lundi 9 juillet 2018

Tentative d'épuisement d'un lieu parisien - Georges Perec

Il y a beaucoup de choses place Saint-Sulpice, par exemple: une mairie, un hôtel des finances, un commissariat de police, trois cafés dont un fait tabac, un cinéma, une église [...] [G.P.]
Perec aimait les listes, il était passé maître dans ce type de description. Il faut lire (et relire) La vie mode d'emploi et on ne peut qu’en être convaincu. Cette Tentative d'épuisement d'un lieu parisien était l'un de ses projets d'écriture lié à la revue de « critique radicale » Cause commune. Perec participa de 1972 à 1974 à cette aventure qui visait « une anthropologie de l'homme contemporain » et qui se vouait à « une investigation de la vie quotidienne à tous ses niveaux ». C'est dans cette recherche de l'ordinaire et même de l’infra-ordinaire qu'il se plie à cet exercice d'écriture en s'installant à un café de la Place Saint-Sulpice pendant trois jours pour y décrire « ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages ». Le résultat est particulier et appartient à une catégorie d’ouvrages de Perec où la liste est traitée pour elle-même. Telles les 81 fiches-cuisine à l'usage des débutants ou la Tentative d'inventaire des aliments liquides et solides que j'ai ingurgités au cours de l'année mil neuf cent soixante-quatorze, ces listes constituent des exercices qui nourriront par la suite d’autres ouvrages qui s’en inspireront et les sublimeront. Je pense à Un cabinet d’amateurLa boutique obscure ou encore et toujours La vie mode d’emploi.
La date : 19 octobre 1974 (samedi) 
L'heure : 10 h 45 
Le lieu : Tabac Saint-Sulpice 
Le temps : Pluie fine, genre bruine [G.P.]
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mardi 3 juillet 2018

Madame Pylinska et le secret de Chopin - Éric-Emmanuel Schmitt

Dans la maison de mon enfance vivait un intrus. [É.-E.S.]
Éric-Emmanuel Schmitt a manifestement un don pour raconter des histoires où la tendresse, la sentimentalité, le goût du bonheur et les bons sentiments prennent place. Il frôle parfois les frontières du facile, du kitsch et du lieu commun, mais je ne sais comment il fait, on ne s'en offusque pas ou peu, on se laisse mener et ses mots nous amènent où il le veut. Ici, c'est du côté de la musique. Il nous avait déjà charmés en abordant Mozart ou Beethoven. Ce sera maintenant Chopin. Enfin, Chopin deviendra le prétexte pour narrer sa relation avec madame Pylinska, son originale professeure de piano qui n'hésite pas à utiliser des moyens hors norme pour que le jeune Éric-Emmanuel prenne conscience de tout ce que porte la musique, de tout ce qui est au-delà de la technique, de l'univers qui s'étale derrière et au-dessus des notes, du secret de Chopin.
Je vous apprends à devenir un artiste, pas un Narcisse. Dirigez la lumière sur la musique, non sur vous. Oh! ces virtuoses qui s'intercalent entre le morceau et le public, je les dézinguerais à la carabine. [É.-E.S.]

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Sur Rives et dérives, on trouve également :

Schmitt
Éric-Emmanuel
L’élixir d’amour 
Schmitt
Éric-Emmanuel
Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus 

mercredi 16 mai 2018

1144 livres - Jean Berthier

Je suis né le jour de ma naissance. [J.B.]
Abandonné par sa mère dès sa naissance, le narrateur n'aura jamais cherché à la connaître. Adopté par un couple aimant, il aura fait sa vie dans les livres comme bibliothécaire. Et puis..., sa mère biologique renaît anonymement par le legs d'un ensemble de boîtes ne contenant ni plus ni moins que 1144 livres. Quel est ce message? Est-ce un message? Est-ce une façon qui permettra au narrateur de connaître une partie de son passé ou celui de sa mère?
Ma mère, comme dans un conte cruel pour enfants, s'était transformée en livres. Plus rien ne subsistait d'elle que ces innombrables pages serrées les unes contre les autres. C'était son faire-part de décès. [J.B.]
Hommage au livre et à la lecture, c'est, en même temps, un regard intime sur la relation qu'entretient le narrateur avec une bibliothèque qui n'est pas la sienne, avec un ensemble de livres où il cherche un fil, un lien, une piste qui expliquerait quelque chose de sa filiation inconnue.
Hélas! Je n'étais plus le lecteur d'un roman auquel j'étais prêt à souscrire; j'étais le protagoniste d'une histoire à laquelle je ne voulais pas croire. [J.B.]
... ce monde où, par extraordinaire, j'étais tous les personnages et celui qui les regardait vivre. [J.B.] 
On fait des livres le sanctuaire de la mémoire; mais ils sont tout autant le puits sans fond de l'oubli. [J.B.] 
Arpenter la bibliothèque d'un autre, c'est traverser un pays dont on connaît la langue mais dont l'étrangeté grandit à mesure qu'on y pénètre.  [J.B.]
Aussi fait-il imaginer le lecteur comme l'homme paradoxal par excellence qui ne peut combler sa curiosité de la vie qu'en s'en détournant. [J.B.]
C'est à une belle réflexion sur la lecture que nous convie Jean Berthier dans ce premier roman. Par ma propre lecture de ce court roman, j'ai pris part à cette réflexion et j'en sors heureux.
J'ouvris un livre et j'embarquai. [J.B.]

lundi 30 avril 2018

Histoire des sciences - Yves Gingras

L'histoire s'écrit toujours au présent, et l'histoire des sciences ne fait pas exception. [Y.G.]
Yves Gingras nous offre ici un court ouvrage (c'est la contrainte de la collection Que sais-je?), une synthèse où il tente de dégager les moments marquants de l'évolution de la science, moments tirés de trois grandes périodes où il présentera, pour chacune, les grandes théories ainsi que le cadre géographique, démographique et institutionnel dans lequel se sont développées ces recherches.

La première période est celle des sciences anciennes caractérisées par la tradition scientifique grecque (Aristote, Euclide, Archimède,  Galien, ...) et dont le cadre conceptuel s'est maintenu tout au long du Moyen Âge et même au-delà. Cette période va de 500 av. J.-C. à 1600 apr. J.-C.

La deuxième période, de 1500 à 1800 s'intitule Le renouvellement des sciences et couvre à la fois la Renaissance et la révolution scientifique. C'est le développement des sciences modernes qui devient le thème de ce chapitre et l'arrivée des instruments scientifiques n'est pas étrangère à ce développement.

Enfin, Gingras aborde une troisième période débutant en 1800. C'est une période de quantification, de mathématisation, d'éclatement des spécialités, d'une organisation plus systématique d'encadrement de la recherche, mais aussi d'applications industrielles de la science.

Évidemment, sur moins de 130 pages, nous ne sommes pas ici devant une oeuvre qui se voudrait encyclopédique, c'est plutôt un tableau général de l'histoire des sciences dont les moments forts et les tendances à mettre en évidence sont choisis par un historien hors pair dont l'oeil critique est apprécié.

Yves Gingras se permet, à son habitude dans ce type d'ouvrage, de mettre la table en se situant à l'intérieur d'une histoire de l'histoire des sciences et ce chapitre Histoire et usages de l'histoire des sciences en ouverture du livre est loin d'être le moins intéressant.

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Sur Rives et dérives, j'ai aussi commenté :

Gingras
Yves
L’impossible dialogue, Sciences et religions 
Gingras
Yves
Les dérives de l’évaluation de la recherche 
Gingras
Yves
Sociologie des sciences 

dimanche 29 avril 2018

Oncle Petros et la conjecture de Goldbach - Apostolos Doxiadis

[Archives - Mai 2001]
Toute famille possède sa brebis galeuse. [AD.]
Voilà un roman où se profile l'aventure d'un mathématicien dans sa recherche éperdue de la démonstration d'une conjecture, celle de Goldbach qui affirme que «tout nombre entier pair supérieur à 3 peut s'écrire comme la somme de deux nombres premiers». Derrière ce simple énoncé, qu'on peut facilement vérifier pour de petits nombres, se profile l'un des plus vieux problèmes non résolus de la théorie des nombres. 

Voilà un roman sur l'aventure du neveu du premier qui tente de comprendre la démarche de cet oncle un peu fou. C'est également un roman où se mêlent allègrement fiction et réalité, humour et satire, théorie des nombres, quête et enquête, curiosité et obsession, énigme et émerveillement, un roman où Hardy, Littlewood, Ramanujan et Gödel croisent l'oncle Petros dans son parcours à l'intérieur de l'univers mathématique. Bien écrit, il s'agit là d'un livre pour celles et ceux que la recherche mathématique intrigue, un roman pour appréhender cet état d'esprit un peu particulier qui motive celui ou celle qui s'adonne à la recherche mathématique.


Datant de 1742, la conjecture de Goldbach reste encore aujourd'hui à démontrer.


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Du même auteur, sur Rives et dérives, on trouve :

Doxiadis
Apostolos
Logicomix