mardi 20 octobre 2020

Résolutions pour quand je vieillirai et autres pensées sur divers sujets - Jonathan Swift

J'ai croisé Jonathan Swift dans le courant de mes lectures il y a fort longtemps. J'étais jeune et curieux. Je lisais alors l'Anthologie de l'humour noir d'André Breton. Breton présentait Swift comme le véritable initiateur du genre et on avait droit à quelques morceaux choisis de l'œuvre de Swift : Instructions aux domestiques, Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d'être à la charge à leurs parents ou à leur pays et pour les rendre utiles au public, notamment. Je découvrais alors à la fois une écriture originale, le large spectre de l'humour noir et quelques auteurs inclassables tels Swift, Georg Christoph Lichtenberg (Aphorismes) ou Thomas De Quincey (De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts). La petite plaquette Résolutions pour quand je vieillirai et autres pensées sur divers sujets m'interpela donc lorsque mon œil croisa son présentoir à l'entrée de la librairie. Je n'hésitai pas et l'ajoutai aux livres que je comptais acheter. 

On y trouve le Sermon sur la difficulté de se connaître soi-même, texte bien sûr marqué par le temps, mais qui, lorsqu'on le dépouille de ses références religieuses, porte encore à réflexion utile. C'est dans ses Pensées sur divers sujets moraux et divertissants que Swift manifeste le plus son esprit mordant, son approche satirique, ironique et même parfois pamphlétaire. Une belle lecture.

Si l’on faisait le compte de toutes ses opinions sur l’amour, la politique, la religion, le savoir, depuis son jeune âge et jusqu’à sa vieillesse, quel amas d’inconséquence et de contradictions on y découvrirait! [J.S.]

De petites causes suffisent pour tourmenter quand il n’en existe pas de grandes : faute d’une souche, vous butez sur une paille. [J.S.]
Si un homme me tient à distance, ma consolation est qu’il se tient à la même distance de moi. [J.S.]
« C’est parfaitement observé », dis-je, quand je lis dans un auteur un passage où son opinion s’accorde avec la mienne. Quand nous différons sur un point, je déclare qu’il s’est trompé. [J.S.]
On dessine toujours les éléphants plus petits que nature, mais les puces toujours plus grandes. [J.S.]

Appréciation : 3,5/5 


lundi 12 octobre 2020

La mariée de corail - Roxanne Bouchard

Le bruit mouillé qui réveille Angel Roberts, c'est celui de l'eau qui se déchire sous le poids d'une cage qui tombe. [R.B.]

Je ne connaissais pas les écrits de Roxanne Bouchard. Je n'ai pas lu la première enquête du sergent Joaquin Moralès, Nous étions le sel de la mer, qui avait pourtant reçu une critique enthousiaste, mais j'ai été conquis par cette deuxième incursion dans l'univers gaspésien. Cette majestueuse Gaspésie est présente tout au long des pages captivantes de ce polar maritime. Elle s'immisce dans le texte par la mer, par les odeurs et les algues, par le maquereau et le homard, par les gens qui foulent son sol et naviguent ses eaux, par l'organisation de la pêche, par le parc Forillon, par la route de Rivière-au-Renard à Haldimand ou le sentier de l'Anse-aux-Amérindiens jusqu'au Bout-du-Monde. Plus qu'un décor, son charme envoutant vient magnétiser l'écriture et la mer fait miroiter à chaque fois des éclats de soleil. Il y a, bien sûr, une enquête. Elle concerne la disparition d'une capitaine de homardier, mais il y a aussi l'évolution difficile d'une relation père fils et celle de leurs couples respectifs.

C'est à un magnifique voyage que nous convie l'auteure qui nous fait vibrer au rythme des marées et de sa passion pour les gens de mer.

Le soleil étend sur la mer des copeaux d'or. [R.B.]

Il se penche sur le télescope, observe la nuit qui attend l'aube, se redresse. La Gaspésie est un pays sans trêve. [R.B.]
La veille, il a regardé les pêcheurs lancer la ligne, la rembobiner, et ce geste seul, chorégraphique, lui a paru complet en soi. Comme ces disciplines asiatiques qui consistent à répéter sans fin le même mouvement, en l’intégrant dans son corps afin de libérer l’esprit. Un taï-chi de bord de mer, pour démêler les fils noués de ses idées. [R.B.]
Le vent baisse lentement avec la fin de l'après-midi, comme fatigué par sa journée de travail à fouetter la mer, à brasser l'écume, à tenir les vagues en éveil. Moralès sent l'humidité grasse du salange sur sa peau, dans ses cheveux, contre le bas encore mouillé de son pantalon. [R.B.]
Au-delà des fenêtres, l'horizon s'étend dans la nuit, la mer éparpille les tessons lumineux de la lune comme autant de fragments insaisissables qui scintillent, illusoires, à sa surface. [R.B.]

Appréciation : 4,5/5 

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Le murmure des hakapiks

22/10/2021