Pour la première fois il se retrouvait seul dans la ferme, sans le moindre bruit de bêtes ni de qui que ce soit, pas le moindre signe de vie. [S.J.]
Avec Nature humaine, Serge Joncour nous livre un regard aiguisé sur près de 25 ans de l'histoire d'Alexandre, un jeune agriculteur du Lot, près de 25 ans de la relation difficile entre le milieu agricole et le progrès effréné des villes, près de 25 ans de luttes pour protéger la nature face aux développements anarchiques de la technologie. Cela se passe dans une communauté du Lot, cela pourrait être dans le Bas-Saint-Laurent ou dans Lanaudière, l'œil que porte Joncour sur le local et l'infime s'inscrit dans l'universel et son discours excède toutes les frontières que, par erreur, on voudrait lui imposer. Il y a Alexandre qui jongle avec ses questionnements, il y a Constanze, la militante allemande qui soutient le rêve, il y a les soeurs et la famille, la racine et les pousses qui s'en écartent, il y a Crayssac, le vieil anarchiste. Il y a, sans nul doute, une part de nostalgie dans cette histoire politique de France vue des Bertranges. Je n'ai pu m'empêcher de penser, si on ajoutait une touche de fantastique aux visées utopistes, antimilitaristes et écologistes, aux Légendes d'aujourd'hui, une série de bandes dessinées de Christin et Bilal (La croisière des oubliés, Le vaisseau de pierre et La ville qui n'existait pas), une série qui fait assurément partie de ma bibliothèque idéale de BD. Nature humaine se lit dans une tout autre tonalité, mais le lecteur que je suis n'a pas limité les images qui se créaient dans son esprit à la lecture de ce roman social.
Pour le reste, sa vie était toute tracée, son projet c'était de tenir la ferme, d'épouser les saisons, et s'il ne se plaignait d'aucun mur, il sentait naître un fossé entre le vieux monde dans lequel il vivait, et le nouveau qui s'annonçait, celui de la ville, des semenciers, des mises aux normes et des banques. [S.J.]
À la campagne, dès qu'on fait vingt kilomètres, il y en a toujours un pour vous demander d'où vous venez, à vingt kilomètres de chez soi on est déjà un étranger. [S.J.]
- Je vais vous dire, ce décor, eh bien j'en connais tout. Tout. Cette campagne, j'y vis depuis toujours. Ces arbres là-bas, je les connais tous, rien qu'à les voir je sens celui qui flanche, celui qui se fait étouffer par le lierre, celui qui a soif, celui qui repousse les autres, alors si je me mettais à bouger moi aussi, tous ces arbres, ces bêtes, ces prés, ce jardin et ces chiens, ils feraient quoi sans moi, hein, ils feraient quoi? [S.J.]
Appréciation : 4/5
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