mardi 25 juin 2013

J'écris comme je vis, entretien avec Bernard Magnier - Dany Laferrière

Dany Laferrière: Je suis du pays de mes lecteurs. Quand un Japonais me lit, je deviens un écrivain japonais.
Une incursion dans l'univers de Laferrière. Un regard qui se pose à l'intérieur même de l'oeuvre, un regard qui est celui que Laferrière porte lui-même sur ses écrits. Une lecture comme celle-ci impose et détermine une nouvelle approche que je devrais avoir de mes prochaines incursions dans la sphère de cet écrivain japonais


L'entretien abordera, il va sans dire, des éléments biographiques, les premières lectures, les auteurs influents, les processus d'écriture mais aussi des thèmes moins convenus tels la dictature, la francophonie, l'esclavage, le féminisme, parmi d'autres. 

Toutefois, ce que je retiens le plus de cette lecture c'est le projet qui s'intitule Une autobiographie américaine.

Cette longue autobiographie en dix volumes, si on la passait en revue livre par livre, non pas dans l’ordre de publication, mais dans l’ordre narratif. 
C’est un seul livre qui commence par cette simple phrase: «J’ai passé mon enfance à Petit-Goâve, à quelques kilomètres de Port-au-Prince» pour se terminer par «Le pays réel, monsieur, je n’ai pas besoin de le rêver». entre ces deux phrases, il y a près de trois mille pages dactylographiées avec un seul doigt. 
C'est ce projet, plus que tout autre, qui m'incite à me plonger à nouveau dans la réalité américaine de Laferrière.

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Dany
Journal d’un écrivain en pyjama 
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Dany
L’Art presque perdu de ne rien faire 
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L’énigme du retour 


lundi 24 juin 2013

Le magasin des suicides - Jean Teulé

C’est un petit magasin où n’entre jamais un rayon rose et gai. Son unique fenêtre, à gauche de la porte d’entrée, est masquée par des cônes en papier, des boîtes en carton empilées. [J. T.]

Surprenant, ce petit magasin qui se situe dans un avenir pas trop défini, mais post-cataclysme, semble-t-il. Surprenante, cette famille dont le mandat depuis dix générations est d'offrir à sa clientèle tout le nécessaire pour l'accompagner dans son suicide. Vous avez raté votre vie ? Avec nous, vous réussirez votre mort ! Les Tuvache offre ainsi des kits Alan Turing : L’inventeur de l’ordinateur s’est suicidé d’une drôle de manière. Le 7 juin 1954, il a trempé une pomme dans une solution de cyanure et l’a posée sur un guéridon. Ensuite, il en a fait un tableau puis il a mangé la pomme.
Le kit est décrit de cette manière :
— Dans cette pochette plastique transparente, vous voyez que vous avez une petite toile montée sur châssis, deux pinceaux (un gros, un fin), quelques tubes de couleurs et bien sûr la pomme. Attention, elle est empoisonnée !… Et ainsi, vous pouvez vous tuer à la manière d’Alan Turing. La seule chose qu’on vous demandera, si vous n’y voyez pas d’objection, c’est de nous léguer le tableau. On aime bien les accrocher, là. Ça nous fait des souvenirs.

Dans cet univers de désespoir, un être détonne. C'est le plus jeune, Alan, justement. 

Un drôle de regard sur le futur. Une approche déconcertante du suicide. Et, finalement, un conte qui se lit dans la joie...

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

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Jean
Le Montespan 

dimanche 23 juin 2013

Une histoire de tout, ou presque... - Bill Bryson

Si l'on imagine les 4,5 milliards d'années de l'histoire de la Terre comprimées en une journée, la vie commence très tôt, vers 4 heures du matin, avec l'apparition des premiers organismes unicellulaires, mais elle ne bouge plus pendant les seize heures suivantes. Ce n'est pas avant 20 h 30, quand les 5/6 de la journée sont déjà consumés, que la Terre a quelque chose à montrer à l'Univers : un simple revêtement grouillant de microbes. Puis apparaissent les premières plantes aquatiques, suivies vingt minutes plus tard par la première méduse et l'énigmatique faune australe de l'Ediacara. À 21 h 04, les trilobites font leur entrée en scène, suivis de près par les créatures des schistes de Burgess. Juste avant 22 heures, les plantes commencent à s'épanouir à terre - suivies peu après,deux heures avant minuit, des premières créatures terrestres. Grâce à une dizaine de minutes de douce température, à 22 h 24 la Terre est recouverte des grandes forêts carbonifères dont les résidus nous donnent notre charbon, et l'on distingue les premiers insectes ailés. Les dinosaures s'avancent lourdement sur la scène juste avant 23 heures, et ils la tiennent pendant environ trois quarts d'heure. Ils la quittent à minuit moins vingt et une et le règne des mammifères commence. L'homme émerge une minute et dix-sept secondes avant minuit. À cette échelle, la totalité de notre histoire connue tiendrait en quelques secondes, une vie humaine en moins d'un instant.[Page 407]

Ce sont des images comme celles-ci qui font, je crois, de l'ouvrage de Bryson, un grand livre de vulgarisation scientifique qui mérite de se situer parmi les essentiels. J'ai dévoré, le mot n'est pas trop faible, ses nombreuses pages qui m'ont fait réaliser une incursion pas banale dans l'histoire de l'Univers, de la Terre et de la vie qui s'y trouve. Bryson jongle judicieusement entre l'approche du concept scientifique et sa place dans l'histoire des sciences, et l'anecdote historique qui font des découvertes des œuvres incarnées de femmes et d'hommes réels. La lecture d'Une histoire de tout, ou presque... donne à l'œil qui regarde le monde une teinte distincte, un air éclairé.




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Bill
Une histoire du monde sans sortir de chez moi 

samedi 22 juin 2013

Sombre luminescence - Mathieu Marcil



Le 13 juin dernier, j'assistais à une première, la mise en lumière(s) et en acte(s) de la réflexion artistique d'un ami. En effet, Mathieu Marcil nous offrait, dans la salle intimiste Alfred-Laliberté de l'UQAM, le fruit de son projet de mémoire-création. Mathieu m'avait déjà décrit les termes de cette création autour de la charge poétique d'une lumière portée par les interprètes. J'ai eu beaucoup de difficulté à m'imaginer la scène. Ce n'est absolument pas la qualité de l'explication de Mathieu qui est ici mise en cause, mais plutôt ma connaissance limitée du monde de l'éclairage. Le 13 juin, donc, j'ai pu voir en oeuvre les images qu'avait semées Mathieu.




Nous avons assisté depuis un néant qui s'anime, ni plus ni moins, qu'à la découverte du feu (de la lumière) par l'Homme. Une source de feu (de lumière), créée par un éclair (?), intrigue un premier protagoniste qui s'en approchera et qui, par inadvertance, en sera imprégné. On verra alors la lente évolution du contrôle que l'homme pourra porter sur le feu (sur la lumière). Un contrôle sur l'objet lui-même, mais aussi et surtout un contrôle sur ses effets, sur la mise en lumière et la mise en ombre, dans une exploration solitaire et duale. La caverne où se meuvent les interprètes deviendra l'écran sur lequel se réalisera des jeux d'ombres et de lumières, mais aussi des jeux de communication entre les performeurs et des évocations poétiques susurrées à ceux et celles qui, dans l'ombre de la salle, assistent à cette sombre luminescence porteuse d'émotions primitives.