Le soleil est un astre froid. [É.V.]Est-ce un roman? Est-ce un roman historique? Est-ce un essai? C'est surtout une habile incursion dans l'histoire. Éric Vuillard nous transporte littéralement en 1938 au moment de l'Anschluss. Il nous dépeint avec une verve assumée les instants, les mois, les années qui précéderont cet acte, l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, qui marque pour certains le premier temps de la Seconde Guerre. Avec une résonance inquiétante avec l'histoire contemporaine, avec l'évolution des mouvements politiques, avec les actes de certains gouvernements, Éric Vuillard nous montre et nous démontre avec quel assentiment naïf, avec quelle complicité ingénue, la société a laissé faire, la société a même contribué à cette prise de pouvoir, à cette nazification de l'Autriche et, par là, à la montée d'un mouvement, d'une vague, qui ne pouvait se résoudre qu'en une guerre, enflammant avec elle la cité et le monde.
Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d'épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. [É.V.]Éric Vuillard nous fait assister, confondus, à un dîner au 10 Downing Street où était convié Ribentrop, l'ambassadeur du Reich en Grande-Bretagne. C'est avec Chamberlain, Churchill et Cadogan que Ribentrop palabre et fait s'éterniser un repas alors même que les chars allemands franchissent la frontière de l'Autriche. C'est ce sentiment d'impuissance de la société face à une déviation incontournable de l'histoire qui horripile, qui fait peur.
L'ouvrage comportant peu de pages se lit rapidement, amplifiant d'autant l'effet qu'il a eu sur le lecteur que je suis. Il s'est mérité un Goncourt. Je n'ai pas lu les romans qui étaient avec lui à la ligne de départ, mais je reconnais qu'un prix devait lui être accordé.
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