mardi 17 mai 2016

L'impossible dialogue, Sciences et religions - Yves Gingras


Cet essai est né d'une interrogation : comment expliquer le retour en force, depuis les années 1980-1990, de la question des relations entre science et religion et des appels au «dialogue» entre les deux domaines pourtant si éloignés par leurs objets et leurs méthodes? [Y. G.]
Je ne pouvais d'aucune façon passer à côté de cette lecture. J'apprécie les points de vue défendus par Yves Gingras et son regard sur les sciences, leur histoire et les sociétés dans lesquelles elles évoluent. J'ai pu assister en mars 2016 à la conférence sur le même sujet que livrait Yves Gingras au Coeur des sciences de l'UQAM. Il est toujours un conférencier intéressant qui éblouit par ses connaissances, par sa façon de les transmettre, mais aussi par ses prises de position assumées. J'avais là une magnifique introduction pour la lecture qui devait suivre.

C'est en réaction au retour d'un regard religieux sur la science que, je crois, Gingras a voulu tracer cette histoire des relations entre sciences et religions (les deux au pluriel) pour que la connaissance historique de l'impossibilité d'un dialogue puisse nous prévenir de nouvelles tentatives d'incursions. Il relate donc l'évolution de l'autonomie des sciences face aux visées théologiques depuis la séparation entre science et philosophie. Il aborde évidemment toute la question de la condamnation de Galilée, de la censure de ses ouvrages et de ceux de Copernic. Un autre chapitre sera consacré au conflit qui oppose les religions et l'histoire naturelle (Laplace, Darwin) et la géologie (Lyell) aux XVIIIe et XIXe siècles.
Si les mathématiques ou la taxonomie ont posé peu de problèmes aux religions organisées, il en va autrement de la cosmologie, de la géologie, de la biologie évolutive et de sciences sociales et humaines comme l'histoire des religions et des origines de l'humanité. [Y. G.]
L'histoire, considérée comme plausible, veut que Laplace ait répondu à Napoléon, qui se demandait où se trouvait Dieu dans son ouvrage, qu'il n'avait pas eu besoin de cette hypothèse. [Y. G.]
L'auteur aborde également l'histoire de la censure des sciences, de l'atomisme au rationalisme, du matérialisme à la théorie de l'évolution.
Égaré dans une forêt immense pendant la nuit, je n'ai qu'une petite lumière pour me conduire; survient un inconnu qui me dit : «Mon ami, souffle ta bougie pour mieux trouver ton chemin.» Cet inconnu est un théologien. [Diderot, cité par Y. G.] 
Yves Gingras retrace l'évolution des discours autour de la notion de relation entre sciences et religions. Il fait état de la position qui veut que le conflit entre sciences et religions soit un mythe et qu'il faille renouer avec le dialogue entre ces deux sphères. Il dénote la croissance importante d'ouvrages qui veulent trouver dans les découvertes scientifiques des justifications à certaines positions religieuses. Il pointe la Fondation Templeton comme l'un des pourvoyeurs de fonds pour la publication de tels textes.

Enfin, il met en garde:
La séparation de plus en plus complète entre les institutions scientifiques et les institutions religieuses n'empêche pas divers groupes religieux de continuer à exercer des pressions externes (sociales et politiques) pour limiter la liberté de la recherche scientifique. En effet, les divers groupes religieux qui continuent de croire au sens littéral de textes qu'ils considèrent comme « sacrés », car inspirés - ou même dictés - par Dieu, ne cesseront probablement jamais de tenter de limiter la liberté de la recherche sur toute question qui remet en cause tout ou partie de ces « révélations ». [Y. G.]
Tout le progrès scientifique et technique a été possible parce que des gens, pensant que le monde est compréhensible, soumis à des lois universelles et non aux caprices des dieux, ont pris des risques et remis en question des croyances ancestrales. [Y. G.]
En bref, une lecture incontournable et éclairante.


_________________________

Sur Rives et dérives, d'Yves Gingras, on trouve des commentaires à propos de :

Gingras
Yves
Histoire des sciences

Gingras
Yves
Les dérives de l’évaluation de la recherche 
Gingras
Yves
Sociologie des sciences 

Aucun commentaire: