Sous le fin croissant de lune, deux hautes tours jumelles découpaient leur silhouette encadrant le portail de la ville close. [J.-P. L.]J'ai adoré ce roman historique qui narre avec certaines largesses avec l'Histoire la Bibliothèque d'Alexandrie. On y raconte les personnages qui y ont travaillé, les conflits qu'elle a générés, les espoirs de savoir infini, les heurts religieux et une série d'anecdotes plus ou moins réelles. En effet, l'auteur avoue avoir provoqué des rencontres qui n'ont pas vraiment eu lieu, avoir accordé à certains acteurs des rôles qu'ils n'ont pas tenus mais qu'ils auraient très bien pu tenir, avoir imaginé des dialogues que personne n'a pu entendre. Faute avouée est à moitié pardonnée. Mais, est-ce vraiment une faute? L'auteur écrit, sans prétendre autre chose, un roman, un roman qui croise plus d'une fois l'Histoire, mais tout de même un roman.
Un blog qui, de Montréal à Bordeaux, tente de toucher toutes les rives et se permet toutes les dérives.
samedi 15 octobre 2016
Le bâton d'Euclide, le roman de la Bibliothèque d'Alexandrie - Jean-Pierre Luminet
[Archives Janvier 2003]
dimanche 9 octobre 2016
La fourmi assassine - Patrice Pluyette
Comme Gisèle Prunier n'avait pas disparu mais cherché à disparaître pour savoir comment Odile Chassevent avait disparu, on en sut un peu plus sur Odile qui avait été l'amie de Gisèle et devait se présenter pour dîner chez celle-ci à vingt heures avec un dessert le jour de sa disparition, laquelle perspective (le dîner, pas la disparition - à moins que Gisèle fut dans le coup mais nous essayerons de ne pas imaginer que si) enthousiasmait les deux jeunes femmes chaque premier week-end du mois quand Gisèle n'était pas de garde, Odile surtout cette fois-là, en témoigne son texto rédigé le jour même mais pas envoyé, enregistré à quinze heures dans le brouillon de son téléphone portable qu'un agent de la voirie retrouve le 4 du mois sans boîtier, juste la carte Sim pilonnée, incrustée dans les crampons d'une botte au fond d'une poubelle recouverte par les ronces sous le chemin vicinal dit rue du Pont Prolongé. [P.P.]Étrange roman, énigmatique écrit, un conte policier où l'auteur semble vouloir nous mettre à défi de recoller des morceaux épars, des pièces de puzzle en creux alors qu'on trouve des pièces présentant des excroissances, mais où sont les morceaux de coins et de bord, on ne voit en partance que des mots alignés alors qu'une idée se profile et s'insinue à travers la matière des courts chapitres, et puis on avance à tâtons, on découvre un fil, on sent un récit, il y a une histoire, peut-être plus qu'une, et puis on en sort un peu secoué par le style échevelé, par les énumérations signifiantes et porteuses, par une narration éclatée qu'on réussit à organiser au cours de la lecture. Expérience particulière que cette lecture, mais expérience agréable.
Avant de se lever, il avait laissé un blanc, et à partir du moment où il se mit debout il n'arrêta pas de circuler dans la pièce, de brasser l'air, de prendre des objets dans sa main, de dire des choses pour en savoir d'autres. [P.P.]
Feuillage, faille, fouille, fond, battue, bocage, marais, mare, marécage, étang, lac, patrouille, ratissage, quarante, gendarme, plongeur, périmètre, sécurité, zone, sonde, rayon, hélicoptère, champ, sous-bois, bois, contrescarpe, clairière, parc, arbre, lierre, pelouse, mousse, puits, trou, tour, contour, cour, arrière-cour, cabanon, comble, [...], cynophilie, cybernétique, cornue, cryogénie, ciguë : aucune trace d'Odile Chassevent nulle part - ongle, cheveu, salive, sueur, ADN, rien. [P.P]
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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :
Sur Rives et dérives, on trouve aussi :
Pluyette
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Patrice
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La Vallée
des Dix Mille Fumées
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dimanche 2 octobre 2016
Un homme qui dort - Georges Perec
[Archives Mars 1991]
Ici, il utilise la deuxième personne du singulier et bien que tu ne sois plus dans la situation du protagoniste penché sur l'écriture ardue d'une thèse, tu te sens interpellé dans tes souvenirs, dans tes expériences et tu vis toi aussi cette détresse déprimée.
Un homme qui dort pourrait être l'archétype du roman sombre, mais il ressort toutefois de l'oeuvre une conscience du monde, de l'espace et du temps qui est celle de Perec, unique et méthodique.
Georges Perec parle lui-même de son roman Un homme qui dort
(http://www.ina.fr/video/I08261871).
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Sur Rives et dérives, de Perec ou à propos de Perec, on trouve :
Dès que tu fermes les yeux, l'aventure du sommeil commence. [G.P.]Je m’aperçois que quoique Perec ait écrit des textes de natures et d'essences très diverses, on reconnaît en lui certaines constantes. Dans chaque livre, on retrouve Perec, on retrouve celui qui se confiait dans Je suis né.
Ici, il utilise la deuxième personne du singulier et bien que tu ne sois plus dans la situation du protagoniste penché sur l'écriture ardue d'une thèse, tu te sens interpellé dans tes souvenirs, dans tes expériences et tu vis toi aussi cette détresse déprimée.
Un homme qui dort pourrait être l'archétype du roman sombre, mais il ressort toutefois de l'oeuvre une conscience du monde, de l'espace et du temps qui est celle de Perec, unique et méthodique.
Tu lis, une à une, les cartes pâlies affichées à la devanture d'un graveur : Docteur Crubellier, stomatologiste, Diplômé de la faculté de médecine de Paris, sur rendez-vous seulement, Marcel-Émile Burnachs S.A.R.L. Tout pour les tapis, Monsieur et Madame Serge Valène, 11 rue Lagarde, 214 07 35; Réunion de l'Amicale des Anciens élèves du Collège Geoffroy Saint-Hilaire, Menu : Les Délices de la mer sur le lit des glaciers, le Bloc du Périgord aux perles noires, la Belle argentée du lac. [G. P.]L'édifice de La vie mode d'emploi se situe rue Simon-Crubellier; Valène en est un locataire. Et dans ce «romans», on retrouve un passage tout à fait similaire à celui-ci. C'est l'intertextualité qu'on aime de Perec.
Georges Perec parle lui-même de son roman Un homme qui dort
(http://www.ina.fr/video/I08261871).
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Sur Rives et dérives, de Perec ou à propos de Perec, on trouve :
Burgelin | Claude | Album Georges Perec |
Decout | Maxime | Cahiers Georges Perec, no 13, La Disparition, 1969-2019 : un demi-siècle de lectures |
Évrard | Franck | Georges Perec ou la littérature au singulier pluriel |
Perec | Georges | Cantatrix Sopranica L. et autres écrits scientifiques | |
Perec | Georges | Espèces d’espaces |
Perec | Georges | Georges Perec |
Perec | Georges | L’attentat de Sarajevo | |
Perec | Georges | La vie mode d’emploi |
Perec | Georges | Le Voyage d’hiver et ses suites |
Perec | Georges | Penser / classer |
Perec | Georges | Tentative d’épuisement d’un lieu parisien |
Perec | Georges | Un cabinet d’amateur, Histoire d’un tableau |
samedi 24 septembre 2016
L'année la plus longue - Daniel Grenier
C'était une silhouette. On l'apercevait de dos. Il s'est assis sur une pierre en retrait de la route pour enlever un caillou de sa botte gauche. [D. G.]
Épopée, conte, saga, récit américain, est-on devant une certaine histoire de l'Amérique? Ou, est-ce que ce serait des histoires dans l'Amérique? Comment décrire sans la réduire cette oeuvre particulière dans le panorama littéraire québécois? Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il s'agit là d'un roman historique selon les codes généralement admis. À mon avis, c'est surtout un roman où l'imaginaire croise l'histoire à plus d'un moment. Thomas, comme son aïeul Aimé, est né un 29 février. Cela fait de lui un leaper, un membre de l'ordre des twentyniners. Mais a-t-il comme son ancêtre la particularité de ne vieillir que tous les quatre ans?
Les aventures d'Aimé au travers trois siècles de développement de l'Amérique du Nord, entre le Canada et les États-Unis, nous feront visiter ou revisiter des événements historiques comme des moments intimes de la longue vie de celui qu'on accompagne ou qu'on suit à travers les recherches d'Albert, le père de Thomas. Ce sera, notamment, des batailles appartenant à la Guerre de Sécession, des faits de la conquête britannique du Canada, des instants du déplacement des Amérindiens, un trafic d'armes en faveur des patriotes, un trafic d'alcool lors de la Prohibition, c'est aussi un certain Québec d'hier et d'aujourd'hui, de Montréal à Sainte-Anne-des-Monts.
[...] est-ce possible d'avoir été conscient de toutes ces choses, d'avoir été témoin de toutes ces vies, et de ne pas avoir eu de rôle à jouer dans leur avènement? [D. G.]
Afin de retracer son histoire et de lui conférer un minimum de linéarité, il faudra parfois privilégier une piste au détriment d'une autre, en gardant en tête la possibilité que des erreurs factuelles se soient glissées ici et là. L'honnêteté intellectuelle et le respect des sources nous obligent à ne jamais perdre de vue l'éventuelle incompatibilité entre l'horizon d'attente du conteur et la rigueur de sa démarche. [D.G.]J'ai lu L'année la plus longue après avoir récemment terminé Elles ont fait l'Amérique de Serge Bouchard et de Marie-Christine Lévesque. Ce sont deux écrits distincts qui nous font prendre conscience de façon évidente de toute l'américanité du Québec.
L'année dernière il avait vu la comète, fidèle au rendez-vous, il y pensait beaucoup depuis, à elle et à lui, à leurs points communs. [D. G.]_________________________
De Daniel Grenier, j'avais lu et commenté :
Grenier
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Daniel
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La solitude de l’écrivain de fond, Notes sur Wright
Morris et l’art de la fiction
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Grenier
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Daniel
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Malgré tout on rit à Saint-Henri
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mardi 20 septembre 2016
Trois fois dès l'aube - Alessandro Baricco
UNE
C'était un hôtel, d'un charme un peu suranné qui avait su probablement, par le passé, tenir certaines promesses de luxe et de raffinement. [A.B.]
DEUX
C'était une toute jeune fille, et ces vêtements de femme lui donnaient un air encore plus jeune. [A.B.]
TROIS
Le gamin s'était allongé sur le lit sans retirer ses chaussures, et depuis un moment il se retournait sur les couvertures, s'endormant de temps en temps, mais sans céder à un vrai sommeil. [A.B.]Trois histoires, trois nouvelles, trois rencontres, trois atmosphères, mais toutes trois à ce moment de la nuit où quelques lueurs se laissent entrevoir, voilà à quoi nous convie Alessandro Baricco. Et, dès les premiers mots, dès les premiers dialogues, dans chacune des situations, je me suis senti envouté car il m'a semblé être le témoin d'un instant particulier dans la vie et l'étrange destin de ces hommes et de ces femmes que nous dépeint Baricco. La grisaille de l'aurore dans laquelle Baricco plonge ses descriptions laisse sans réponse plusieurs des questions que ces lectures pourraient susciter. Mais ces interrogations méritaient-elles qu'on lève le voile? N'est-ce pas rassurant de demeurer dans ce moment où il ne fait point jour et où ce n'est plus tout à fait la nuit?
On sort de cette lecture comme d'un doux rêve au matin.
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