Il s'avance vers moi, tend la main. Il dit : «Alors, comment vont les choses?» [R.-P. D.]Roger-Pol Droit, pour le projet de cet ouvrage, s'est astreint à un exercice particulier, celui de porter sur les choses ordinaires de son environnement un regard philosophique et métaphorique. Il s'insère dans cet univers des objets inanimés pour tenter de les approcher, les épier, tel un explorateur en constituant un journal de bord de ses observations. Du trombone à la théière en passant par le lave-linge autant que le répondeur, Roger-Pol Droit, à travers son expérimentation tous azimuts des réalités concrètes, dévoile un peu de lui-même en exposant, sans embarras, son rapport aux choses dont il donne des nouvelles. Il y a dans cette expédition quelque chose qui relève de l'infra-ordinaire comme l'appelait si bien Perec qui a ouvert la recherche et l'analyse de « ce qui se passe chaque jour et qui revient chaque jour, le banal, le quotidien, l'évident, le commun, l'ordinaire, l'infra-ordinaire, le bruit de fond, l'habituel... » [Georges Perec, L'infra-ordinaire, 1989]. Dernières nouvelles des choses s'apparente, dans l'esprit de la démarche comme dans le type d'interrogations ou le ton personnel de la posture, aux 101 expériences de philosophie quotidienne qui m'avait déjà séduit.
Dans un premier temps, l'auteur tente une classification des choses :
Je me pose sur le banc à la sortie du village, essayant de discipliner des hordes de choses innombrables et diverses qui s’agitent dans ma tête. Choses liquides, choses solides. Choses proches du corps, en contact avec la peau de manière durable (vêtements, sous-vêtements) ou temporaire (savons, serviettes-éponges, mouchoirs) et choses éloignées du corps. Choses tactiles et choses à regarder. Choses à faire marcher et choses inertes. Classements par taille, par poids, par couleur, par provenance, par matière, choses simples et choses composées, choses naturelles et artificielles, artisanales et industrielles, durables ou éphémères, lumineuses ou obscures, choses avec ou sans bouton, uniques ou non... Aucun classement ne tient. À peine évoqué, il se disloque. [R.-P. D.]
Je n'ai pas pu m'empêcher de me remémorer, à cet égard, une citation de Jorge Luis Borges rapportée, je crois, par Alberto Manguel : « Les animaux sont classés comme suit : (a) ceux qui appartiennent à l’Empereur; (b) ceux qui sont embaumés; (c) ceux qui sont dressés; (d) les cochons de lait; (e) les sirènes; (f) les animaux fabuleux; (g) les chiens errants; (h) les animaux inclus dans cette classification; (i) ceux qui tremblent comme s’ils étaient fous; (j) les animaux indénombrables; (k) ceux qu’on dessine avec un pinceau très fin en poil de chameau; (l) et cetera; (m) ceux qui viennent de casser le vase de fleurs; (n) ceux qui, vus de loin, ressemblent à des mouches. »
J'ai adoré ce voyage bien personnel que nous a offert Roger-Pol Droit et je me demande bien comment je pourrais entreprendre de répondre à sa requête de poursuivre l'expérience avec mes propres choses et les pensées qu'elles suscitent en moi.
[...] ni héroïque ni téméraire, mais fidèle et sérieux, le trombone est une figure de l’éthique. [R.-P. D.]
Les choses destinées à la musique forment une tribu à part. Leur relation au corps est tout à fait singulière. Elles lui dictent leur loi, en même temps, elles attendent tout de lui. La flûte exige une exacte position du tronc, des bras, des doigts, un placement précis des lèvres et du souffle. Quelques millimètres d'écart, tout change. [R.-P. D.]
Imaginez, pendant quelques secondes, qu’un virus encore inconcevable atteigne demain toutes les tables du monde et les fasse disparaître. [R.-P. D.]
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