mardi 31 décembre 2013

La double vie de Théophraste Longuet - Gaston Leroux

[Archives, juillet 1993]

Certain soir de l'an dernier, je remarquai dans le salon d'attente du journal Le Matin un homme tout de noir vêtu, sur la figure duquel je m'arrêtai à lire le plus sombre désespoir. [G.L.]
Alexandre lisait Le mystère de la Chambre jaune. Cela m'a donné le goût de renouer avec cet auteur du tournant du siècle.

Cette lecture n'aura pas été douloureuse, loin de là. J'ai souri, j'ai ri et je me suis délecté de ce style fin de siècle qui rend l'écriture de Leroux ronflante à souhait. La double vie... est un roman feuilleton comme on aimait en publier dans les journaux de l'époque. on y trouve de tout, de l'histoire avec le célèbre voleur Cartouche du XVIIIe siècle, du spiritisme avec la réincarnation des âmes, de l'utopisme voire de l'anarchisme avec une société « sans Dieu, ni maire », des énigmes policières, des éléments scientifiques, de la phrénologie...

J'ai adoré et je pars bientôt à la recherche d'un autre Gaston Leroux.

mercredi 25 décembre 2013

Sociologie des sciences - Yves Gingras


Les sciences, entendues au sens large de modes d'interrogation de la nature fondés sur la raison, l'observation ou l'expérimentation, peuvent être abordées sous plusieurs angles. [Y.G.]
Sociologie des sciences porte le sous titre sans équivoque Où, par qui et comment se construisent les savoirs scientifiques? Ce sont, en quelque sorte les questions que pose la sociologie des sciences, l'objet de cet essai.
Yves Gingras fait ici le choix de nous présenter les différents visages de la sociologie des sciences, non pas
en adoptant un regard historique ou chronologique, mais en illustrant les différentes échelles d'observation utilisées par ses collègues sociologues. Il va ainsi d'une échelle macrosociologique où il est question des rapports entre science et société (science et religion, science et démocratie, institutionalisation des sciences, ...) à un niveau mésosociologique où il développe sur ce qu'il nomme "le système social de la science", sur les règles et les normes qui régit son fonctionnement. Puis, Gingras s'intéresse aux travaux des sociologues des sciences qui sont intervenus à un niveau microsociologique en examinant les déterminants sociaux des connaissances scientifiques, en tentant donc de répondre à la question de savoir si le développement des connaissances scientifiques dans un contexte précis (lieu et temps) peut être déterminé ou influencé par des facteurs sociaux et culturels par l'examen, notamment, des intérêts sociaux, politiques et idéologiques, mais aussi cognitifs et techniques qui interviennent.
L'ouvrage de Gingras vient enrichir le regard que je porte sur mes lectures de sciences ou d'histoire des sciences.

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Les dérives de l’évaluation de la recherche 




mardi 24 décembre 2013

Théorème vivant - Cédric Villani

Un dimanche à 13 heures ; le laboratoire serait désert, s'il n'y avait deux mathématiciens affairés. [C.V.]
Cédric Villani est un mathématicien français de haut niveau, récipiendaire de la Médaille Fields, l'une des plus hautes distinctions en mathématiques avec le Prix Abel, l'équivalent pour les mathématiciens d'un prix Nobel. Il aurait pu se réfugier dans la communauté mathématique et limiter au minimum ses interventions avec la société séculière, mais, conscient de l'impact qu'il peut avoir, il n'a jamais hésité à faire connaître ses opinions sur l'enseignement des maths, sur leur vulgarisation ou sur leur place dans l'univers des sciences comme dans notre quotidien.
Mais, ici, en nous livrant ce Théorème vivant, il n'a pas voulu s'engager sur le terrain de la vulgarisation, il nous offre plutôt une oeuvre impressionniste où il cherche à nous faire sentir ce que peut représenter la recherche de ce niveau en mathématiques. On l'accompagne ainsi dans les démarches, les avancées, les hésitations, les doutes, les illuminations, les éclairs et les échanges quasi quotidiens avec son collaborateur pour l'établissement d'un théorème sur l'amortissement Landau dans l'équation de Boltzman (ou quelque chose du genre). Bien qu'on aura droit aux éléments de sa preuve et à des extraits de la démontration qui fera l'objet d'une publication importante, le contenu mathématique n'est ici que pour illustrer ce sur quoi travaille le chercheur, l'objet de sa passion.
On accompagnera l'auteur dans ses virées internationales, dans ses rencontres mathématiciennes, dans quelques moments familiaux, dans ses réflexions entourant une offre pour la direction de l'Institut Henri-Poincaré (qu'il acceptera).
Il nous montrera comment en recherche mathématique, il importe d'établir des liens entre des objets apparemment sans relation et que souvent c'est de ces liens que naissent de nouvelles approches, de nouvelles idées, de nouvelles théories.

En mathématique, c'est comme dans un roman policier ou un épisode de Columbo : le raisonnement par lequel le détective confond l'assasin est au moins aussi important que la solution du mystère elle-même. [p.45]

Les liens entre mathématiques et poésie sont très importants. Dans les deux cas, l'importance accordée à la forme est capitale. Le poète délivre un vers et le mathématicien une formule. Ils font le même travail de recréer le monde, au sens étymologique de "poiein". Le mathématicien travaille sur le reflet d'un système physique, et à travers une équation ou deux, il recrée les caractéristiques de ce système. [Extrait d'une entrevue sur vousnousils.fr, juin 2013]


dimanche 22 décembre 2013

La Liste de mes envies - Grégoire Delacourt

On se ment toujours. [G.D.]
On comprend après quelques courts chapitres comment ce livre est devenu un succès. On comprend que l'auteur vient tirer des ficelles qui émeuvent, que l'un et l'autre se projettent dans les personnages simples qu'il met en scène, qu'il démontre un attachement hors du commun pour ces êtres dont il dépeint une tranche de vie.
Oui, j'ai aimé me plonger dans cette histoire simple où Jocelyne Guerbette, mercière, se satisfait de sa vie entre les bobines de fils et son blogue de tricot, entre les six minutes de mémoire de son père et les désirs de ses jumelles voisines, jusqu'au jour où...
Certains y verront l'étalage d'une morale à deux sous, d'autres l'occasion d'un moment d'introspection, j'y ai surtout vu une lecture agréable.

dimanche 17 novembre 2013

Philémon, Le train où vont les choses... - Fred



Je sens le frais du fond de l'air au fond. (F.)
Avant de nous quitter, Fred nous a livré cette dernière rêverie de Philémon, cette dernière excursion dans l'imaginaire éclaté d'un bédéiste qui aura marqué l'histoire de la littérature du neuvième art. Le train où vont les choses, c'est la lokoapattes, cette machine qui se nourrit d'imagination (tiens, donc...). Mais, la lokoapattes est en panne, elle n'a plus accès à la vapeur d'imaginaire qui la fait avancer vers son destin. Philémon saura l'alimenter et c'est en bouclant sur sa propre aventure que la poésie émerge de cet ultime tome d'un voyage onirique qu'on veut sans fin.


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dimanche 1 septembre 2013

Petits meurtres entre mathématiciens - Tefcros Michaelides

Ou comment deux amis débattent de maths et d'amour dans le Paris de la Belle Époque.
Je fus réveillé par des coups insistants sur la porte d'entrée. [T.M.]
Si le prétexte policier se situe en 1929 à Athènes, l'essentiel de ce roman débute en 1900 à Paris où se tenait un congrès qui aura changé la suite des choses dans le développement des mathématiques. En effet, c'est à ce deuxième congrès international des mathématiques que Hilbert, mathématicien allemand de Göttingen, énonce une série de vingt-trois problèmes qui, selon lui, devraient faire l'objet des travaux des mathématiciens dans les années à venir afin de rendre les mathématiques plus cohérentes.
« Qui d'entre nous ne serait pas heureux de soulever le voile qui masque le futur, pour jeter un regard sur les progrès imminents de notre science et sur les secrets de son développement pendant les siècles futurs ! »
C'est lors de ce congrès que les deux principaux intervenants de ce roman, Michaël Igerinos et Stefanos Kantartzis, se rencontrent et que débute une amitié qui durera trente années. Les premiers moments de cette relation se jouent sur une toile de fond parisienne et artistique. En effet, nos jeunes mathématiciens côtoient la faune bohème de la butte Montmartre. Ils y croiseront Pablo Picasso, Toulouse-Lautrec, Max Jacob.
Les nombreuses discussions entre les mathématiciens et les artistes seront autant d'occasions pour introduire des éléments d'histoire des mathématiques. Si la trame policière est relativement faible, la richesse des évocations historiques vaut le détour. Petits meurtres entre mathématiciens occupe une bonne place dans ma bibliothèque de fictions mathématiques.
  « J'ai des souvenirs heureux d'un temps infini passé seul dans ma chambre à donner libre cours à mes talents artistiques douteux et à exécuter (à la fois de façon littérale et métaphorique) des morceaux de grands compositeurs allemands. »

mardi 25 juin 2013

J'écris comme je vis, entretien avec Bernard Magnier - Dany Laferrière

Dany Laferrière: Je suis du pays de mes lecteurs. Quand un Japonais me lit, je deviens un écrivain japonais.
Une incursion dans l'univers de Laferrière. Un regard qui se pose à l'intérieur même de l'oeuvre, un regard qui est celui que Laferrière porte lui-même sur ses écrits. Une lecture comme celle-ci impose et détermine une nouvelle approche que je devrais avoir de mes prochaines incursions dans la sphère de cet écrivain japonais


L'entretien abordera, il va sans dire, des éléments biographiques, les premières lectures, les auteurs influents, les processus d'écriture mais aussi des thèmes moins convenus tels la dictature, la francophonie, l'esclavage, le féminisme, parmi d'autres. 

Toutefois, ce que je retiens le plus de cette lecture c'est le projet qui s'intitule Une autobiographie américaine.

Cette longue autobiographie en dix volumes, si on la passait en revue livre par livre, non pas dans l’ordre de publication, mais dans l’ordre narratif. 
C’est un seul livre qui commence par cette simple phrase: «J’ai passé mon enfance à Petit-Goâve, à quelques kilomètres de Port-au-Prince» pour se terminer par «Le pays réel, monsieur, je n’ai pas besoin de le rêver». entre ces deux phrases, il y a près de trois mille pages dactylographiées avec un seul doigt. 
C'est ce projet, plus que tout autre, qui m'incite à me plonger à nouveau dans la réalité américaine de Laferrière.

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Journal d’un écrivain en pyjama 
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L’Art presque perdu de ne rien faire 
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L’énigme du retour 


lundi 24 juin 2013

Le magasin des suicides - Jean Teulé

C’est un petit magasin où n’entre jamais un rayon rose et gai. Son unique fenêtre, à gauche de la porte d’entrée, est masquée par des cônes en papier, des boîtes en carton empilées. [J. T.]

Surprenant, ce petit magasin qui se situe dans un avenir pas trop défini, mais post-cataclysme, semble-t-il. Surprenante, cette famille dont le mandat depuis dix générations est d'offrir à sa clientèle tout le nécessaire pour l'accompagner dans son suicide. Vous avez raté votre vie ? Avec nous, vous réussirez votre mort ! Les Tuvache offre ainsi des kits Alan Turing : L’inventeur de l’ordinateur s’est suicidé d’une drôle de manière. Le 7 juin 1954, il a trempé une pomme dans une solution de cyanure et l’a posée sur un guéridon. Ensuite, il en a fait un tableau puis il a mangé la pomme.
Le kit est décrit de cette manière :
— Dans cette pochette plastique transparente, vous voyez que vous avez une petite toile montée sur châssis, deux pinceaux (un gros, un fin), quelques tubes de couleurs et bien sûr la pomme. Attention, elle est empoisonnée !… Et ainsi, vous pouvez vous tuer à la manière d’Alan Turing. La seule chose qu’on vous demandera, si vous n’y voyez pas d’objection, c’est de nous léguer le tableau. On aime bien les accrocher, là. Ça nous fait des souvenirs.

Dans cet univers de désespoir, un être détonne. C'est le plus jeune, Alan, justement. 

Un drôle de regard sur le futur. Une approche déconcertante du suicide. Et, finalement, un conte qui se lit dans la joie...

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dimanche 23 juin 2013

Une histoire de tout, ou presque... - Bill Bryson

Si l'on imagine les 4,5 milliards d'années de l'histoire de la Terre comprimées en une journée, la vie commence très tôt, vers 4 heures du matin, avec l'apparition des premiers organismes unicellulaires, mais elle ne bouge plus pendant les seize heures suivantes. Ce n'est pas avant 20 h 30, quand les 5/6 de la journée sont déjà consumés, que la Terre a quelque chose à montrer à l'Univers : un simple revêtement grouillant de microbes. Puis apparaissent les premières plantes aquatiques, suivies vingt minutes plus tard par la première méduse et l'énigmatique faune australe de l'Ediacara. À 21 h 04, les trilobites font leur entrée en scène, suivis de près par les créatures des schistes de Burgess. Juste avant 22 heures, les plantes commencent à s'épanouir à terre - suivies peu après,deux heures avant minuit, des premières créatures terrestres. Grâce à une dizaine de minutes de douce température, à 22 h 24 la Terre est recouverte des grandes forêts carbonifères dont les résidus nous donnent notre charbon, et l'on distingue les premiers insectes ailés. Les dinosaures s'avancent lourdement sur la scène juste avant 23 heures, et ils la tiennent pendant environ trois quarts d'heure. Ils la quittent à minuit moins vingt et une et le règne des mammifères commence. L'homme émerge une minute et dix-sept secondes avant minuit. À cette échelle, la totalité de notre histoire connue tiendrait en quelques secondes, une vie humaine en moins d'un instant.[Page 407]

Ce sont des images comme celles-ci qui font, je crois, de l'ouvrage de Bryson, un grand livre de vulgarisation scientifique qui mérite de se situer parmi les essentiels. J'ai dévoré, le mot n'est pas trop faible, ses nombreuses pages qui m'ont fait réaliser une incursion pas banale dans l'histoire de l'Univers, de la Terre et de la vie qui s'y trouve. Bryson jongle judicieusement entre l'approche du concept scientifique et sa place dans l'histoire des sciences, et l'anecdote historique qui font des découvertes des œuvres incarnées de femmes et d'hommes réels. La lecture d'Une histoire de tout, ou presque... donne à l'œil qui regarde le monde une teinte distincte, un air éclairé.




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Une histoire du monde sans sortir de chez moi 

samedi 22 juin 2013

Sombre luminescence - Mathieu Marcil



Le 13 juin dernier, j'assistais à une première, la mise en lumière(s) et en acte(s) de la réflexion artistique d'un ami. En effet, Mathieu Marcil nous offrait, dans la salle intimiste Alfred-Laliberté de l'UQAM, le fruit de son projet de mémoire-création. Mathieu m'avait déjà décrit les termes de cette création autour de la charge poétique d'une lumière portée par les interprètes. J'ai eu beaucoup de difficulté à m'imaginer la scène. Ce n'est absolument pas la qualité de l'explication de Mathieu qui est ici mise en cause, mais plutôt ma connaissance limitée du monde de l'éclairage. Le 13 juin, donc, j'ai pu voir en oeuvre les images qu'avait semées Mathieu.




Nous avons assisté depuis un néant qui s'anime, ni plus ni moins, qu'à la découverte du feu (de la lumière) par l'Homme. Une source de feu (de lumière), créée par un éclair (?), intrigue un premier protagoniste qui s'en approchera et qui, par inadvertance, en sera imprégné. On verra alors la lente évolution du contrôle que l'homme pourra porter sur le feu (sur la lumière). Un contrôle sur l'objet lui-même, mais aussi et surtout un contrôle sur ses effets, sur la mise en lumière et la mise en ombre, dans une exploration solitaire et duale. La caverne où se meuvent les interprètes deviendra l'écran sur lequel se réalisera des jeux d'ombres et de lumières, mais aussi des jeux de communication entre les performeurs et des évocations poétiques susurrées à ceux et celles qui, dans l'ombre de la salle, assistent à cette sombre luminescence porteuse d'émotions primitives.

dimanche 31 mars 2013

Oui, mais quelle est la question? - Bernard Pivot


Comment aurais-je pu imaginer que poser des questions pour gagner ma vie allait me la compliquer, et même, souvent, me la rendre infernale? [B.P.]

Voilà un livre qui s'est lu en un trait ou presque. La question est ici l'argument d'une pseudo autobiographie de Pivot. Le protagoniste se nomme en fait Adam Hitch, il a tenu le micro d'émissions de radio et celui d'Aparté où le rôle d'intervieweur n'a plus de secret pour lui. Il maîtrise l'art et la science de la question. Mais, cette manie de la questionnite s'est infiltrée dans tous les recoins de sa vie, dans ses relations familiales, dans celles de ses couples, dans sa vie intime comme dans sa vie professionnelle. Est-ce d'expérience que Pivot relate tous ces moments personnels, toutes ces tranches de vie? On pourrait le croire comme on pourrait accorder à Pivot le pouvoir imaginatif de créer ces minuscules parcelles d'univers juste pour nous. Si cela semble prendre la forme d'un roman, ce n'est qu'apparence. On a plutôt devant soi des chroniques sur la question dans la vie d'Adam Hitch et chaque chapitre possède sa propre dynamique. Par l'approche à l'écriture, par l'auto-dérision et par la forme carnet sur soi, j'ai parfois reconnu des traits semblables à ceux de Jean-Paul Dubois. Pour ma part, j'y ai vu là une qualité. 

dimanche 3 mars 2013

Les ignorants, récit d'une initiation croisée - Étienne Davodeau



Étienne Davodeau est auteur de bande dessinée, il ne sait pas grand chose du monde du vin.
Richard Leroy est vigneron, il n'a quasiment jamais lu de bande dessinée.
- Si je comprends bien, pour faire un bouquin, tu veux venir bosser bénévolement dans mes vignes... c'est ça?
Quelle merveilleuse idée! Et, quelle belle réalisation de cette idée. Davodeau, ce bédéiste réaliste, ce peintre d'une réalité ordinaire, réussit encore à coucher en noir sur blanc les images d'une tranche de vie, en l'occurrence, ici, il s'agit d'une tranche de deux vies, deux vies croisées, qu'on ne verra que par ce croisement et cette intersection d'intérêt et d'ignorance. Il aurait pu opérer ce croisement à partir d'autres valeurs. Il aura fallu qu'il croise deux mondes qui suscitent quelque chose en moi, qui réveillent des désirs, qui m'amènent ailleurs.

Étienne Davodeau, c'est aussi Chute de vélo et Lulu, femme nue, entre autres.

Davodeau
Étienne
Chute de vélo 
Davodeau
Étienne
Le chien qui louche 


jeudi 14 février 2013

Le fait du prince - Amélie Nothomb


— Si un invité meurt inopinément chez vous, ne prévenez surtout pas la police. [A. N.]

Amélie Nothomb livre un nouveau roman par année alternant entre les oeuvres autobiographiques et les fictions inventives. Le fait du prince appartient à la deuxième classe, sans être de la plume la plus inspirée de l'auteure. C'est toutefois un ravissement de s'engager dans une telle lecture où on est aspiré dans un univers quelque peu paranoïaque. C'est ici le vol d'identité qui devient le tremplin de Baptiste Bordave, ennuyeux fonctionnaire, vers une autre vie, celle d'un mystérieux scandinave qui aura fait le bizarre choix de venir terminer la sienne chez lui. L'argument suscite l'intérêt, on veut savoir. L’intérêt est maintenu tout du long, jusqu’à ce que l’auteure semble nous laisser tomber à quelques pages d’une fin qu’il est difficile de qualifier.

mercredi 13 février 2013

Limonov - Emmanuel Carrère


Jusqu'à ce qu'Anna Politkovskaïa soit abattue dans l'escalier de son immeuble, le 7 octobre 2006, seuls les gens qui s'intéressaient de près aux guerres de Tchétchénie connaissaient le nom de cette journaliste courageuse, opposante déclarée à la politique de Vladimir Poutine. [E.C.]
J'avais notamment apprécié La moustache de Carrère, mais je devais m'attendre à tout autre chose avec la lecture de Limonov et c'est radicalement à un autre univers que j'ai eu droit. Limonov est un roman biographique, une biographie en forme de roman. Ce n'est certes pas une hagiographie, même si Carrère semble porter un regard parfois complice avec cet être qui peut paraître détestable à plusieurs. Édouard Limomov apparaît avec une existence aussi multiple que ses pérégrinations rocambolesques au travers de l'histoire, celle de la Russie et des nations qui forment le monde autour d'elle. Clochard, dandy, majordome de milliardaire, star de l'underground, militaire et politicien, Limonov parcourt sa vie et Carrère nous la livre au moyen d'une enquête sans détour, mais pleine de poésie. À la lecture de Limonov, on apprend, bien sûr sur ce héros rouge-brun, mais aussi sur l'aventure du soviétisme vers la Russie glauque d'aujourd'hui.
Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends pour ma part mon jugement. [E.C.]