mardi 24 décembre 2013

Théorème vivant - Cédric Villani

Un dimanche à 13 heures ; le laboratoire serait désert, s'il n'y avait deux mathématiciens affairés. [C.V.]
Cédric Villani est un mathématicien français de haut niveau, récipiendaire de la Médaille Fields, l'une des plus hautes distinctions en mathématiques avec le Prix Abel, l'équivalent pour les mathématiciens d'un prix Nobel. Il aurait pu se réfugier dans la communauté mathématique et limiter au minimum ses interventions avec la société séculière, mais, conscient de l'impact qu'il peut avoir, il n'a jamais hésité à faire connaître ses opinions sur l'enseignement des maths, sur leur vulgarisation ou sur leur place dans l'univers des sciences comme dans notre quotidien.
Mais, ici, en nous livrant ce Théorème vivant, il n'a pas voulu s'engager sur le terrain de la vulgarisation, il nous offre plutôt une oeuvre impressionniste où il cherche à nous faire sentir ce que peut représenter la recherche de ce niveau en mathématiques. On l'accompagne ainsi dans les démarches, les avancées, les hésitations, les doutes, les illuminations, les éclairs et les échanges quasi quotidiens avec son collaborateur pour l'établissement d'un théorème sur l'amortissement Landau dans l'équation de Boltzman (ou quelque chose du genre). Bien qu'on aura droit aux éléments de sa preuve et à des extraits de la démontration qui fera l'objet d'une publication importante, le contenu mathématique n'est ici que pour illustrer ce sur quoi travaille le chercheur, l'objet de sa passion.
On accompagnera l'auteur dans ses virées internationales, dans ses rencontres mathématiciennes, dans quelques moments familiaux, dans ses réflexions entourant une offre pour la direction de l'Institut Henri-Poincaré (qu'il acceptera).
Il nous montrera comment en recherche mathématique, il importe d'établir des liens entre des objets apparemment sans relation et que souvent c'est de ces liens que naissent de nouvelles approches, de nouvelles idées, de nouvelles théories.

En mathématique, c'est comme dans un roman policier ou un épisode de Columbo : le raisonnement par lequel le détective confond l'assasin est au moins aussi important que la solution du mystère elle-même. [p.45]

Les liens entre mathématiques et poésie sont très importants. Dans les deux cas, l'importance accordée à la forme est capitale. Le poète délivre un vers et le mathématicien une formule. Ils font le même travail de recréer le monde, au sens étymologique de "poiein". Le mathématicien travaille sur le reflet d'un système physique, et à travers une équation ou deux, il recrée les caractéristiques de ce système. [Extrait d'une entrevue sur vousnousils.fr, juin 2013]


dimanche 22 décembre 2013

La Liste de mes envies - Grégoire Delacourt

On se ment toujours. [G.D.]
On comprend après quelques courts chapitres comment ce livre est devenu un succès. On comprend que l'auteur vient tirer des ficelles qui émeuvent, que l'un et l'autre se projettent dans les personnages simples qu'il met en scène, qu'il démontre un attachement hors du commun pour ces êtres dont il dépeint une tranche de vie.
Oui, j'ai aimé me plonger dans cette histoire simple où Jocelyne Guerbette, mercière, se satisfait de sa vie entre les bobines de fils et son blogue de tricot, entre les six minutes de mémoire de son père et les désirs de ses jumelles voisines, jusqu'au jour où...
Certains y verront l'étalage d'une morale à deux sous, d'autres l'occasion d'un moment d'introspection, j'y ai surtout vu une lecture agréable.

dimanche 17 novembre 2013

Philémon, Le train où vont les choses... - Fred



Je sens le frais du fond de l'air au fond. (F.)
Avant de nous quitter, Fred nous a livré cette dernière rêverie de Philémon, cette dernière excursion dans l'imaginaire éclaté d'un bédéiste qui aura marqué l'histoire de la littérature du neuvième art. Le train où vont les choses, c'est la lokoapattes, cette machine qui se nourrit d'imagination (tiens, donc...). Mais, la lokoapattes est en panne, elle n'a plus accès à la vapeur d'imaginaire qui la fait avancer vers son destin. Philémon saura l'alimenter et c'est en bouclant sur sa propre aventure que la poésie émerge de cet ultime tome d'un voyage onirique qu'on veut sans fin.


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Fred
Philémon


dimanche 1 septembre 2013

Petits meurtres entre mathématiciens - Tefcros Michaelides

Ou comment deux amis débattent de maths et d'amour dans le Paris de la Belle Époque.
Je fus réveillé par des coups insistants sur la porte d'entrée. [T.M.]
Si le prétexte policier se situe en 1929 à Athènes, l'essentiel de ce roman débute en 1900 à Paris où se tenait un congrès qui aura changé la suite des choses dans le développement des mathématiques. En effet, c'est à ce deuxième congrès international des mathématiques que Hilbert, mathématicien allemand de Göttingen, énonce une série de vingt-trois problèmes qui, selon lui, devraient faire l'objet des travaux des mathématiciens dans les années à venir afin de rendre les mathématiques plus cohérentes.
« Qui d'entre nous ne serait pas heureux de soulever le voile qui masque le futur, pour jeter un regard sur les progrès imminents de notre science et sur les secrets de son développement pendant les siècles futurs ! »
C'est lors de ce congrès que les deux principaux intervenants de ce roman, Michaël Igerinos et Stefanos Kantartzis, se rencontrent et que débute une amitié qui durera trente années. Les premiers moments de cette relation se jouent sur une toile de fond parisienne et artistique. En effet, nos jeunes mathématiciens côtoient la faune bohème de la butte Montmartre. Ils y croiseront Pablo Picasso, Toulouse-Lautrec, Max Jacob.
Les nombreuses discussions entre les mathématiciens et les artistes seront autant d'occasions pour introduire des éléments d'histoire des mathématiques. Si la trame policière est relativement faible, la richesse des évocations historiques vaut le détour. Petits meurtres entre mathématiciens occupe une bonne place dans ma bibliothèque de fictions mathématiques.
  « J'ai des souvenirs heureux d'un temps infini passé seul dans ma chambre à donner libre cours à mes talents artistiques douteux et à exécuter (à la fois de façon littérale et métaphorique) des morceaux de grands compositeurs allemands. »

mardi 25 juin 2013

J'écris comme je vis, entretien avec Bernard Magnier - Dany Laferrière

Dany Laferrière: Je suis du pays de mes lecteurs. Quand un Japonais me lit, je deviens un écrivain japonais.
Une incursion dans l'univers de Laferrière. Un regard qui se pose à l'intérieur même de l'oeuvre, un regard qui est celui que Laferrière porte lui-même sur ses écrits. Une lecture comme celle-ci impose et détermine une nouvelle approche que je devrais avoir de mes prochaines incursions dans la sphère de cet écrivain japonais


L'entretien abordera, il va sans dire, des éléments biographiques, les premières lectures, les auteurs influents, les processus d'écriture mais aussi des thèmes moins convenus tels la dictature, la francophonie, l'esclavage, le féminisme, parmi d'autres. 

Toutefois, ce que je retiens le plus de cette lecture c'est le projet qui s'intitule Une autobiographie américaine.

Cette longue autobiographie en dix volumes, si on la passait en revue livre par livre, non pas dans l’ordre de publication, mais dans l’ordre narratif. 
C’est un seul livre qui commence par cette simple phrase: «J’ai passé mon enfance à Petit-Goâve, à quelques kilomètres de Port-au-Prince» pour se terminer par «Le pays réel, monsieur, je n’ai pas besoin de le rêver». entre ces deux phrases, il y a près de trois mille pages dactylographiées avec un seul doigt. 
C'est ce projet, plus que tout autre, qui m'incite à me plonger à nouveau dans la réalité américaine de Laferrière.

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Laferrière
Dany
Journal d’un écrivain en pyjama 
Laferrière
Dany
L’Art presque perdu de ne rien faire 
Laferrière
Dany
L’énigme du retour