mercredi 5 juin 2019

L'arche de Socrate, Petit bestiaire philosophique - Normand Baillargeon

Ce petit bestiaire réunit quelques-uns parmi les plus notables des animaux qui peuplent la pensée et l'imagination des philosophes. [N.B.]
J'avais, il y a quelques années, entr'aperçu l'édition bruxelloise de ce petit bestiaire. J'avais été intrigué, mais je ne sais pourquoi, je ne me l'étais pas procuré. Puis, récemment, lors d'une entrevue radiophonique ou au moment de l'une de ses chroniques, j'entends l'auteur (qui a à son actif de multiples ouvrages) affirmer qu'il s'agit là d'une oeuvre dont il est particulièrement fier. La nouvelle parution d'une édition québécoise m'a donné enfin l'occasion de m'y plonger. Dans L'arche de Socrate, on parcourt les allées agréables et sinueuses d'un jardin zoologique et philosophique en découvrant, page après page, diverses utilisations métaphoriques, analogiques, allégoriques d'êtres de la gent animale, et tout cela à l'intérieur même du discours des penseurs, philosophes et scientifiques. Cela est ni plus ni moins qu'une porte d'entrée vers des questions philosophiques qui sont toujours d'actualité, vers des débats d'idées et des expériences de pensée qui demeurent d'une pertinence assumée. Le format, chouette et ludique, permet de revisiter ainsi quelques incursions animales connues, mais également de découvrir une variété insoupçonnée du bestiaire philosophique. Voici un ouvrage qui permet dans un agréable cadre de s'initier à quelques manifestations des échanges philosophiques à travers le temps et les cultures.
[…] je veux qu’on sache qu’aucun animal n’a été maltraité dans l’écriture de ce livre et que chacun de ceux qui sont évoqués ici a reçu tout le respect qui lui est dû. [N.B.]
Normand Baillargeon cite Bernard Suits qui répond à Wittgenstein pour trouver une définition du jeu. Ce sera : jouer à un jeu, c’est fournir "des efforts délibérés pour surmonter des obstacles arbitraires". Cela m'a rappelé la définition donnée par Queneau de l’auteur oulipien qui serait “un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir". 
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mercredi 29 mai 2019

Homo Deus : Une brève histoire de l'avenir - Yuval Noah Harari

À l'aube du troisième millénaire, l'humanité se réveille et s'étire, elle se frotte les yeux, l'esprit traversé par quelque affreux cauchemar revenant par bribes. [Y.N.H.]
Après Sapiens, l'historien Yuval Noah Harari récidive. Il nous offre une nouvelle fois une synthèse globalisante de l'histoire de l'humanité, globalisante au point qu'à certains égards, elle semble foncièrement réductrice. Cette fois, c'est en jetant un oeil vers l'avenir qu'il déploie son analyse du passé. Il ne faut pas faire, à mon avis, l'erreur de lire Harari comme si son oeuvre était de l'ordre d'une thèse définitive et indiscutable livrée par un prophète. On trouve, chez Harari, des raccourcis séducteurs, de charmeuses ellipses, mais les idées qu'il met de l'avant, les théories qu'il défend ont l'avantage d'être bien amenées, d'être décrites avec soin et de provoquer la réflexion dans des sphères qu'on avait peine à saisir, à imaginer, donc à discuter. Envisageons donc Homo Deus tel une contribution à la cogitation collective nécessaire sur le monde, son histoire et son avenir.
Les historiens n'étudient pas l'histoire pour la répéter, mais pour s'en libérer. [Y.N.H.]
De même, dans bien des pays à travers le monde, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, les témoins, à la cour, posent une main sur une Bible en jurant de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Il est paradoxal qu'ils jurent de dire la vérité sur un livre débordant de fictions, de mythes et d'erreurs. [Y.N.H.]
La plus grande découverte scientifique a été la découverte de l'ignorance. Du jour où les hommes ont compris à quel point ils en savaient peu sur le monde, ils ont eu soudain une excellente raison de rechercher des connaissances nouvelles, ce qui a ouvert la voie scientifique du progrès. [Y.N.H.] 
Dieu est mort : c'est juste qu'il faut du temps pour se débarrasser du corps.  [Y.N.H.]
[...] dans le désert du Kalahari, selon la blague, une bande typique de chasseurs-cueilleurs est constituée de vingt chasseurs, vingt cueilleurs et cinquante anthropologues. [Y.N.H.]

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dimanche 26 mai 2019

Le Meurtre du Commandeur - Haruki Murakami

Aujourd'hui, lorsque je me suis éveillé après une courte sieste, « l'homme sans visage » se tenait devant moi. [H.M.]
C'est à un voyage que nous convie Murakami. Pour moi, la lecture d'une oeuvre de Murakami correspond toujours à un périple, une expédition dans une contrée qui se trouve à une frontière floue entre le réel et l'imaginaire, entre le tangible et le fabuleux. Dans Le Meurtre du Commandeur, c'est dans une toile que nous nous insérons, dans une toile, mais aussi dans l'imaginaire de celui qui l'a conçue de même que dans l'esprit de celui qui l'a découvert et en a laissé s'extirper des personnages au son de l'opéra Don Giovanni de Wolgang Amadeus Mozart.

Le narrateur, portraitiste, en errance depuis sa récente séparation, tente un retour à la création en s'établissant dans ce qui fut l'antre d'un peintre de renom, père d'un collègue de formation. Dans ce lieu retiré, des personnages colorés s'imposeront et une faille s'ouvrira pour y découvrir l'étrange, le mystérieux, le fantastique. C'est ce narrateur qui est le protagoniste du roman et ce sont les démons de la création artistique qui sont exposés ici en léger décalage entre le Japon et l'occident, au milieu des quelques demeures qui se partagent une vallée, entre les mythes et les réalités, au travers les quelques portraits qui sont ébauchés ou amorcés jusqu'à ce qu'une idée apparaisse ou qu'une métaphore s'évapore.

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lundi 13 mai 2019

Meursault, contre-enquête - Kamel Daoud

Aujourd'hui, M'ma est encore vivante. [K.D.]
L'Arabe abattu par Meursault vers 14 heures sur une plage trop ensoleillée dans L'étranger de Camus a un nom. Comment se fait-il que si peu de gens s'y soient intéressés? Il s'appelle Moussa. C'est son jeune frère Haroun qui nous le fait savoir dans ce roman-miroir, dans cette réponse, dans cette suite inattendue, dans cette réappropriation, dans cet hommage en forme de critique. Kamel Daoud donne la parole à Haroun qui, dans un long monologue, nous raconte les événements à sa manière, mais qui, aussi, nous laisse à savoir sa peine, son désarroi, son trouble face à l'absence, face au vide qu'a laissé Moussa dans sa vie et celle de sa mère. C'est en quelque sorte la confession d'un vieil homme qui, après plein d'années, sent le besoin de réagir, de se dire.

Cela aurait pu n'être qu'un exercice de style, il m'apparaît plutôt que Meursault, contre-enquête va plus loin, porte un discours, engage une lecture du réel qui constitue une oeuvre en soi.

Lis ce qu’a écrit ton héros à propos de son séjour en cellule. Moi, je relis souvent ce passage, c’est le plus intéressant de tout son fatras de soleil et de sel. C’est dans sa cellule que ton héros pose le mieux les grandes questions.  [K.D]

Elle m’apprit à lire le livre d’une certaine manière, en le faisant pencher de côté comme pour en faire tomber les détails invisibles.  [K.D.]
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L'étranger - Albert Camus

Aujourd'hui, maman est morte. [A.C.]
Lu pour la première fois à la fin de l'adolescence, je ne gardais pas de ce roman un souvenir très clair, sinon la trame simple de l'histoire qui s'y déroule. Je ne me souvenais pas spécialement de la plume de Camus. À ce nouveau contact, cette plume, cette façon d'écrire, m'a semblé particulièrement dépouillée dans la première partie tout du moins, dépouillée, presque vide, à devenir en quelque sorte ennuyeuse. Sujet, verbe, complément, descriptions sèches, détachées, presque télégraphiques. C'est probablement en lien avec l'indifférence, l'indolence, la distance que le personnage principal, Meursault, maintient avec le monde et avec lui-même. Cela m'a tout de même déstabilisé.

Même devant le geste qu'il pose, le meurtre d'un Arabe, même devant l'enquêteur ou le tribunal, ou devant sa propre vie, Meursault reste impassible, ambigu, indiscernable. Le personnage-narrateur explique sans expliquer, nous laisse avec nos questionnements et nos interprétations. Lecture importante pour sentir l'existentialisme, pour prendre acte de l'absurdité qui s'incarne.

Il m'était important de relire L'étranger parce que je voulais le revoir par l'oeil de Kamel Daoud dans Meursault, contre-enquête, une lecture qui m'avait été suggérée par une amie que je m'empresse de remercier.