lundi 14 mars 2011

La carte et le territoire - Michel Houellebecq

Jeff Koons venait de se lever de son siège, les bras lancés en avant dans un élan d'enthousiasme. [M.H]
Je ne suis pas un habitué de Michel Houellebecq. En fait, tout ce que j'avais lu de lui réside en un essai sur Lovecraft (H.P. Lovecraft, contre le monde, contre la vie) . Je m'étais imaginé que le premier était aussi sombre que celui à propos duquel il avait écrit. Ajoutant à cela, la controverse que Houellebecq provoque autour de sa personne, sans savoir exactement de quelle nature était cette controverse, j'abordais La carte et le territoire avec une certaine appréhension. Et pourtant, j'aurai cheminé à l'intérieur de ce livre avec une joie de lecteur non dissimulée. Beaucoup plus facile d'approche que je ne l'aurais cru, est-ce particulier à cette oeuvre?

Si Jeff Koons apparaît dès les premiers paragraphes, ce n'est que pour provoquer une certaine ambiguité. En effet, même si l'art moderne et les créateurs cotés sont, en partie, des protagonistes de ce roman, le Koons des premières pages ne survient que dans la description d'une oeuvre de Jed Martin, artiste de plusieurs supports qui passera de la photo de carte Michelin à la représentation picturale des petits et grands métiers. On aura droit à « Damien Hirst et Jeff Koons se partageant le marché de l'art » ou « Bill Gates et Steve Jobs s'entretenant du futur de l'informatique », « Ferdinand Desroches, boucher chevalin » ou « Claude Vorilhon, gérant de bar-tabac » (Tiens, je ne savais pas que Raël gérait un bar-tabac).

En premier lieu, ce sera l'histoire de la montée médiatique de Martin, une envolée dans le monde de l'art moderne, de l'art qui vend, de l'art-placement. Mais, en deça de cette ascension, Jed Martin demeure un artisan qui doute, un artiste honnête qui cherche à exprimer une réalité, qui dresse la carte d'un territoire. L'escalade de son oeuvre se réalise presqu'à son insu, en dehors de lui, dans un autre univers, un univers où Houellebecq cabotine en livrant des portraits inventés du jetset français. Il se place lui-même sur le chemin de Martin.

Le deuxième volet tournera autour d'une enquète où l'art et l'argent s'entremêlent.

Et au travers de cette histoire à l'architecture surprenante et non absent d'humour, Houellebecq nous amène sur des terrains autres : le rapport de l'être à la société, le rapport au père, le travail, l'évolution d'un état...

J'ai aimé et me promets d'autres incursions dans l'oeuvre de Houellebecq.

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Houellebecq
Michel
Les particules élémentaires 
Houellebecq
Michel
Sérotonine

jeudi 24 février 2011

Deux (ou trois) clips curieux

Dans une première série, on voit un groupe français Hold your horses interpréter 70 Million. La magie réside dans la réinterprétation ludique de quelques oeuvres célèbres du domaine de l'art pictural. Le groupe, le réalisateur et l'équipe technique ont réussi un beau clin d'oeil avec les quatre jours de tournage et les quelque 3 000 euros pour cette production.

Voici donc le résultat :


70 Million de Hold Your Horses !


Et le même clip commenté ici par le réalisateur David Freymond :


Chroniclip #4 -"70 million"(Hold your horses)-David Freymond




Dans un autre ordre d'idée, voici un autre clip. Cette fois-ci, il s'agit du groupe OK Go qui interprète This too shall pass.  Ici, c'est l'invention qui est en première ligne. Dignes amateurs des machines de Rube Goldberg (des machines inutiles donc indispensables qui sacralisent la réaction en chaîne), les 20 ingénieurs de ce vidéo auraient mis six semaines pour construire celle-ci.


"This too shall pass" de Ok go (Musique)





samedi 5 février 2011

Pourquoi je n'ai écrit aucun de mes livres - Marcel Bénabou

[Archives, novembre 1991]

C'est une relecture de ce petit livre en lequel je m'étais reconnu. Un livre sur l'impossibilité, l'incapacité ou le spasme d'écrire. Lorsque j'ai décidé l'an dernier de débuter cette petite chronique de mes lectures, n'était-ce pas un peu chercher par les livres des autres à me livrer à l'écriture? N'était-ce pas l'alibi pour remplir quelques petits cahiers de ma plume? Ce n'est pas de la littérature? J'en connais qui ont des fragments littéraires une idée assez généreuse. Je ponds un fragment par lecture et ce micro-texte, cette micro-critique subit par le fait l'influence de l'auteur en question. À chaque fois, il s'agit d'une nouvelle situation, d'un autre état d'âme, d'un nouveau rapport avec le livre que je ferme. Mais, à chaque fois aussi, c'est un premier jet dont la structure demeure évidemment simple. Je n'ai, par exemple, pas tenter d'écrire sous contrainte lorsqu'il s'agissait d'oulipien reconnu, comme c'est ici le cas.


Les premières lignes d'un livre sont les plus importantes. On ne saurait trop les soigner. Critiques et lecteurs professionnels avouent sans honte qu'ils jugent un ouvrage sur ses trois premières phrases. Si elles leur déplaisent, ils arrêtent là leur lecture et entament avec soulagement le livre suivant.
C'est ce cap dangereux que vous venez à l'instant de franchir, lecteur . [M.Benabou, p.11]
Ainsi, il est une règle non écrite qui veut que les écrivains, et à plus forte raison les non-écrivains, ne publient pas leurs non-oeuvres. [M.Benabou, p.13]
 Au commencement, une phrase très courte. Une demi-douzaine de mots seulement; des mots simples, les premiers venus, ou presque. [M.Benabou, p.25]
Plus tard, lycéen, je prenais soin d'acheter, en quantité toujours plus grande qu'il m'était nécessaire, des agendas, répertoires, registres ou simples carnets, dont la plupart restaient vierges : les vastes projets auxquels je les destinais s'accommodaient déjà fort bien, en ce temps-là, de ne pas dépasser le stade de projets. [M.Benabou, p.95]

dimanche 12 décembre 2010

Boris Vian

[Archives, novembre 1989]

Que dire de Boris Vian? À revoir la liste des livres du Bison Ravi que j'ai côtoyés, il est clair qu'il a exercé sur moi une fascination et cela depuis l'adolescence. Mon premier contact, ce fut, comme plusieurs, «L'écume des jours», une merveilleuse histoire d'amour. C'est ensuite «L'Automne à Pékin» que j'ai partagé avec Richard, qui m'a souvent accompagné dans mes découvertes des oeuvres de Vian. Vian, c'est le pianocktail, c'est le Major, c'est l'ermite, c'est Anne (quelle idée d'avoir un nom de chien!), c'est la trompinette, c'est Saint-Germain-des-Prés et le Tabou, c'est Ville-d'Avray, c'est le Déserteur, c'est la 'pataphysique, c'est l'ordre de la Grande Gidouille.

Vian, c"est ma première passion littéraire. C'est la puissance des mots sur l'imaginaire, c'est le pied de la lettre mis au service de la création. Il nous laisse une oeuvre multiple à découvrir sous des angles encore plus nombreux.

Il avait annoncé qu'il n'aurait jamais 40 ans. Il est mort à 39 ans, en 1959, mais on ne cesse de le redécouvrir.

Boris Vian, c'est aussi un oulipien par défaut ou un plagiaire par anticipation pour l'Oulipo (l'Ouvroir de littérature potentielle) que je ne découvrirai que quelques années plus tard.

Il incarne bien l'association littérature et musique que je me plais à considérer : sa trompinette, ses écrits sur le Jazz et la chanson.

J'aurai toujours du Vian à relire.

dimanche 28 novembre 2010

Voyeurs, s'abstenir - François Gravel

J'ai publié à ce jour quatre romans. (F.G.)
Cet auteur fictif (le narrateur) fait état des suites d'un roman (son quatrième) que nous ne lirons jamais, celui où il s'est inspiré d'un personnage de la sphère publique, Carl Vaillancourt, un
self-made-man québécois. Même si son « roman » le nomme Charles Pellerin, tout un chacun se permet de réagir à ce qu'il se permet d'inventer ou de relater de la réalité. On a alors droit à une série d'extraits de lettres, témoignages, courriels de gens qui veulent s'exprimer sur ce phénomène qu'a été Vaillancourt, sur la forme qu'il aura prise sous les traits de Charles Pellerin et sur les libertés que le narrateur-auteur aura largement emprunté.

François Gravel signe ici un roman différent, dont la forme n'est pas celle de l'histoire racontée, mais celle recréée par le reflet dans le miroir déformé que les lecteurs du roman nous présentent. Les différentes réactions auraient dû emprunter des écritures plus distinctes que celles qu'on retrouve ici. On sent trop souvent Gravel derrière la plume. Mais, on passe facilement par dessus cette petite entorse au style pour découvrir pièce par pièce l'univers de Vaillancourt et de l'être encore plus grand que la société avait créé autour de lui.

On aurait pu se lasser de cet artifice choisi par Gravel pour amener son sujet. Et pourtant, les courts extraits épistoliers sont autant des questions que des réponses et le voile demeure longtemps sur la réalité difficile à cerner de cet industriel et financier, amateur d'art religieux.

François Gravel a encore réussi à capter mon attention.

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Sur Rives et dérives, de Gravel, on trouve aussi :


Gravel
François
À vos ordres, colonel Parkinson

Gravel
François
Fillion et frères 
Gravel
François
La petite fille en haut de l’escalier
Gravel
François
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