, comme à la lecture de Modiano, on ne peut que s'identifier au personnage et revivre, nous aussi, des segments de notre histoire et ressentir un peu de ce tumulte intérieur. Je l'ai lu comme un hommage à cet auteur de la mémoire et du souvenir qu'est Patrick Modiano, un hommage réussi. 

De pouvoir discuter ainsi avec une image qui circulait dans sa tête depuis plus de quarante ans, le perturbait. [N.B.]