mercredi 8 mai 2019

La petite fille en haut de l'escalier - François Gravel

J'ai deux ans, pas plus. [F.G.]
François Gravel met ici sa plume dotée d'une écriture simple et son don pour nous raconter des histoires pour emprunter un nouveau registre en nous narrant des éléments de souvenirs. En fait, il s'agit du récit de sa mère qui, née en 1916, a été élevée dans un presbytère par un oncle curé avec les contraintes que cela peut supposer et la cuirasse qu'elle s'est alors construite.  Cuirasse qui se traduira dans son insensibilité aux émotions des autres et, par là, dans une incompétence certaine au rôle de mère qu'elle a pourtant eu à tenir pour six enfants issus d'un triste mariage. François Gravel raconte sa mère par divers épisodes et anecdotes et il porte un regard critique sur sa relation avec elle peut-être pour se délester d'un questionnement et d'un état d'âme qui bouleversent. Peut-il pardonner à sa mère de l'avoir peu aimé?

Mais, entendons-nous, bien qu'intéressant et de lecture aisée, ce n'est pas le meilleur opus de François Gravel.

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lundi 29 avril 2019

101 expériences de philosophie quotidienne - Roger-Pol Droit

Ce livre est un divertissement. Cela signifie qu'il essaie d'indiquer l'essentiel de manière légère. [...] Le futile donne à penser, le dérisoire conduit au sérieux, la profondeur part du superficiel. Pas toujours, pas nécessairement, cela va de soi. [R.-P.D.]
Ce livre se trouvait sur une tablette dans la salle de bain d'un logement que j'ai occupé pendant un court laps de temps à Bordeaux. Je n'ai pas pu m'empêcher d'y jeter un oeil et cela plusieurs fois à tel point que je n'ai pas pu quitter La belle endormie sans faire un détour par la librairie Mollat pour m'en procurer un exemplaire bien à moi.  Voici une lecture réjouissante, intelligente, une fenêtre permettant d'aérer l'esprit, un manuel fait de petits moments à savourer sur une longue période de temps, à laisser infuser à l'intérieur de nos propres rêveries quotidiennes, à accepter comme des expériences de pensées, à s'amuser de l'imagination qui a pu les créer et les mettre sur papier. Oui, ce livre est un divertissement, mais qui a dit qu'un divertissement ne pouvait sous-tendre des réflexions sur la vie ou sur le monde, ne pouvait étayer un certain regard philosophique sur tout ce qui nous entoure? À lire sans modération!

Quelques-unes des expériences parmi les 101:

  • Compter jusqu'à mille
  • Courir dans un cimetière
  • Suivre les mouvements des fourmis
  • Manifester seul
  • Considérer l'humanité comme une erreur
  • Immobiliser l'éphémère
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dimanche 21 avril 2019

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants - Mathias Énard

La nuit ne communique pas avec le jour. [M.É.]
S'insérer dans ce poème historique, c'est accepter de s'engager dans un flux de mots, dans une série de vagues sur le Bosphore qu'on voudrait ne pas se terminer, dans une profusion d'images tirées du début du XVIe siècle et d'un contact particulier que Michel-Ange entretint avec la Sublime Porte. Mathias Énard, dont j'avais apprécié la verve et la plume dans Boussole, ne me déçoit pas ici, tout au contraire. J'ai totalement adhéré à cette narration d'une incursion de l'auteur du David en territoire byzantin pour y concevoir un pont sur la Corne D'Or et ainsi répondre à une invitation du sultan de Constantinople, le Grand Turc. Cet épisode historique a-t-il réellement pris cette tournure ou celle-ci n'est-elle pas issue de l'imagination de l'auteur imprégnée de l'atmosphère des Contes des Mille et Une Nuits? La véracité de l'événement importe peu quand on lit les promenades quotidiennes de Michel-Ange avec le secrétaire poète Mesihi de Pristina, quand on sent les carnets dans lesquels Michel-Ange trace des chevaux, des hommes, des éléphants ou la courbe d'une dague, quand on vit avec Michel-Ange l'étrangeté curieuse des sentiments en lieux inconnus. C'est l'atmosphère, c'est le recouvrement de l'éther, c'est le fluide subtil qui se dégage de ce roman qui, par-dessus tout, m'a séduit.

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dimanche 14 avril 2019

En toute reconnaissance, Carnet de citations plutôt littéraires - Gilles Archambault

Il m'est arrivé de placer un exergue au début d'un chapitre, d'une nouvelle, voire d'un roman. [G.A.]
Je connais bien quelqu'un qui a cette habitude de collecter sinon de collectionner des citations. Dans un temps, ce n'était que les premières (et parfois dernières) phrases d'un roman, d'une nouvelle. Et puis, pour souvenir, ce fut quelques phrases bien tournées, quelques phrases qui réveillaient chez le lecteur qu'il était et qu'il est encore un sentiment de bonheur, la vue d'une lumière éclairant le ciel, une parcelle d'espoir, un rayon de chant d'oiseaux, une couleur subtile, une caractéristique qui donne à penser, un élément avec lequel une certaine concordance d'ondes génère une sympathie qu'on ne peut réfuter, et puis, parfois, un sentiment d'envie d'avoir voulu être l'auteur de l'extrait. D'autres fois, c'est une phrase, une formule, qu'on considère, au moment précis où on la met en évidence, comme distinctive de l'auteur ou du texte dont on l'a tiré.
Charles Dantzig a raison d'indiquer dans son Dictionnaire égoïste de la littérature française, à l'article «Citation», qu'une phrase extraite d'un roman ou d'un essai n'apporte en rien une véritable connaissance d'une oeuvre. À peine une indication, une invite, un rappel. [G.A.]
... je serais porté à croire que la citation en dit davantage sur le lecteur que sur l'écrivain.  [G.A.]
N'est-ce pas le lecteur qui a choisi d'extraire cette citation parmi toutes les phrases énoncées par l'auteur? Je serais bien en mal de penser pouvoir, tel Archambault, créer un carnet publiable des citations que j'ai collectées. Il a, pour sa part, un passé de lecteur d'une richesse telle que ce regroupement, ce répertoire de fragments de lectures devient un peu une histoire du lecteur qu'il a été et qu'il est encore et sa publication nous ouvre une fenêtre sur cette intimité qu'il a pu entretenir avec des idées, avec des auteurs, avec des livres.

Borges n'a-t-il pas écrit : Que d'autres se flattent des livres qu'ils ont écrits, moi, je suis fier de ceux que j'ai lus.
Un écrivain qui ne sait pas lire est la plupart du temps un voyageur qui ignore sa destination. Et qui ne sait pas que des devanciers ont dessiné depuis longtemps les routes qu’il emprunte en toute candeur. [G.A.]
Quant à l’enseignement que fournirait l’accumulation des années, je n’y vois qu’un leurre, assez semblable aux balivernes des religions. [G.A.]
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