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vendredi 17 novembre 2023

Joconde jusqu'à 100 : 99 (+1) points de vue sur Mona Lisa - Hervé Le Tellier

- Pourkoikelsouri ? dit Zazie
- J'en sais rien, moi, pourquoi, dit Gabriel. Tu peux pas admirer tranquillement comme tout le monde ?
[H.L.T.]

Un hommage à Raymond Queneau et à ses Exercices de style, un hommage particulier à une œuvre universellement reconnue en lui faisant subir le regard intéressé d'une centaine d'intervenantes et d'intervenants de tout acabit, voilà Joconde jusqu'à 100, cet écrit inclassable signé Hervé Le Tellier. De la coiffeuse de Mona Lisa à son avocat, de Marguerite Duras à Albert Camus, du logicien au psychanalyste, chacune et chacun livre son point de vue et on s'amuse avec l'auteur. On reconnaît la touche du Papou (Des papous dans la tête) aux petits bijoux d'humour que chacun des points de vue constitue. Je n'ose en dire plus pour vous laisser tout le plaisir de la découverte. 

 


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mercredi 1 novembre 2023

L'allègement des vernis - Paul Saint Bris

Il a réduit la peinture à sa stricte matière, à sa quintessence, à ses deux dimensions : un mince film coloré aussi fragile que l’aile d’un papillon, un agglutinat de pigments et de liants fin comme une peau humaine, si fin qu’il a pu admirer le dessin au travers. [P.S.B.] 

C'est à un parcours teinté de satire et de mystère dans le monde peu connu de la restauration d'art et de la muséologie que nous convie Paul Saint Bris et son roman L'allègement des vernis. La nomination au Louvre d'une nouvelle présidente qui n'était pas issue de l'univers scientifique ni muséal provoque une petite révolution dans l'approche de la marque pour la rendre décomplexée. Après quelques semaines d'observation et de consultation, on assiste à l'hallucinante présentation d'une firme de consultants ayant réalisé un audit sur la fréquentation du musée. À force de chiffres, d'abréviations énigmatiques et d'anglicismes du jargon marketing, sont avancées de surprenantes propositions ayant pour objet de faire croître le nombre annuel d'entrées tout en favorisant une expérience client optimale. La plus osée de ces pistes n'est rien de moins qu'une restauration de La Joconde. Aurélien est conservateur et directeur du département des Peintures, il voit tout le risque qu'une telle restauration peut présenter, mais la décision est prise et il est prévu d'effectuer sur le chef-d'œuvre un allègement des vernis devant en révéler les couleurs originales et ainsi créer un événement planétaire. Depuis la recherche d'un restaurateur à la hauteur, l'analyse des techniques à utiliser et le déroulement de la sensible opération, on sera amené à effectuer une exceptionnelle plongée dans la sphère de la restauration et de la conservation des œuvres d'art tout en portant une réflexion assumée sur la beauté. Voilà un superbe premier roman.

Il pensa qu’une des exigences de sa pratique était de rendre intelligibles des propos compliqués [...] [P.S.B.] 

dimanche 22 octobre 2023

Perspective(s) - Laurent Binet

S'il savait que je vous écris, mon père me tuerait. [L.B.]
Un tour de force que ce roman épistolaire inscrit dans un temps qui n'est plus le nôtre depuis déjà plusieurs siècles! Amateur d'histoire, Laurent Binet nous a habitués à quelques uchronies de bonne tenue. Ici, il plonge dans la dernière partie de la Renaissance italienne. Il a choisi de nous faire découvrir un ensemble d'échanges entre une vingtaine de personnages plus ou moins connus de l'époque, échanges qui se font par lettres miraculeusement émergées du passé, rassemblées et traduites pour notre plus grand bonheur. Ces discussions par billets interposés portent sur les événements du moment, notamment la mort suspecte du peintre Jacopo da Pontormo qui, à la demande des Médicis de Florence, travaillait à la décoration de l'abside de l'église de San Lorenzo. C'est à la lecture des missives qu'on voit poindre l'enquête sur ce meurtre et les indices qui pourraient nous mener vers la conclusion. Mais, au-delà de ce volet policier, on décèle dans ce commerce épistolaire, d'autres préoccupations de l'époque : les influences encore présentes des prêches de Savonarole sur la nécessaire pudeur dans l'art pictural, les mouvements des artisans pour de meilleures conditions, les tractations politiques du duché de Florence, les amours interdites de la fille du duc ou le prestige de Michel-Ange à l'intérieur de la colonie artistique et au-delà. On pourrait s'exprimer sur le fait que les quelque 170 messages expédiés et récupérés par le mystérieux archiviste sont tous d'une teneur stylistique similaire, qu'ils proviennent du duc, d'un page, d'un broyeur de couleurs ou d'une princesse. Je crois que, tel que cela se produit au théâtre, cela relève d'un accord tacite entre le lecteur et l'auteur, une convention qu'on est bien aise d'accepter. Par ce roman et les multiples lettres qui le composent, bien que ce soit par l'entremise d'un événement de type policier et tout à fait imaginaire, on ouvre une porte sur l'univers artistique de la Renaissance italienne du Cinquecento et on en est ravi.

La perspective nous a donné la profondeur. Et la profondeur nous a ouvert les portes de l'infini. Spectacle terrible. [L.B.]

La satire n'est-elle pas l'arme des faibles pour ridiculiser les grands? [L.B.] 

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24/01/2020

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vendredi 11 février 2022

Vertige de la liste - Umberto Eco

Pendant qu'Achille se retire avec dédain sous sa tente, en proie à sa « funeste colère », Patocle prend ses armes, va affronter Hector, qui le tue, et ses armes (celles d'Achille) sont remises à son vainqueur. [U.E.]

Cela prenait la curiosité et l'érudition d'Umberto Eco pour créer un répertoire aussi hétéroclite qu'intéressant que ce Vertige de la liste. 
On ne peut que s'extasier devant l'étalage d'énumérations, d'index, de catalogues, de répertoires, d'inventaires, de registres qui prennent bien sûr la forme écrite, mais qui se traduisent en une heureuse sélection d'oeuvres picturales de toutes les époques. Le vertige s'exprime alors au travers des représentations du Bouclier d'Achille, du Jardin des délices de Bosch, de cabinets de curiosités, de mappemondes éclatées, de bibliothèques étalées. C'est également la poétique de la liste que veut révéler Eco par des oeuvres littéraires tout aussi éclectiques et disparates. Entre des incontournables comme Perec, Borges ou Calvino, qu'on ne se surprend pas d'être de la fête, on trouve des litanies, des listes de lieux, des recensions, des revues, des inventaires de choses, des prières, des collections et des compilations, qu'elles soient chaotiques ou pratiques. On croisera des vociférations du capitaine Haddock, la tirade du nez d'Edmond Rostand, des récits merveilleux, des balades et des chants, et, comble de tout, cette liste, car c'en est une, se contiendra elle-même.

Devant cette exaltation de déclinaisons de la liste, je ne peux que repenser à une citation, une liste incongrue par excellence, l'énumération des animaux de l'encyclopédie chinoise L'Emporium céleste du savoir bienveillant, inventée par Borges lui-même. Elle m'a notamment été remise en mémoire à l'occasion d'une intéressante série de France-Culture reprenant les cours du collège de France : Les bibliothèques invisibles par le philologue William Marx.
Les animaux sont classés comme suit : (a) ceux qui appartiennent à l’Empereur ; (b) ceux qui sont embaumés ; (c) ceux qui sont dressés ; (d) les cochons de lait ; (e) les sirènes ; (f) les animaux fabuleux ; (g) les chiens errants ; (h) les animaux inclus dans cette classification ; (i) ceux qui tremblent comme s’ils étaient fous ; (j) les animaux indénombrables ; (k) ceux qu’on dessine avec un pinceau très fin en poil de chameau ; (l) et cetera ; (m) ceux qui viennent de casser le vase de fleurs ; (n) ceux qui, vus de loin, ressemblent à des mouches. [L’Emporium céleste du savoir bienveillant Jorge Luis Borges]
Je préfère les contes de Grimm aux premières pages des journaux. [Wislawa Szymborska, cité par U.E.]

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samedi 13 juin 2020

Un cabinet d’amateur, Histoire d’un tableau - Georges Perec

Un cabinet d’amateur, du peintre américain d’origine allemande Heinrich Kürz, fut montré au public pour la première fois en 1913, à Pittsburgh, Pennsylvanie, dans le cadre de la série de manifestations culturelles organisée par la communauté allemande de la ville à l’occasion des vingt-cinq ans de règne de l’empereur Guillaume II. [G.P.]
Lu pour la première fois en 1988, c’est à une relecture de ce roman que je me suis adonné ces jours derniers. Voilà une oeuvre hypnotique et ensorcelante qui engage le lecteur dans un maelström de descriptions, dans un tourbillon d’analyses de tableaux, dans une débauche de listes, de catalogues et de répertoires. C’est à une histoire de l’art pictural que nous convie Perec avec ce tableau qui en contient une multitude y compris lui-même, une vraie histoire de l’art du faux mêlée à une fausse histoire du vrai dans l’art. J’ai été entrainé dans ce courant jusqu’à la dernière phrase. Je demeure bouche bée devant cette invention, devant cette mise en abîme picturale et romanesque.
Nombreux sont sans doute les visiteurs qui tiendront à comparer les oeuvres originales et les si scrupuleuses réductions qu’en a données Heinrich Kürz. Et c’est là qu’ils auront une merveilleuse surprise : car le peintre a mis son tableau dans le tableau, et le collectionneur assis dans son cabinet voit sur le mur du fond, dans l’axe de son regard, le tableau qui le représente en train de regarder sa collection de tableaux, et tous ces tableaux à nouveau reproduits, et ainsi de suite sans rien perdre de leur précision dans la première, dans la seconde, dans la troisième réflexion, jusqu’à n’être plus sur la toile que d’infimes traces de pinceaux : Un cabinet d’amateur n’est pas seulement la représentation anecdotique d’un musée particulier ; par le jeu de ces reflets successifs, par le charme quasi magique qu’opèrent ces répétitions de plus en plus minuscules, c’est une oeuvre qui bascule dans un univers proprement onirique où son pouvoir de séduction s’amplifie jusqu’à l’infini, et où la précision exacerbée de la matière picturale, loin d’être sa propre fin, débouche tout à coup sur la Spiritualité vertigineuse de l’Éternel Retour. [G.P.]

Appréciation : 4,5/5 

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mercredi 25 mars 2020

Histoire de l'art et d'en rire - Musée des zeugmes - Olivier Salon et Philippe Mouchès

Philippe et moi étions au café dans un petit troquet de quartier du 20e arrondissement. [O.S.]
Un petit bijou que ce recueil! Olivier Salon, membre de l'Oulipo, s'est allié à Philippe Mouchès, membre pour sa part de l'OuPeinPo, pour nous offrir une variation graphique du concept de zeugme. Cela va de *La fuite en Égypte et au plafond* à *La liberté guidant le peuple et un groupe de touristes...* en passant par *Le Moulin de la Galette des Rois*. Chaque image ou oeuvre picturale détournée est accompagnée d'un court texte célébrant le zeugme insinué dans le graphisme. On ne peut qu'apprécier le jeu et la série de clins d'œil que nous livrent les auteurs.
Le zeugme, ou zeugma (du grec ancien zeûgma, « joug, lien ») est une figure de style qui consiste à faire dépendre d'un même mot deux termes disparates qui entretiennent avec lui des rapports différents, en sous-entendant (le plus souvent) un verbe déjà exprimé. [O.S.]  



Le massacre des innocents et des règles élémentaires de la perspective par Nicolas Poussin

Appréciation : 4/5









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On peut lire aussi à ce sujet:


Bailly
Sébastien
Les zeugmes au plat