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mercredi 8 novembre 2023

Le plagiat par anticipation - Pierre Bayard

Le plagiat est aussi ancien que la littérature, à laquelle il rend indirectement hommage. [P.B.]

À chaque fois que j'aborde une nouvelle œuvre critique de Pierre Bayard, je redécouvre tout ce que le plaisir de la lecture me fait vivre et comment comme lecteur, avec mon histoire de livres lus, de livres connus ou même de livres que je n'ai pas lus, mais dont je peux parler, je teinte le livre que je lis, contribue à l'image que je m'en fais et collabore ainsi à sa création. C'est en 2009 que Bayard publie Le plagiat par anticipation. Il ne s'en cache pas, il n'est pas le créateur de ce concept déjà largement débattu par l'Ouvroir de littérature potentielle (l'Oulipo). En effet, les membres de ce groupe de chercheurs littéraires ont souventes fois reconnu dans des œuvres du passé des contraintes d'écriture qu'ils venaient pourtant de cerner. C'est dans ce cadre qu'ils mettent en lumière dans le passé quelques plagiaires par anticipation d'œuvres plus récentes. 

Bayard précise ici la définition du plagiat par anticipation en lui réattribuant l'intentionnalité comme élément essentiel et en en faisant ainsi le double symétrique du plagiat classique. C'est dans cet ordre d'idée que Bayard peut prétendre retrouver quelque chose de Conan Doyle chez Voltaire, particulièrement dans son conte philosophique Zadig ou la destinée. On prend plaisir à découvrir ainsi quelques plagiaires de renom puisant dans l'histoire littéraire qui les suit des idées, des thèmes, des styles qu'ils insèrent dans leurs travaux écrits. On sent tout l'humour ironique de Bayard poindre dans cet essai qui prône pour une nouvelle façon de concevoir l'histoire littéraire qui se transposterait également dans le domaine des arts.

Pierre Bayard m'a encore une fois passionné par sa fiction théorique.

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Bayard

Pierre

Comment parler des faits qui ne se sont pas produits

09/05/2021

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Comment parler des lieux où l’on n’a pas été?

05/02/2020

Bayard

Pierre

Comment parler des livres que l’on n’a pas lus?

13/06/2009

Bayard

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07/10/2019

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20/07/2017

Bayard

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Le hors-sujet : Proust et la digression

07/09/2022

Bayard

Pierre

Le titanic fera naufrage

26/09/2020



vendredi 27 octobre 2023

Esthétique de l'Oulipo - Hervé Le Tellier

Nous sommes en septembre 1960. À Cerisy-la-Salle, sous la présidence de Georges-Emmanuel Clancier et de Jean Lescure, se déroule la décade «Raymond Queneau ou une nouvelle défense de la littérature française». De la rencontre de certains participants va naître l'Oulipo. [H.L.T.]

Pourquoi n'ai-je pas lu plus tôt cette œuvre majeure de l'univers oulipien ? J'en connaissais pourtant l'existence. Il y a bien sûr une question de disponibilité, du texte, assurément, mais aussi du lecteur que je suis. Il est possible que j'envisageais une lecture plus ardue qu'elle ne l'a été en réalité et que je l'ai différé quelque peu. Quoi qu'il en soit, une visite à la bibliothèque m'a permis récemment de me plonger avidement dans cette lecture et ce saut m'a éclaboussé de joie. J'ai pris un grand plaisir à accompagner Hervé Le Tellier dans ce parcours un brin inhabituel de l'œuvre oulipienne, un brin inhabituel parce que l'auteur y donne une importante touche linguistique. Cela donne au regard qu'on porte sur l'Oulipo une profondeur plus intense et un champ de vision plus large. 

On trouvera dans cet essai un peu d'histoire de ce groupe commutatif et associatif qu'est l'Ouvroir de littérature potentielle, mais on verra surtout comment il s'inscrit dans ses propres influences par le plagiat par anticipation, concept à la fois novateur et prometteur. Le lecteur comme contributeur à la création y retrouve une place en toute congruence et complicité :

Si, dixit Duchamp, «ce sont les regardeurs qui font les tableaux», ce sont les lecteurs qui font les œuvres. [H.L.T.]

On verra l'Oulipo comme un apport à l'internationalisation de la langue et des jeux qu'on peut y créer, de la linguistique appliquée à la traduction inventive par torsions et distorsions. Les contraintes induites par l'Ouvroir sont placées dans un large cadre d'art ludique et de bibliothèques autant fictives qu'ouvertes et créatives. 

Il faut bien avouer que je suis, en ce qui concerne le monde oulipien, séduit d'avance. Mais le parcours a été particulièrement jouissif et m'a permis d'ajouter nombre de lectures potentielles à la liste toujours grandissante des livres que j'espère lire. 

Où ai-je lu qu’il existe deux sortes d’arbres, les hêtres et les non-hêtres? [Oulipo]
La seule mémoire de Cantatrix sopranica corrompt la lecture «sérieuse» d’un article scientifique. La liste des articles de référence, qui court sur quatre pages, contient force morceaux de bravoure, arrachant un sourire aux plus atrabilaires. [H.L.T.]

Lecteur, encore un effort ... Oui, encore un effort. La lecture devient ici exigeante. Il ne te suffit plus, lecteur (comme apostropherait Calvino), de te laisser guider benoîtement. Tu dois désormais, si tu veux profiter de tout le sel du texte, accepter la difficulté, accepter parfois de lutter avec lui, avec son sens, avec ses sens. [H.L.T.]

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Le Tellier

Hervé

La disparition de Perek

06/07/2022

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L’anomalie

07/11/2020


 

dimanche 8 octobre 2023

Georges Perec - Claude Burgelin

Un après-midi du printemps 1959. Dix-huit ans, khâgneux, je tombe rue Lecourbe, près de la librairie Boulinier, sur mon ancien camarade d’hypokhâgne, Roger Kleman, flanqué d’un parachutiste au béret mauve de traviole. C’était le para Perec. [C.B.] 

C'était évidemment un incontournable. Je ne pouvais d'aucune façon passer outre cette biographie de Georges Perec rédigée par quelqu'un qui l'a côtoyé et qui avait signé l'un des premiers essais consacrés à mon auteur fétiche. Je dis ici « biographie », mais c'est plutôt à un parcours critique à travers l'œuvre multiforme de Perec qu'on est convié avec cet ouvrage. Presque toutes les pages m'invitaient à me replonger dans les textes connus et moins connus de l'auteur, à relire avec un angle nourri de la pertinente analyse de Burgelin les mots de Perec, ses histoires, ses aventures, ses expériences, son autobiographie dissimulée derrière le manque, l'absence, l'omission. C'est, tout de même, je crois, un ouvrage pour perecquiens avisés ou pour celles et ceux qui, comme moi, pourraient prétendre s'en approcher quelque peu. C'est la création virtuose de Perec qui se révèle dans cet ouvrage qui va de l'infraordinaire à l'œuvre-monde, qui va du premier roman publié Les choses à l'implosion du concept même de roman avec La vie mode d'emploi, qui va des textes militants au tournant qu'aura été l'Oulipo dans le parcours littéraire de Perec. Burgelin essaie de nous faire voir qu'au travers les pas de côté que constituent les jalons de sa production littéraire, jalons qui peuvent apparaître comme autant de pièces de puzzles, au-delà du labyrinthe ainsi constitué, c'est la passion des mots qui a soulevé et fait vivre Perec dans son désir de se révéler autant que de se dissimuler.   

Perec a fait de la phrase de Klee «  le génie, c’est l’erreur dans le système »  une des formules qui le guident.  Il lui faut de la machine et du système pour qu’au prix d’un déraillement plus ou moins léger advienne de l’imprévisible, de l’inventif, du vivant. [C.B.] 

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Burgelin

Claude

Album Georges Perec

20/04/2022

Decout

Maxime

Cahiers Georges Perec, no 13, La Disparition, 1969-2019 : un demi-siècle de lectures

11/06/2021

Évrard

Franck

Georges Perec ou la littérature au singulier pluriel 

06/01/2015

Perec

Georges

Cantatrix Sopranica L. et autres écrits scientifiques 

30/05/2010

Perec

Georges

Espèces d’espaces

05/06/2017

Perec

Georges

Georges Perec

16/02/2010

Perec

Georges

Georges Perec en dialogue avec l’époque et autres entretiens

01/09/2023

Perec

Georges

L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation

15/03/2009

Perec

Georges

L’attentat de Sarajevo

05/09/2016

Perec

Georges

La vie mode d’emploi 

10/02/2016

Perec

Georges

Le Voyage d’hiver et ses suites

22/08/2019

Perec

Georges

Penser / classer 

30/05/2016

Perec

Georges

Tentative d’épuisement d’un lieu parisien

09/07/2018

Perec

Georges

Un cabinet d’amateur, Histoire d’un tableau

13/06/2020

Perec

Georges

Un homme qui dort

02/10/2016


 

vendredi 1 septembre 2023

Georges Perec en dialogue avec l'époque et autres entretiens - Georges Perec

Quel plaisir de lire ces entretiens que Georges Perec a tenus depuis la publication du roman Les choses en 1965 jusqu'en 1981, quelque temps avant son décès, des entretiens où il fait état de ses œuvres, du contexte de leur écriture, de l'état d'âme qui les a faites naître. On a là des entretiens qui sont parfois teintés d'un thème prédominant comme la mémoire, le jeu ou les contraintes, des entretiens qui souvent coïncident avec les dernières publications : Les choses, Un homme qui dort, La boutique obscure, Je me souviens ou La vie mode d'emploi. On lit l'importance que l'Oulipo a pu avoir dans sa démarche. 

Les réflexions de Perec sur sa production demeurent toujours exaltantes pour qui cette oeuvre est connue et essentielle. Je ne me cache pas d'être de ceux-là. J'ai donc savouré ces retours en arrière où Perec s'exprime sur ses projets aussi divers que pertinents. 
Si vous voulez : « Mourir d'amour me font, belle Marquise, vos beaux yeux », c'est le début de la littérature. Le résultat n'est pas très bon, mais c'est la même démarche : quand M. Jourdain comprend que la charge « poétique » de sa phrase change avec l'ordre de ses mots alors que le sens reste le même, il découvre la littérature. Et je crois que la première méthode que l'on peut mettre en œuvre pour aboutir à cette attitude, c'est le jeu. [«Et ils jouent aussi... Georges Perec», Propos recueillis par Jacques Bens et Alain Ledoux, Jeux & Stratégie, no 1, février 1980]

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10/02/2016

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22/08/2019

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30/05/2016

Perec

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Tentative d’épuisement d’un lieu parisien

09/07/2018

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13/06/2020

Perec

Georges

Un homme qui dort

02/10/2016

 

dimanche 9 octobre 2022

Oulipo : L'abécédaire provisoirement définitif - Oulipo

Un Larousse de l'Oulipo, un dictionnaire de l'Ouvroir de littérature potentielle, mais pourquoi donc ? 

Mais, pour se rassasier des contraintes imaginées par ses membres. Pour contempler des exemples de jeux d'écriture. Pour gouter aux joies que procure l'évasion en mots des labyrinthes que les oulipiens ont eux-mêmes construits. Pour lire des textes inventifs, ingénieux, astucieux et souvent fantaisistes. Pour s'imaginer en train d'écrire. Pour apprécier cette improbable interface entre mathématiques et littérature. Pour lire et relire des extraits des œuvres de Perec. Pour découvrir d'autres oulipiens et leurs écrits. Pour se coltailler à de nouvelles contraintes. Pour estimer la complexité du geste d'écrire en respectant des règles imposées. Pour mesurer l'exceptionnelle potentialité créative de la contrainte. Pour s'amuser avec les mots. Pour ne point bouder son plaisir. Pour rire et se casser la tête. Voilà pourquoi, entre autres, un Larousse de l'Oulipo, un Abécédaire même provisoirement définitif s'imposait tout autant que sa lecture.

mercredi 7 septembre 2022

Le hors-sujet, Proust et la digression - Pierre Bayard

Proust est trop long. [P.B.]

C'est par cette phrase volontairement tranchante que Pierre Bayard ouvre sa discussion sur le hors-sujet et la digression. Il prend l'œuvre de Proust, en particulier À la Recherche du temps perdu [la Recherche], comme étalon, pour y repérer les digressions volontaires ou non, annoncées ou non, prévisibles ou non, disruptives ou non, et en discuter la pertinence, la nécessité, l'inexorabilité. Si, par certains aspects, cet essai apparaît d'un sérieux théorique plus soutenu, il avance aussi sur un terrain hors-norme et plus divertissant en se donnant le mandat de réduire Proust, d'y retirer toutes les digressions pour n'en conserver que la substantifique moelle. Bayard cite, à cet égard, Gérard Genette qui faisait de la Recherche un résumé radical : Marcel devient écrivain

C'est donc un essai provocateur que Bayard nous propose, un essai comportant sa part de digressions, sa part de défi, sa part de jeu et peut-être, selon moi, une part trop importante de lecture psychanalytique. Mais, l'un dans l'autre, comme on dit, je me suis régalé dans les pages de cet essai et j'ai aimé y retrouver une référence à Laurence Sterne qui, avec La vie et les opinions de Tristram Shandy, nous offre un roman essentiellement constitué de digressions, de parenthèses et d'écarts.

Tout essai sur la digression a, notons-le, vocation encyclopédique. [P.B.]

Aussi la tentation est-elle grande, pour l'essayiste, d'insérer dans son texte les développements qu'il n'est pas parvenu à placer ailleurs. Nous nous sommes efforcé de ne pas abuser de cette situation, même si nous avons été conduit à avancer quelques réflexions sur La Princesse de Clèves, l’épistémologie de Karl Popper et l’histoire des guerres napoléoniennes : tous sujets qui, ne semblant pas s’imposer dans un essai sur la digression chez Proust avec une absolue nécessité, y trouvent, de ce fait, leur place naturelle.  [P.B.]

[...] une digression utile, voire nécessaire, demeure-t-elle une digression ? [P.B.] 

Ce qui est en jeu ici est ce que l’on appelle en théorie littéraire l’intertextualité. Tout texte entretient avec un certain nombre de textes précédents de la littérature des liens d’influence, volontaires ou involontaires. [P.B.]

Non seulement tout texte emprunte à d’autres et se situe dans un rapport objectif, en soi, avec d’autres textes de la littérature, mais il emprunte, pour le lecteur, à d’autres textes qui ont marqué celui-ci et se trouvent de ce fait, subjectivement parlant, dans une relation de dépendance avec lui. [P.B.]

La comparaison entre Proust et des auteurs « digressionnistes » comme Diderot ou Sterne est instructive. [P.B.] 

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Pierre

Comment parler des faits qui ne se sont pas produits

09/05/2021

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05/02/2020

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13/06/2009

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07/10/2019

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20/07/2017

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Le plagiat par anticipation

08/11/2023

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Le titanic fera naufrage

26/09/2020