Dans le chapitre 3 du Genji Monogatari de Murasaki Shikibu, roman japonais écrit aux environs de l’an mil par une femme, et l’un des quelques chefs-d’œuvre de la littérature mondiale, le héros, l’éblouissant prince Genji, amoureux de la belle Utsusemi, épouse du gouverneur de province Yo No Kami, s’est introduit en fraude dans les appartements de celle-ci avec la complicité du jeune frère d’Utsusemi. Caché derrière une tenture, il épie Utsusemi et son amie Nokia No Ogi absorbées dans une partie acharnée de GO. [G.P.]
Il y a déjà longtemps, un ami avait tenté de m'initier à cette merveilleuse, intrigante et exaltante activité qu'est le go. Le succès a été mitigé sur le long terme, mais j'en conserve un agréable souvenir et j'ai toujours gardé espoir de pouvoir m'y abandonner de façon décontractée et ludique.
Dans mon parcours parmi les multiples œuvres de Perec, je n'avais pas encore croisé cette contribution à ce manuel d'initiation au go et je m'en voulais qu'elle n'ait pas encore fait partie de mes lectures. Mon écart est maintenant comblé et je me suis plongé avec plaisir dans ce qui constitue à n'en point douter le premier traité en français s'intéressant à l'essor du go et à son introduction en France en présentant de façon agréable aux novices les règles et les stratégies de base du jeu de go. Mais, ces trois amis que sont Lusson, Perec et Roubaud, ne se sont pas empêchés, d'y introduire, tels des potaches assumés, l'humour par des calembours un peu gros, des invectives adressées aux joueurs d'échecs, des pas de côté et des digressions. Cela n'est pas pour déplaire. Cette légèreté ne nuit pas à la mission que se sont donnée les auteurs d'inviter à la découverte de l'art subtil du GO.
La beauté du GO, la fascination qu’il exerce, l’intense émotion qu’il suscite, l’exaltation qu’il provoque viennent du mystère, des mystères qui, à tout instant, à tout niveau, au début ou à la fin de la partie, chez un joueur débutant comme chez un joueur exercé, accompagnent chaque coup, chaque échange.
Ce mystère, cette émotion qui fait que la main a peine à ne pas trembler quand elle pose sa pierre ; cette fascination qui naît lentement puis s’impose à jamais jusqu’à devenir obsession, sinon angoisse, cette beauté ultime qui à tout instant anime l’espace inerte où les adversaires s’affrontent de toute la sauvagerie des escarmouches locales, de toute la quiétude des espaces protégés, de toute la subtilité des pièges longtemps ourdis, déployant dans l’espace et dans le temps le sortilège de figures aux mille renversements, nous aimerions ici, maintenant, un instant, les faire partager, savoir en parler; mais, novices parmi les novices, sachant trop qu’une vie entière ne suffira pas à nous faire percevoir le quart des subtilités dont le GO s’accompagne, nous subissons cette fascination sans pouvoir la dire. [G.P.]
Lecteur, il te faut dominer ta concupiscence naturelle, l’enchaîner dans les fers de la droite raison et de la prudence serpentine! En cette conjoncture la force brute n’y a point place. La présomption non plus. [G.P.]
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