mardi 30 décembre 2014

Le monde qui pourrait être - Bertrand Russell

Vouloir échafauder en imagination un aménagement de la société humaine qui soit préférable au chaos cruel et destructeur dans lequel l'humanité a vécu jusqu'ici est loin d'être un phénomène récent: il date au moins de Platon dont la République a servi de modèle aux utopies des philosophes qui ont suivi. [B.R.]
La lecture de ce texte de Russell écrit en 1918 avant la fin de la Première guerre constitue une expérience particulière. La Révolution russe vient d'avoir lieu. Le communisme en est à ses premiers pas dans la réalité. Russell, logicien, penseur, philosophe et activiste, se penche sur le monde tel qu'il pourrait être. Il laisse libre cours à un certain utopisme et à une grande foi en l'être humain. Il lit les projets politiques que sont le socialisme, l'anarchisme et l'anarcho-syndicalisme en en évaluant la faisabilité dans un contexte idéal tout en tenant compte de la société tel qu'il la connait. Il met en lumières les divergences entre les théories en particulier en ce que sera la société après la révolution : quelle sera la place de l'état, quelle sera son rôle face aux individus, quel sera le type de démocratie? Sa lecture des dérives possibles du socialisme d'état semble prémonitoire. Paradoxalement, ces réflexions mises sur papier en 1918 donnent à penser que l'utopisme a encore un bel avenir et qu'il pourrait s'exprimer dans un certain anarcho-syndicalisme.

jeudi 25 décembre 2014

Gemma Bovery - Posy Simmonds

Gemma Bovery est en terre depuis trois semaines. [P.S.]

Quelle belle réalisation que cette BD qui joue sur la frontière entre une réalité observée en voyeur et une fiction qui s'est inscrite résolument dans l'histoire. Est-ce une réécriture de l'oeuvre de Flaubert? Est-ce l'écho de Madame Bovary dans une actualité contemporaine? Est-ce une adaptation? Une méta-adaptation? Est-ce un discours sur Madame Bovary ou est-ce madame Bovary qui nous interpelle dans une histoire d'aujourd'hui? Je ne sais s'il est possible de répondre mais, ce que l'on peut affirmer c'est que Posy Simmonds sait, par son dessin et sa prose, offrir une lecture renouvelée et envoutante dans ce que d'aucuns appellent un roman graphique.
Au travers l’harmonie qu’elle établit entre textes et images, Posy Simmonds nous raconte l’installation d’un couple d’Anglais en Normandie, le regard que porte sur eux un boulanger amateur de littérature et l’ennui qui vient gruger le destin de Gemma.
Cela demeurera tel un grand bonheur de lecture en images.

mercredi 24 décembre 2014

Chroniques de Jérusalem - Guy Delisle

- Oh là! Tu es fatiguée toi. 
Premier contact avec Guy Delisle, ce ne sera pas le dernier. Plein d'autres l'avaient découvert, mais pour moi, cela aura été un récent coup de foudre. Ces Chroniques de Jérusalem, je les ais lues avidement, avec joie et délectation. On y lit le quotidien pas tellement habituel de l'auteur alors que lui et ses enfants accompagnent sa compagne administratrice pour M.S.F. (Médecins sans frontières). Ses journées, ce sont ses tribulations dans Jérusalem et ses quartiers pour y faire des rencontres et des croquis, pour découvrir les façons de vivre et de survivre des hiérosolomitains (des juifs originaires d'Europe, des arméniens chrétiens, des musulmans, des arabes grecs orthodoxes, des arabes syriaques orthodoxes, des coptes orthodoxes, entre autres.). On est toujours surpris par les désiquilibres de cette société, et comment la politique et les religions viennent miner le personnel et l'intime. Delisle réalise celà dans cette forme chronique qui sied très bien à ce discours et soutient celui-ci par un dessin simple et efficace qui laisse beaucoup de place à une architecture qui n'est pas banale.

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lundi 22 décembre 2014

Le lièvre de Vatanen - Arto Paasilinna

Deux hommes accablés roulaient en voiture. [A.P.]
L'un de ces hommes est Vatanen (que tout au long de ma lecture je me suis entêté à appeler intérieurement Vataven, allez savoir pourquoi). Vatanen, donc, après une rencontre imprévue avec un lièvre quitte sa vie pour vagabonder au gré des occasions et des routes, routes menant plus souvent qu'autrement vers les bois du nord finlandais. On se retrouve ainsi encore devant un roman déambulant où l'on suit le protagoniste dans ses errances et ses tribulations. Est-ce ici pertinent? Paasilinna réussit-il à nous capter pour ce voyage inhabituel? Je n'en suis pas assuré. La plume traduite de Paasilinna manque d'un je ne sais quoi qui nous convaincrait et je n'ai pas retrouvé dans ce Lièvre de Vatanen l'allant qui avait attisé mon intérêt dans Petits suicides entre amis.

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lundi 15 décembre 2014

L'élixir d'amour - Éric-Emmanuel Schmitt


Louise, Si tu m'écoutes, bonjour. [É.-E. S.]
Schmitt choisit ici l'échange épistolaire comme forme. Le contenu, c'est également l'échange entre les deux protagonistes de ce discours duel. Le contenu, c'est l'amour qu'il se sont porté, ce sont les amours qu'ils font naître, c'est la passion qui émerge, c'est le désir qui flamboie, et ce sont les mots pour les décrire sous toutes leurs formes.

Louise et Adam, de Montréal à Paris, maintiennent un dialogue qui n'est pas sans équivoque et nous sommes les témoins voyeurs de ce commerce.

P.S. Étonnante correspondance que la nôtre : nous ne parlons pas d'amour mais nous parlons sur l'amour. [É.-E. S.]


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vendredi 5 décembre 2014

Les promeneurs du temps - Épisode 1 - L'équation interdite - Viale et Dorange

Le premier jour du XXe siècle... moment unique et étourdissant. (V & D)
Une BD au graphisme étonnant, envoutant, géométriquement mystérieux. Un coup de crayon qui accompagne très bien l'atmosphère de cette aventure du commissaire Ambroise Clé qui débute avec le siècle dernier dans un monde qui tient à la fois du polar et du fantastique, de la logique cartésienne et du spectre vaporeux, de la mathématique du raisonnement et du paradoxe obscurantiste.

Dans cet univers dual, Clé est le tenant de la science par laquelle on accédera à la vérité. Mais, dès ce premier janvier 1901, sa promenade sur les rives enneigées de la Seine le mènera vers un rendez-vous qui bouleversera la ligne du temps.

Le site BDZoom.com nous offre un Entretien avec les auteurs des « Promeneurs du temps » : Sylvain Dorange et Franck Viale.

Il s'agit du premier épisode d'une série qui en comportera cinq.

vendredi 28 novembre 2014

L'armée furieuse et Sous les vents de Neptune - Fred Vargas

Avec cette Armée furieuse, je me réconcilie avec Fred Vargas et avec l'univers d'Adamsberg, avec son équipe non traditionnelle et ses méthodes intuitives.

Je me réconcilie parce que, après avoir savouré Pars vite et reviens tard et m'être ainsi initié à ce type de polar d'aujourd'hui qui résonne avec le passé, j'ai eu la curiosité malsaine de voir comment Vargas avait traité du Québec dans Sous les vents de Neptune dont la majorité de l'intrigue s'inscrit dans un Gatineau d'un Québec imaginaire et caricatural. Ce Québec peint par Vargas ne peut être né que d'une auteure qui n'a pas amorcé sa recherche et qui s'est contentée de ce qu'elle croyait savoir sur les lieux, les coutumes, la langue et les us du cadre dans lequel elle voulait situer son polar. La représentation grotesque du Québec et de la façon de parler de ses habitants m'a fait douter et j'ai été, à maintes reprises, tenté de laisser en plan cette lecture. Mais, Il semble que l'intrigue ait été à la hauteur, car elle a fait en sorte que je me rende jusqu'à la dernière page.

L'approche à L'armée furieuse a été, quant à elle, tout autre et dès les premières pages j'ai été plongé dans un monde qui se situe à cheval sur l'histoire, l'histoire réelle de meurtres commis à Ordebec et celle presqu'aussi réelle qui vit dans l'imaginaire des gens de ce village normand.

mercredi 26 novembre 2014

Sur la lecture - Marcel Proust

Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. [M.P.]
Ma première lecture de Marcel Proust. C'est en fait un ouvrage de quelques pages puisqu'il était destiné à constituer la préface de la traduction de Sésame et les Lys de John Ruskin. Il s'agit toutefois d'un texte dont la nature même allait bien au-delà de sa fonction première et dont la forme comme le contenu supposaient une vie littéraire plus longue que le roman qui en  avait été l'initiateur ou le prétexte.

Si je n'avais abordé encore Proust, c'est sûrement signe d'une certaine crainte, d'une certaine gêne devant l'ampleur de l'oeuvre, une importance qui se mesure au nombre de tomes d'À la recherche du temps perdu, à la longueur de ses phrases ou à l'influence que Proust a eue sur la littérature du XXe siècle.

J'ai donc attendu qu'un texte et un corpus plus restreint s'offrent à moi et, le moment propice se présentant, j'ai plongé. Je n'aurai pas regretté et j'ai ainsi pu sentir l'attrait que la plume de Proust peut exercer sur ses lecteurs depuis plus d'un siècle.
Puis la dernière page était lue, le livre était fini. Il fallait arrêter la course éperdue des yeux et de la voix qui suivait sans bruit, s’arrêtant seulement pour reprendre haleine, dans un soupir profond. [...] Alors, quoi ? ce livre, ce n’était que cela ? Ces êtres à qui on avait donné plus de son attention et de sa tendresse qu’aux gens de la vie, n’osant pas toujours avouer à quel point on les aimait, et même quand nos parents nous trouvaient en train de lire et avaient l’air de sourire de notre émotion, fermant le livre, avec une indifférence affectée ou un ennui feint ; ces gens pour qui on avait haleté et sangloté, on ne les verrait plus jamais, on ne saurait plus rien d’eux. [M.P.]

samedi 8 novembre 2014

Maus - Art Spiegelman


J'allai voir mon père à Regi Park. [A.S.]
Art Spiegelman signe ici une oeuvre majeure reconnue comme telle depuis longtemps, mais je ne sais pour quelle raison, elle ne s'était pas glissée dans mes lectures. C'est le hasard des rencontres d'amateurs de bd par personnes interposées qui m'aura remis entre les mains un exemplaire de Maus. Ce récit personnel de la relation de l'auteur avec son père et de l'expérience de celui-ci dans la Pologne sous contrôle nazi qui aura pris des années à mettre en forme n'a été que quelques jours sur ma table de lecture tant j'y revenais intensivement, mais son impact laissera une trace sans équivoque dans la trame de mes contacts avec la bd. Cela me réconcilie également avec la bd américaine que je méconnais malheureusement.

samedi 11 octobre 2014

Petits suicides entre amis - Arto Paasilinna

Les plus redoutables ennemis des Finlandais sont la mélancolie, la tristesse, l'apathie. [A.P.]

Les critiques de Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire faisaient parfois référence à l'auteur finlandais Arto Paasilinna et j'avais déjà croisé ce nom au fil de mes lectures. J'étais intrigué et j'ai voulu assouvir ma curiosité. C'est donc ainsi et un peu par le hasard de la disponibilité du titre que j'ai ouvert Petits suicides entre amis.
On entre ici dans un roman-route (road novel) qui pour un lecteur québécois possède les attraits d'un certain dépaysement, l'essentiel du parcours se déroulant en Finlande. Deux êtres déçus de la vie (un entrepreneur spécialiste de la faillite et un colonel veuf inconsolable) se croisent au moment où ils comptaient mettre fin à leurs jours. Ils échafaudent un projet qui deviendra le coeur de ce périple. Ils mettent en place un groupe d'entraide constitué de suicidaires potentiels qui amorceront une démarche itinérante vers le lieu idéal pour un suicide collectif.
SONGEZ-VOUS AU SUICIDE ? Pas de panique, vous n'êtes pas seul. Nous sommes plusieurs à partager les mêmes idées, et même un début d'expérience. Écrivez-nous en exposant brièvement votre situation, peut-être pourrons-nous vous aider. Joignez vos nom et adresse, nous vous contacterons. Toutes les informations recueillies seront considérées comme strictement confidentielles et ne seront communiquées à aucun tiers. Pas sérieux s'abstenir. Veuillez adresser vos réponses Poste restante, Bureau central de Helsinki, nom de code " Essayons ensemble ". [A.P.]
C'est ainsi que cet équipage inhabituel parcourra la Finlande et l'Europe dans un car flamboyant pour une quête inavouable, un voyage qui sera tout sauf tragique. On l'accompagne du Cap Nord à Sagres au Portugal et ce n'est pas dans la tristesse. 
Ne cherchons pas ici le roman profond qui fait réfléchir sur la vie, le monde, la société, mais plutôt un roman-route qui nous extrait de notre quotidien le temps de faire plusieurs sourires bien sentis.

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Paasilinna
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Le lièvre de Vatanen 

dimanche 31 août 2014

Monsieur Ho - Max Férandon

Le jour entrait dans une nuit à court d'arguments. [M.F.]
Est-ce un roman, une fable, un conte? Tenter de classifier Monsieur Ho n'est pas chose facile. Est-ce qu'on peut dire qu'il s'agit d'un roman de voyage, du parcours initiatique d'un recenseur dans un "pays pluriel", de la traversée exploratoire de soi-même vers ses racines inavouées, d'un conte à tiroirs ou d'une fable sur l'identité dans un monde où elle ne trouve plus sa place? Chaque lecteur y verra une part de soi et s'en dressera une scénographie propre, la classification est-elle ici nécessaire?
Monsieur Ho est irrésistible par sa façon si chinoise de présenter ce périple dans l'empire du milieu, par son regard sur les gens qui le peuple, par sa description si réservée de leurs coutumes.
On ne sait comment classifier Monsieur Ho sinon dans la catégorie des lectures que j'ai apprécié.
Lui, le citadin aux ourlets tombants et aux chaussures soyeuses, le démographe sismographe, l'embrasseur de pluriel et de solitude, examinait pour la première fois de sa vie une réelle possibilité de quitter la planète et de rester sur sa Lune. [M.F.]




mardi 12 août 2014

L'idole - Serge Joncour

J'ai compris que j'étais devenu célèbre le jour où Naomi Machin s'est retournée sur moi dans la rue. [S.J.]

Je connais Serge Joncour par sa voix aux Papous et par ses quelques tweets inspirés. Je n'avais jamais lu l'un de ses romans et puis, il y a eu celui-ci offert sur une table de mise en valeur chez mon libraire d'occasion. Je n'ai pas été long à convaincre que j'avais là l'opportunité de me confronter à une écriture moins brève de Joncour.
Je n'ai pas été déçu. L'idole offre un regard aiguisé et moqueur sur certains aspects de notre société où la pipolisation ou vedettisation fait office d'interface entre la star et la plèbe. Georges Frangin, chômeur lamda, se voit ici projeté à l'avant-scène de la célébrité sans en connaître la raison. Il explorera, et nous l'accompagnant, les détours et les dérives de cette célébrité en jetant des questionnements sur certains événements de sa vie antérieure, aucun de ceux-ci n'anticipant cela. Dans la tête de Georges, nous vivons ses émois comme nous vivions ceux de Monsieur Palomar. L'humour retenu et parfois noir de Joncour contribue à l'agrément de lecture de ce court roman sociologique.
Avoir la parole, c'est avant tout trouver quelque chose à dire. [S.J.]
Dites-vous que le procédé de la littérature est tout ce qu'il y a de complexe, entre ce que la télé dit d'un livre, ce que le lecteur en comprend, et ce que l'auteur a voulu dire, il y a des déperditions terribles, ça confine toujours au malentendu, c'est pourquoi il vaut mieux partir sur une idée simple, si possible une idée de départ. [S.J.]
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23/02/2017

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29/09/2020

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Repose-toi sur moi

07/08/2017