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lundi 21 décembre 2020

Le goût du vrai - Étienne Klein

Le contexte a fait en sorte que des discours scientifiques et anti-scientifiques se présentent à nous presque quotidiennement. S'entremêlent alors des faits vérifiés et des pseudo-vérités, des canulars et des interprétations excessives, des idées et des opinions dans un univers médiatique où le relativisme semble avoir gagné du terrain.
Aujourd’hui, la tendance à avoir un avis non éclairé sur tout, et à le répandre largement, me semble gagner en puissance. Dans son sillage, elle distille l’idée que la science, surtout lorsqu’elle devient dérangeante, ne relève que d’une croyance parmi d’autres. [E.K.]
C'est dans ce magma de couverture diverse que la parole d'Étienne Klein s'est présentée avec cette plaquette où rationalité, connaissances et vérités scientifiques sont interpellées alors que les circonstances, trop souvent, les bafouent. J'ai donc lu avec beaucoup d'intérêt Le goût du vrai de cet auteur, animateur, physicien, vulgarisateur et philosophe des sciences que j'aime à écouter dans La conversation scientifique sur France-Culture. J'ai retrouvé là des idées pertinentes sur la perception et la place que la société accorde à la science, sur les relations entre science, réalité et vérité scientifique. L'auteur conclue qu'il n'est pas souhaitable de renouer avec le scientisme, mais, dans la situation actuelle où la nature se rappelle à nous avec force, il propose plutôt de faire appel à nouveau à la rationalité tout en la refondant et en remettant en question le relativisme ambiant. 

Voilà donc un essai qui, bien que court, est tout à fait percutant.
La science prend souvent l’intuition à contre-pied, contredit presque toujours le bon sens et n’a que faire de la bureaucratie des apparences. [E.K.]
Quiconque a fréquenté d’un peu près les questions scientifiques le sait: il y a un « érotisme des problèmes ». [E.K.]
[...] comme me le dit un jour Jean-Marc Lévy-Leblond, fort des observations astronomiques qu’il réalise chaque été avec ses petits-enfants, voir les satellites de Jupiter où les anneaux de Saturne grâce à un petit télescope est autrement plus excitant que d’en apprendre l’existence dans un manuel, même illustré de beaux clichés. Car c’est alors un écho de l’émerveillement de Galilée que l’on sent pénétrer en soi, comme une intraveineuse. [E.K.]

Appréciation : 5/5 

mardi 20 octobre 2020

Résolutions pour quand je vieillirai et autres pensées sur divers sujets - Jonathan Swift

J'ai croisé Jonathan Swift dans le courant de mes lectures il y a fort longtemps. J'étais jeune et curieux. Je lisais alors l'Anthologie de l'humour noir d'André Breton. Breton présentait Swift comme le véritable initiateur du genre et on avait droit à quelques morceaux choisis de l'œuvre de Swift : Instructions aux domestiques, Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d'être à la charge à leurs parents ou à leur pays et pour les rendre utiles au public, notamment. Je découvrais alors à la fois une écriture originale, le large spectre de l'humour noir et quelques auteurs inclassables tels Swift, Georg Christoph Lichtenberg (Aphorismes) ou Thomas De Quincey (De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts). La petite plaquette Résolutions pour quand je vieillirai et autres pensées sur divers sujets m'interpela donc lorsque mon œil croisa son présentoir à l'entrée de la librairie. Je n'hésitai pas et l'ajoutai aux livres que je comptais acheter. 

On y trouve le Sermon sur la difficulté de se connaître soi-même, texte bien sûr marqué par le temps, mais qui, lorsqu'on le dépouille de ses références religieuses, porte encore à réflexion utile. C'est dans ses Pensées sur divers sujets moraux et divertissants que Swift manifeste le plus son esprit mordant, son approche satirique, ironique et même parfois pamphlétaire. Une belle lecture.

Si l’on faisait le compte de toutes ses opinions sur l’amour, la politique, la religion, le savoir, depuis son jeune âge et jusqu’à sa vieillesse, quel amas d’inconséquence et de contradictions on y découvrirait! [J.S.]

De petites causes suffisent pour tourmenter quand il n’en existe pas de grandes : faute d’une souche, vous butez sur une paille. [J.S.]
Si un homme me tient à distance, ma consolation est qu’il se tient à la même distance de moi. [J.S.]
« C’est parfaitement observé », dis-je, quand je lis dans un auteur un passage où son opinion s’accorde avec la mienne. Quand nous différons sur un point, je déclare qu’il s’est trompé. [J.S.]
On dessine toujours les éléphants plus petits que nature, mais les puces toujours plus grandes. [J.S.]

Appréciation : 3,5/5 


mercredi 19 août 2020

Comment marchent les philosophes? - Roger-Pol Droit

Pour commencer, trouvez un balcon donnant sur la rue. Mieux vaut qu'il soit situé vers le cinquième ou sixième étage. Trop bas, il ne vous permettra pas de bien observer. Trop haut, vous risquez de ne plus discerner les détails qui comptent. [R.-P. D.]

J'avais lu avec intérêt et un sourire l'ouvrage 101 expériences de philosophie quotidienne que Roger-Pol Droit nous a déjà offert. J'étais curieux de retrouver ce philosophe et enseignant dans le contexte déambulatoire de la marche. Des péripatéticiens jusqu’à Wittgenstein en passant par Montaigne ou Diderot, l'auteur nous convie à une randonnée philosophique alliant le bâton de marche et l’itinéraire de la pensée. Il parcourt l'histoire de la philosophie en y mettant de l'avant les liens qu'on peut établir entre marche et pensée, entre déambulation et philosophie qui se trouvent dans un mouvement semblable et permanent de chutes et de redressements. Marcher, parler et penser constituent trois actes qui nous permettent d'avancer dans l'histoire et le développement de la pensée philosophique.

Ce dernier essai n'est peut-être pas aussi divertissant qu'a pu l'être les 101 expériences, mais il se présente avec la même fraicheur, la même volonté de partage et il suscite la même curiosité chez le lecteur que je suis.

Alexandre, en poursuivant une chimère, a donc rencontré un monde réel, jusqu’alors inconnu. Il n’est pas exclu que ce puisse être une définition de ce que font les philosophes. [R.-P. D.]

Il [Nietzsche] marche pour voir selon différents angles, selon plusieurs perspectives. Il explore, et nous avec lui, des dénivelées, des différences de potentiel dans le temps et l’espace. Ce pourrait être une façon d’envisager le travail des philosophes. [R.-P. D.]

Pourquoi marcher encore? Parce qu'il n'y a pas de fin au voyage des humains. Les pas d'un individu, un jour, s'arrêtent. Ceux des autres continuent. Ce qui paraît sans issue, à l'échelle de ma vie limitée, est en réalité sans fin. Infime, chaque pas. Infinie, la route. [R.-P. D.]

Appréciation : 4/5 

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101 expériences de philosophie quotidienne

29/04/2019

mercredi 5 juin 2019

L'arche de Socrate, Petit bestiaire philosophique - Normand Baillargeon

Ce petit bestiaire réunit quelques-uns parmi les plus notables des animaux qui peuplent la pensée et l'imagination des philosophes. [N.B.]
J'avais, il y a quelques années, entr'aperçu l'édition bruxelloise de ce petit bestiaire. J'avais été intrigué, mais je ne sais pourquoi, je ne me l'étais pas procuré. Puis, récemment, lors d'une entrevue radiophonique ou au moment de l'une de ses chroniques, j'entends l'auteur (qui a à son actif de multiples ouvrages) affirmer qu'il s'agit là d'une oeuvre dont il est particulièrement fier. La nouvelle parution d'une édition québécoise m'a donné enfin l'occasion de m'y plonger. Dans L'arche de Socrate, on parcourt les allées agréables et sinueuses d'un jardin zoologique et philosophique en découvrant, page après page, diverses utilisations métaphoriques, analogiques, allégoriques d'êtres de la gent animale, et tout cela à l'intérieur même du discours des penseurs, philosophes et scientifiques. Cela est ni plus ni moins qu'une porte d'entrée vers des questions philosophiques qui sont toujours d'actualité, vers des débats d'idées et des expériences de pensée qui demeurent d'une pertinence assumée. Le format, chouette et ludique, permet de revisiter ainsi quelques incursions animales connues, mais également de découvrir une variété insoupçonnée du bestiaire philosophique. Voici un ouvrage qui permet dans un agréable cadre de s'initier à quelques manifestations des échanges philosophiques à travers le temps et les cultures.
[…] je veux qu’on sache qu’aucun animal n’a été maltraité dans l’écriture de ce livre et que chacun de ceux qui sont évoqués ici a reçu tout le respect qui lui est dû. [N.B.]
Normand Baillargeon cite Bernard Suits qui répond à Wittgenstein pour trouver une définition du jeu. Ce sera : jouer à un jeu, c’est fournir "des efforts délibérés pour surmonter des obstacles arbitraires". Cela m'a rappelé la définition donnée par Queneau de l’auteur oulipien qui serait “un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir". 
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lundi 29 avril 2019

101 expériences de philosophie quotidienne - Roger-Pol Droit

Ce livre est un divertissement. Cela signifie qu'il essaie d'indiquer l'essentiel de manière légère. [...] Le futile donne à penser, le dérisoire conduit au sérieux, la profondeur part du superficiel. Pas toujours, pas nécessairement, cela va de soi. [R.-P.D.]
Ce livre se trouvait sur une tablette dans la salle de bain d'un logement que j'ai occupé pendant un court laps de temps à Bordeaux. Je n'ai pas pu m'empêcher d'y jeter un oeil et cela plusieurs fois à tel point que je n'ai pas pu quitter La belle endormie sans faire un détour par la librairie Mollat pour m'en procurer un exemplaire bien à moi.  Voici une lecture réjouissante, intelligente, une fenêtre permettant d'aérer l'esprit, un manuel fait de petits moments à savourer sur une longue période de temps, à laisser infuser à l'intérieur de nos propres rêveries quotidiennes, à accepter comme des expériences de pensées, à s'amuser de l'imagination qui a pu les créer et les mettre sur papier. Oui, ce livre est un divertissement, mais qui a dit qu'un divertissement ne pouvait sous-tendre des réflexions sur la vie ou sur le monde, ne pouvait étayer un certain regard philosophique sur tout ce qui nous entoure? À lire sans modération!

Quelques-unes des expériences parmi les 101:

  • Compter jusqu'à mille
  • Courir dans un cimetière
  • Suivre les mouvements des fourmis
  • Manifester seul
  • Considérer l'humanité comme une erreur
  • Immobiliser l'éphémère
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07/03/2021

dimanche 22 juillet 2018

Au café existentialiste. La liberté, l'être et le cocktail à l'abricot - Sarah Bakewell

On dit parfois que l'existentialisme est plus un état d'âme qu'une philosophie. [S.B.]
Sarah Bakewell qui m'avait séduit avec Comment vivre ? : une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse aborde ici un pan totalement différent de l'histoire de la philosophie avec, toutefois, une approche semblable, présenter les idées à travers les gens, à travers les expériences de vie de ces protagonistes, à travers la société qui a permis l'éclosion de ces notions ou de ces concepts. J'étais curieux de voir comment se traduirait ce contact avec l'existentialisme. Le premier chapitre, dont le titre, à la manière des romans-feuilletons du XIXe siècle, est très descriptif (L'existentialisme, quelle horreur! Où trois personnes boivent des cocktails à l'abricot, d'autres s'attardent à parler de liberté, et plus encore de changer leur vie. On se demande aussi ce qu'est l'existentialisme.), m'a enchanté. La naissance de l'existentialisme, survenant à la table d'un bar de la rue du Montparnasse à Paris, y ait joliment décrite. Les trois jeunes philosophes qui sont ici attablés, ce sont Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre et Raymond Aron. Ce dernier, de retour de Berlin, faisait part à ses comparses d'une découverte qu'il y avait faite, une philosophie du nom de phénoménologie. Sartre, s'emparant de ce concept, le relit, le réinterprète, l'applique à la vie des gens et permet l'éclosion d'une nouvelle philosophie, l'existentialisme moderne. 
« Tu vois, mon petit camarade », dit Aron à Sartre, ainsi qu'il l'appelait affectueusement depuis leurs études, « si tu es un phénoménologue, tu peux parler de ce cocktail et c'est de la philosophie! [S.B.] 
Il n'y a pas de voie toute tracée qui mène l'homme à son salut. Il lui faut sans cesse inventer son chemin. Mais, pour l'inventer, il est libre, responsable, sans excuse, tout son espoir est en lui. [J.-P. Sartre cité par S.B.]
Sarah Bakewell, à ma grande surprise, présente un roman que j'ai lu et apprécié, La Mezzanine de Nicolas Baker, comme un roman foncièrement phénoménologique. Et puis, en y repensant, en comprenant un petit peu mieux ce qu'est la phénoménologie, j'adhère à cette idée. La réflexion qui s'enclenche lorsque le protagoniste du roman casse son lacet alors qu'il le tirait dans le but de le nouer est une réflexion de type phénoménologique et cette réflexion s'étend sur l'ensemble du roman et de ses notes de bas de page.

Quelques pages plus loin, l'auteure, en faisant référence à une conférence que Heidegger fit en 1929 à la station alpine de Davos, mentionne qu'il s'agit là du décor du roman de Thomas Mann La Montagne magique, roman publié en 1924, que Heidegger avait lu et qui est en ce moment sur ma table de lecture...
Dans la tradition qu'ils [les stoïciens et les épicuriens] ont transmise, la philosophie n'est plus une poursuite purement intellectuelle ni une série d'astuces pratiques à bon compte, mais une discipline pour s'épanouir et accomplir une vie pleinement humaine, responsable.  [S.B.]
Que peut signifier dire que quelque chose est ? La plupart des philosophes avaient négligé la question ; l'un des rares à la poser fut Gottfried von Leibniz qui, en 1774, la présenta ainsi : « Pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien ? » [S.B.]
Sarah Bakewell va même jusqu'à citer une blague adaptée d'un texte d'Ernst Lubitsch : « Jean-Paul Sartre entre dans un café, et le garçon lui demande ce qu'il souhaite : « Un café avec du sucre, mais sans crème. » Le garçon s'éloigne, puis revient en s'excusant : « Désolé, monsieur Sartre, nous n'avons plus de crème. Que diriez-vous d'un café sans lait?»
En politique comme en toute chose, la bonne direction, pour Sartre, est toujours d'avancer, même si cette route vous oblige à des virages en épingle et que vous allez trop vite pour garder la pleine maîtrise des choses. [S.B.]
Les Anglais étaient habitués aux idées nées d'un monde « où l'on joue au cricket, où l'on fait des cakes, où les décisions sont simples, où l'on se souvient de son enfance, où l'on va au cirque », alors que les existentialistes venaient d'un monde dans lequel on commet de grands péchés, tombe amoureux ou adhère au Parti communiste. Au fil des années 1950, cependant, les jeunes Anglais s'aperçurent que le péché et la politique pouvaient être plus amusants que les gâteaux. [Iris Murdoch citée par S.B.]
Plusieurs pages sont consacrées à Simone de Beauvoir et cela est d'un grand intérêt. Et, en parlant de Simone de Beauvoir, l'auteure conclut :
Outre son travail dans le champ du féminisme et de la fiction, dans ses écrits philosophiques elle explora comment les deux forces de la contrainte et de la liberté jouent au fil de nos vies, alors que chacun de nous devient lentement soi-même. 
Pour se faire une idée de l'approche de Sarah Bakewell lorsqu'elle aborde l'existentialisme, on peut écouter une intéressante entrevue qu'elle a accordée dans le cadre de l'émission Les chemins de la philosophie sur France-Culture : https://buff.ly/2kn41PE

Pour ma part, bien que je dois avouer que, sur l'ensemble des chapitres, ceux consacrés à Husserl ou à Heidegger, m'ont paru plus difficiles d'approche, mes connaissances préalables étant à ce titre plus minces, je ne regrette d'aucune façon l'ensemble de cette lecture qui m'a ouvert sur d'autres univers, qui m'a permis de mieux situer ce mouvement et l'image qu'on pouvait s'en faire, qui m'a livré d'autres outils pour la réflexion et l'approche au monde.

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Bakewell
Sarah
Comment vivre ? : une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse 



lundi 5 juin 2017

Espèces d'espaces - Georges Perec


L'objet de ce livre n'est pas exactement le vide, ce serait plutôt ce qu'il y a autour, ou dedans. Mais enfin, au départ, il n'y a pas grand-chose : du rien, de l'impalpable, du pratiquement immatériel : de l'étendue, de l'extérieur, ce qui est à l'extérieur de nous, ce au milieu de quoi nous nous déplaçons, le milieu ambiant, l'espace alentour. [G.P.]
Que dire d'Espèces d'espaces? C'est l'oeuvre, dont la lecture m'avait été suggérée par ma petite soeur que je ne remercierai pas assez de m'avoir ouvert cette porte et de m'avoir ainsi donner la chance dans les années 1980 de rencontrer Perec (elle-même en avait pris connaissance par l'intermédiaire d'une cousine que je vois trop peu souvent). C'est l'oeuvre qui a construit un pont entre deux de mes passions, la littérature et les mathématiques. C'est une lecture géométrique, c'est une topologie littéraire. C'est une incursion dans le monde de la pensée, de l'imagination, des listes et d'une certaine poésie non feinte. C'est une vision pleine de vertiges portant sur l'univers.

Perec a sa façon bien à lui d'interroger les faits du quotidien, l'anodin, l'infraordinaire, le signifié derrière l'insignifiant. Il dira le lit, la chambre, l'appartement, l'intérieur et l'extérieur, il investira et questionnera l'espace après avoir abordé la ville et son organisation. Ce sont ses exercices de style, ses exercices spatiaux, ses exercices euclidiens et non-euclidiens. Et, par ce parcours du domaine dans lequel il se situe, c'est lui-même qu'il raconte, ce sont ses projets, ses idéaux, ses vies.

À ma première visite à Paris, j'ai voulu voir certains des lieux de Perec. notamment, la rue où il avait habité au moment de l'écriture du roman Les choses, la rue de Quatrefages dans le 5e arrondissement. Ayant oublié mon carnet de notes à l'hôtel, je croyais me souvenir que l'adresse était 4 rue de Quatrefages, j'ai donc pris des photos de la porte d'entrée en question. De retour à l'hôtel après une promenade au Jardin des plantes tout près, je constate que Perec avait habité le 5 rue de Quatrefages. J'ai donc plusieurs photos de ce que voyait Perec lorsqu'il sortait de chez lui. L'espace et la mémoire s'étaient joués de moi.
Comment penser le rien ? Comment penser le rien sans automatiquement mettre quelque chose autour de ce rien, ce qui en fait un trou, dans lequel on va s'empresser de mettre quelque chose, une pratique, une fonction, un destin, un regard, un besoin, un manque, un surplus...? [G.P.]
Si j'en avais le temps, j'aimerais concevoir et résoudre des problèmes analogues à celui des ponts de Königsberg, ou, par exemple, trouver un trajet qui, traversant Paris de part en part, n'emprunterait que des rues commençant par la lettre C.[G.P.]

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De Perec ou à propos de Perec, sur Rives et dérives, on trouve :

Burgelin

Claude

Album Georges Perec

20/04/2022

Decout

Maxime

Cahiers Georges Perec, no 13, La Disparition, 1969-2019 : un demi-siècle de lectures

11/06/2021

Évrard

Franck

Georges Perec ou la littérature au singulier pluriel 

06/01/2015

Perec

Georges

Cantatrix Sopranica L. et autres écrits scientifiques 

30/05/2010

Perec

Georges

Georges Perec

16/02/2010

Perec

Georges

L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation

15/03/2009

Perec

Georges

L’attentat de Sarajevo

05/09/2016

Perec

Georges

La vie mode d’emploi 

10/02/2016

Perec

Georges

Le Voyage d’hiver et ses suites

22/08/2019

Perec

Georges

Penser / classer 

30/05/2016

Perec

Georges

Tentative d’épuisement d’un lieu parisien

09/07/2018

Perec

Georges

Un cabinet d’amateur, Histoire d’un tableau

13/06/2020

Perec

Georges

Un homme qui dort

02/10/2016


jeudi 13 avril 2017

Guide des égarés - Jean d'Ormesson

Le titre de ce manuel de savoir-vivre à l'usage de ceux qui s'interrogent sur les mystères du monde, je l'ai emprunté à Maimonide, philosophe et médecin juif né à Cordoue, alors musulmane, au temps de Philippe Auguste, de saint François d'Assise, de l'empereur Frédéric II et de Saladin, il y a un peu moins de mille ans. [J.d'O.]
Voilà un ouvrage difficile à classifier. Il se déclare ne pas être un ouvrage de philosophie, mais un manuel présentant quelques concepts de la vie dans laquelle tous et chacun de nous sommes plongés, un manuel pour en dégager un sens ou non, un manuel pour les égarés que nous sommes.
Nous ignorons d'où nous venons, nous ignorons où nous allons. nous sommes tous des égarés. [J.d'O.] 
Il n'est pas impossible que le monde soit absurde, que tant de bien et tant de mal, tant de souffrances, tant de bonheurs, tant de beauté et d'amour tombent à jamais dans le néant et l'oubli et que la vie, qui nous est si chère, n'ait pas le moindre sens.  [J.d'O.]
J'ai pris en note plusieurs passages qui font sens, qui résonnent en moi, qui me disent ou me révèlent quelque chose. Mais, je demeure hésitant et circonspect devant l'ensemble que cela donne. Je ne peux dire que je regrette cette lecture, les quelques pages qu'elle comporte se sont lues rapidement et avec une certaine facilité, mais était-ce un ouvrage nécessaire? Était-ce une lecture nécessaire?
Les nombres - comme tout le reste - ne prennent un sens qu'avec les hommes, chez les hommes, grâce aux hommes.  [J.d'O.]
L'air est un des avatars les plus subtils de la matière. tellement subtil qu'il semble se complaire dans une espèce de modestie assez proche de l'absence. Nous ne le voyons pas. Sauf quand il se lève en tempête sur les injonctions d'un romantisme en transes et de Chateaubriand, nous ne l'entendons pas. [Un zeugme de J.d.O.]
Penser la pensée est la tâche, non pas d'une science exacte, mais d'un art difficile, flanqué d'un vocabulaire technique et de règles précises et vagues : la philosophie. [J.d'O.] 
Si Dieu existe, nous dit Woody Allen, j'espère qu'il a une bonne excuse.  [J.d'O.]
Un philosophe qui n'hésite pas à citer Allen vient chercher chez moi une certaine sympathie.
Vivre n'est rien d'autre que mourir dans un avenir plus ou mois proche et toujours imprévisible. [J.d'O.] 
Nous naissons et nous mourons. Entre la naissance et la mort, presque rien. nous prenons le métro, nous bâtissons des empires, nous essayons de survivre, nous écrivons La divine comédie, nous nous jetons dans la mer, dans les plaisirs et dans la vanité. Et nous faisons l'amour pour lutter contre la mort et la disparition. [J.d'O.]
Après un regard relativement noir sur notre passage dans la vie, d'Ormesson termine sur une note plus encourageante.
Il nous faut, vaille que vaille, courir après l'impossible et chérir l'utopie. [J.d'O.]  


jeudi 30 mars 2017

La démocratie des crédules - Gérald Bronner

Ce livre va évoquer les médias, les croyances, l'information, Internet... mais que l'on n'y voie pas une énième critique du système médiatique explorant avec une fascination indignée l'idée d'un complot contre la vérité pour servir une société de domination. [G.B.]
Cet ouvrage constitue une contribution essentielle à la réflexion sur la communication en société en cette ère de faits alternatifs, de fausses nouvelles et de dénonciations de complots de tous ordres. Le sociologue Gérald Bronner nous offre un cadre pour examiner certains de ces phénomènes, les décortiquer et les comprendre. La nécessité de cette analyse devient de plus en plus criante face au tumulte des réseaux sociaux et des vagues d'informations et de désinformations. Reconnaître les diverses formes de biais, voir les effets que ces biais peuvent avoir sur l'intelligence des faits, voilà des pistes que Bronner emprunte. La libéralisation du marché de l'information a produit diverses dérives, le développement de théories du complot, la surutilisation du principe de précaution, la suspicion face à la science via un relativisme parfois malsain. S'il existe un droit au doute, il comporte aussi une responsabilité et un devoir quant à la vérification des faits, quant à l'exigence logique et quant à la critique des méthodes. Il faut donner au citoyen les outils nécessaires pour se tracer un chemin au travers le brouhaha des informations et, selon l'auteur, il ne suffit pas pour cela d'améliorer le niveau de connaissance globale, il prône pour un enseignement répété de l'esprit critique et de la méthode scientifique.

Bien que l'ouvrage de Bronner puisse parfois soutenir un discours ayant des teintes pouvant s'approcher du scientisme, il demeure à mon avis un apport précieux et indispensable à la conversation démocratique en ce monde où l'information est omniprésente et peut constituer une arme.
On peut montrer que quelque chose existe, mais il est impossible de montrer définitivement que quelque chose n'existe pas. [G.B.]
[...] l'esprit humain est irrésistiblement attiré par les explications de type monocausal. Il faut une certaine gymnastique mentale pour concevoir qu'un effet puisse être produit par plusieurs causes simultanées. [G.B.]
La démocratie des crédules est traversée, comme toute démocratie, par un vieux dilemme politique : celui qui oppose opinion publique à intérêt général, mais lui donne un tour inédit. Plus que jamais, l'opinion publique croit savoir. [G.B.]
La vérité ne se décrète pas à l'applaudimètre. [G.B.]
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