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mercredi 26 août 2020

Garage Molinari - Jean-François Beauchemin

C'était pourtant un jour de printemps, et dans les nids les oisillons perçaient leur coquille avec leurs becs de débutants. [J.-F. B.]

Garage Molinari faisait partie de ma pile à lire depuis belle lurette, je ne sais ce qui me retenait et je regrette maintenant de n'avoir pas plongé dans cet univers romanesque alors qu'il s'offrait à moi. Est-ce que j'aurais eu la même ouverture qu'aujourd'hui? Est-ce que j'aurais fait le même accueil à ce conte tout en tendresse qui ne raconte que la vie qui passe et la recherche du bonheur dans une petite famille synthétique faite de Jérôme, Joëlle la voisine de HLM, Jules qui ne grandit plus et les êtres qui tournent autour d'eux y compris une multitude d'oiseaux et d'oisillons? Est-ce que j'aurais été sensible à cette langue toute en naïveté?

De Jean-François Beauchemin, je n'avais lu que La fabrication de l'aube qui est un récit très personnel totalement d'une autre teneur. Il m'avait plu. 

Garage Molinari nous entraîne, quant à lui, dans une sphère hors du commun, hors du réel, tout en étant absolument imprégnée de vie et d'espoir avec une tournure fantaisiste. On y croise des êtres qui ont été blessés par le passé, mais dont le courage dans un drôle de quotidien permet d'explorer une voie vers la reconstruction.  J'ai de la difficulté à exprimer la joie que provoque cette lecture, mais elle est bien réelle et sentie. Je vous souhaite de la découvrir à votre tour.

En réalité autour de nous avec toute cette noirceur on ne voyait pas beaucoup l’avenir, mais Joëlle a souri quand même. [J.-F. B.]

Appréciation : 4/5 

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Beauchemin

Jean-François

La Fabrication de l’aube

15/07/2018

 

dimanche 16 août 2020

Les villes de papier - Dominique Fortier

Emily est ville toute de bois blanc nichée au milieu de prairies de trèfle et d'avoine. 
[D.F.]

Découvrir un tant soit peu Emily Dickinson par les fragments de poésie en prose de Dominique Fortier, voilà un petit délice. Lorsque cela se fait dans un contexte qui permet de s'attarder sur les mots, de sentir les phrasés, d'apprécier la liberté avec laquelle l'auteure aborde la réalité, on vit alors à l'intérieur de l'imagination et de la littérature et on hume les fleurs qui accompagnaient toujours Emily. La poétesse a vécu dans un monde bien à elle, un monde qui n'existait que sur les bouts de papier recelant sa poésie, un monde qui, comme les villes fictives prenant place sur certaines cartes, n'a de réalité que sur celles-ci. Dominique Fortier nous ouvre tout en douceur et en prenant soin de respecter la tranquillité des lieux le jardin d'Emily Dickinson. À nous maintenant d'y faire nos explorations.

Dans les livres il y a d'autres livres, comme dans un palais des glaces où chaque miroir en réfléchit un second, chaque fois plus petit, jusqu'à ce que les hommes ne soient pas plus grands que des fourmis. [D.F.]
Il fait en parlant beaucoup de gestes, dont certains ne sont pas nécessaires. [D.F.]

[...] un inventaire hétéroclite qui n'était pas sans rappeler certaines des listes vertigineuses de La vie mode d'emploi. [D.F.] 

Il y a des risques à côtoyer l'infini. [D.F.]
*Il faut pour faire une prairie
Un trèfle et une abeille -
Un seul trèfle, une abeille
Et quelque rêverie.
La rêverie suffit
Si vous êtes à court d'abeilles.*
Emily Dickinson [Trad. Michel Leyris, in Esquisse d'une anthologie de la poésie américaine du XIXe siècle, Gallimard] 
Qui a besoin de Dieu quand il y a des abeilles ? [D.F.] 

J'habite une rue, deux parcs et la montagne voisine. [...] Mon Outremont est à la jonction exacte de l'an 1917 (année où a été construite ma maison) et de l'an 2017 (où j'écris ces lignes) [...]. [D.F.] 

Appréciation : 4/5 

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Fortier

Dominique

Au péril de la mer

04/01/2017

Fortier

Dominique

Du bon usage des étoiles

08/01/2019

Fortier

Dominique

Les larmes de saint Laurent

01/04/2020

vendredi 24 juillet 2020

La trajectoire des confettis - Marie-Ève Thuot

- Je prendrais trois cerveaux. [M.-È. T.]
Il s’agit d’un premier roman pour Marie-Ève Thuot. La bouchée était grosse: relater sur presque un siècle les aventures, déboires, sentiments, histoires du quotidien, rapprochements, marginalisations, variations, évolutions, croissances, rapports amoureux et sexuels notamment, de la plupart des représentantes et représentants d’une famille sans tabou. L’auteure parvient à cela en construisant une trame qui, dans chaque chapitre, nous fait parcourir en alternance plusieurs événements qui se déroulent en des lieux et des moments distincts, des histoires liées parfois par un fil ténu. Si cela apparaît déroutant dans les premières pages, on comprend rapidement cette structure et on voit comment veut nous mener l’auteure de cet imposant roman. Elle aura, quant à moi, gagné son pari et c’est bien volontairement qu’on se laisse bousculer d’une époque et d’un couple à l’autre en acceptant le regard moderne et un brin désabusé que peut poser l’auteure sur une société en mouvance ne concédant rien aux interdits.

Si ce roman choral, comme le veut le genre, fait que nous nous intéressons à une multitude de personnages tous distinctifs, on se préoccupera surtout d’une singulière fratrie et des relations que chacun de ses membres entretient avec les femmes. Il y a l’aîné, Zack, qui, avec sa conjointe Charlie, forme un couple ouvert si ce n’est libertin. Il y a Xavier qui vit dans l’abstinence sexuelle depuis 16 ans et qui est séduit par une mystérieuse mythomane. Il y a Louis qui vit chacune de ses relations de façon exclusive même si elles ne durent jamais plus de six mois. Enfin, il y a Justin, le demi-frère, qui doit assumer seul la paternité à 22 ans. 

Certaines ou certains y verront peut-être un roman féministe, j’ai, pour ma part, lu une œuvre considérant de façon cynique certaines normes sociales qui prévalent dans un monde fait de transformations et de paradoxes et j’ai savouré cette lecture.
Travailler à l’élaboration d’un papier peint l’hypnotisait. Elle devait découvrir des façons originales de faire d’emboîter des formes qui portaient en elles la possibilité de l’infini. [M.È. T.]
L'infini est une forme de chaos et les gens ont peur du chaos… [M.È. T.]

Appréciation : 4/5 



mardi 14 avril 2020

Pas même le bruit d'un fleuve - Hélène Dorion

Combien de jours vivrons-nous? [H.D.]
La poète québécoise Hélène Dorion nous convie à une quête, une recherche de mémoire afin de trouver sa mère derrière la mer (à cette hauteur du fleuve, on peut l'appeler ainsi). Cela se fera au coeur d'un roman fait de sauts dans le temps et dans l'espace, de l'enfance à aujourd'hui, de la chambre à la mer, d'un quartier montréalais au fleuve toujours présent de Kamouraska, où le passé vient ressurgir, où les naufrages d'hier se répercutent sur les peines d'aujourd'hui. C'est en usant d'une magnifique plume poétique que l'auteure ou son alter ego Hanna nous fait voyager au travers des bribes de souvenirs, des artefacts qui ne trouvaient plus leur signification, vers un jeu de pistes qui, par la beauté des mots, la guidera vers une reconquête de sa mère Simone.

On ne peut, je crois, lire cette oeuvre sans replonger dans son propre passé et celui des nôtres, sans se questionner sur l'existence antérieure de celles et ceux qu'on a côtoyés depuis la naissance, sans tenter de revoir les liens qui nous rattachent au flux continu du temps depuis le monde d'avant. Et puis, pour ma part, je n'ai pu que me référer à un autre naufrage, une tragédie qui a eu lieu plus dans le golfe que dans l'estuaire, proche du bout du monde, des années auparavant. En 1847, un voilier arrivant de Sligo en Irlande transportait mes ascendants, les Kavanagh ou Kaveney. Le Carrick s’est abimé une nuit de tempête sur un récif un peu au sud de l’actuel phare de Cap-des-Rosiers. La charge n’est pas la même, mais cette histoire a ému toutes les générations suivantes et on peut, comme Hélène Dorion, se questionner : « [...] ne devenons-nous avec le temps que les survivants d’une multitude de naufrages ? »

On ne connaît sans doute jamais tout à fait les visages les plus proches. Ils demeurent pour nous des énigmes, malgré les années qu’on a partagées avec eux dans une intimité qui ne sera peut-être jamais recréée. Les êtres présents depuis notre naissance, ceux qui ont accompagné nos premiers pas, nos premiers mots, nos premières chutes aussi, restent des mosaïques inachevées. [H.D.]
La vie d’un artiste se construit avec le chaos, on ne fait que parler d’ombre et de lumière qui s’interpellent, de choses vivantes et inertes, réelles et imaginaires qui se répondent. [H.D.]
Les poèmes peuvent-ils nous sauver du naufrage ? Peuvent-ils souffler sur le brouillard qui a effacé l’horizon et dévoiler ces montagnes qu’on n’avait pas encore vues, dont on ne soupçonnait même pas l’existence ? [H.D.]
Antoine regarde le Majestueux, c’est ainsi qu’on appelle le fleuve, à cette hauteur, quand il se confond avec la mer et qu’on ne voit plus ses rives. [H.D.]
Arrivera-t-elle à laisser entrer suffisamment d’heures, de jours, de mois dans son cœur et dans son ventre pour que finisse par s’estomper la douleur ? [H.D.]
On croit parfois savoir l’essentiel des êtres qui nous sont proches. Il arrive qu’on souffre, et que cette souffrance ait pris naissance bien avant nous. [H.D.]

Appréciation : 4/5 

mercredi 8 avril 2020

Trois réveils - Catherine Perrin

Antoine ouvre les yeux dans le noir. Demeure parfaitement immobile, mais passe, en une fraction de seconde, de l'inconscience du sommeil à une vigilance aiguë. [C.P.] 
Catherine Perrin, claveciniste, animatrice à la radio et auteure, nous livre ici un roman sur les rapports ambigus, côté lumière et côté ombre, qu'un hautboïste entretient avec la musique. Antoine, que la musique interpelle, entrera au Conservatoire, ce laboratoire musical. C'est là qu'il découvre le hautbois et la sensualité des sons, c'est là aussi qu'il est confronté à ses démons intérieurs, à la pression, à l'inéluctable performance, au succès obligé. À travers des relations difficiles et un parcours sinueux semé de troubles bipolaires, c'est par la musique qu'Antoine s'avance, même si c'est sous une lyre dans un couloir occupé du métro de Montréal à faire danser au son de son instrument un serpent ou une poupée de chiffon. Ce roman, je ne l'ai pas reçu comme l'étalement d'un parcours organisé, mais plutôt tel un ensemble de tranches de vie toutes teintées de la musique qui émane de ses pages.
Les musiciens ont la chance de pouvoir s’aborder en disant, comme des enfants: « Veux-tu jouer avec moi? » [C.P.]
Il se sent chez lui près des anticonformistes qui ignorent l’être, occupés à composer chaque jour avec eux-mêmes et la survie. [C.P.]
Il voit se jouer sur cette affiche [...] l’histoire absurde et dévastatrice d’un jeune artiste qui perd toute confiance, simplement en mesurant qu’il n’est pas un génie. [C.P.]

Appréciation : 4/5 

mercredi 1 avril 2020

Les larmes de saint Laurent - Dominique Fortier

Il neigeait des confettis sur Saint-Pierre. [D.F.]
Trois histoires, trois univers, trois moments, et des ponts qui se jettent entre ces rives pour créer un même roman.  Dans les trois volets, on retrouvera des marginaux, des êtres qui vivent à la limite de la société, des couples inattendus, un amour en construction, une source volcanique et des événements qui viennent altérer le monde. La magnifique plume de Dominique Fortier allie encore ici l'histoire et un peu de science pour créer dans cette trame du temps des événements que la littérature peut sublimer. D'une prison de Saint-Pierre au cirque Barnum, du mathématicien anglais épris de géologie à une promeneuse de chiens sur un Mont-Royal montréalais semé de cimetières, Les larmes de saint Laurent nous entraîne et on se laisse tout à fait volontairement mené dans ce roman qu'on pourrait finalement considérer essentiellement comme un roman d'amour.
[…] il se sentait chez lui au pas des mathématiques. La pureté tranquille des nombres, leur rassurante prévisibilité, leur élégance sage et sobre alliées à des possibilités infinies qui se révélaient petit à petit à la manière d’une ligne d’horizon qui semble tout près mais qui s’éloigne au fur et à mesure qu’on s’en approche, tout cela qui faisait l’essence même de la géométrie, de l’algèbre et du calcul meublait son temps et occupait son esprit en lui offrant à la fois un refuge et un voyage toujours renouvelé. [D.F.]
S’arrêtant un matin pour contempler l’exquise économie du théorème de Pythagore, il se donna pour défi de découvrir chaque jour une nouvelle preuve permettant de le démontrer. [D.F.]
« Il neige à pierre fendre, il neige à tue-tête, il neige à tire-larigot, à brûle-pourpoint et à bouche que veux-tu », récite-t-elle en grimpant le sentier sous les flocons duveteux qui font des manteaux blancs aux chiens. [D.F.]

Appréciation : 3,5/5 


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04/01/2017

Fortier

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08/01/2019

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16/08/2020

 

vendredi 27 décembre 2019

Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier

J'avais fait des kilomètres et des kilomètres de route sous un ciel orageux en me demandant si j'allais trouver une éclaircie dans la forêt avant la nuit, au moins avant que l'orage n'éclate. [J.S.]
Malgré le fait que ce roman de Jocelyne Saucier faisait partie depuis belle lurette de ma pile de livres à lire, j’ai vu son adaptation cinématographique avant d’en faire la lecture. Ce n’est pas à mon habitude et je craignais que les images du film prennent la place de celles que j’aurais pu me créer au fil des pages. Au fait, ma lecture fut accompagnée d’une forme hybride d’imagerie, une part attribuable au film, c’était inévitable, mais aussi une part construite par la poésie du texte, riche de ses évocations.

Quelle histoire inspirante que celle de ces rescapés de la société vivant en marge et en forêt, au bout de leur âge et faisant se côtoyer dans un univers à la frontière de la beauté et de l’humanité, amitié, nature, arts et amour. C’est avec beaucoup de tendresse que l’auteure, prenant appui sur le dramatique d’un événement passé, nous entraîne dans cette improbable communauté. Elle nous fait sentir toute la bienveillance que suscite ce groupe sur la pseudo-famille qui s’est créée dans son environnement. Un moment de bonheur que cette lecture!

Appréciation : 4,5/5

jeudi 5 décembre 2019

De synthèse - Karoline Georges

Je suis née entre la publication de L'origine des espèces de Darwin et le moment où Voyager 1 quitte le système solaire, dessinant au passage, dans l'espace-temps, la flèche de l'évolution. [K.G.]
Conte moderne se situant dans un proche demain à la limite du virtuel, dans un espace dont on reconnait presque l'essence et où une intelligence artificielle semble se manifester. À la recherche de soi dans une image parfaite de son propre corps ou de son avatar, la narratrice doit renouer avec un univers familial qu'elle avait enfoui sous des couches de personnages de fiction, d'icônes illusoires et de chimères. Ce conte, c'est, pour moi, le choc entre un virtuel à parfaire indéfiniment et une réalité qui se défait et se détruit sans que l'on puisse intervenir. Cela demeure une oeuvre troublante.
Devant Le radeau de la Méduse de Géricault, oeuvre plus immense que le Louvre entier dans mon souvenir, j'ai eu l'impression d'un grand coup, puis d'un frisson. [...] Je suis restée là, longtemps, à penser aux miens, en contemplant Le radeau de la Méduse. À notre histoire, racontée en une seule image. Celle-là. Ce groupe à la dérive, en décomposition. Mais qui avance, encore. Sans destination. J'ai senti monter les larmes. Je venais d'éprouver mon premier choc esthétique. ou poétique. Ou philosophique, peut-être. [K.G.]

 

mardi 29 octobre 2019

Vingt-trois secrets bien gardés - Michel Tremblay

Il est installé dans sa chaise haute qui trône dans le bow-window de la salle à manger, là où pendant les fêtes on dresse le sapin de Noël. [M.T.]
C'est en utilisant la troisième personne que Michel Tremblay jongle avec ses souvenirs retrouvés et nous offre, en conservant ainsi un certain recul, des tranches de vie s'étalant sur plusieurs périodes. En ligne pas si droite qu'on pourrait le croire avec d'autres livres qu'il a commis tels  Les vues animées, Douze coups de théâtre ou Un ange cornu avec des ailes de tôles, Michel Tremblay use de sa plume pour livrer quelques épisodes de l'existence d'un jeune garçon du Plateau qui se nommait, lui aussi, Michel Tremblay. C'est avec candeur qu'il nous offre ainsi de courts moments teintés de tendresse et d'émotion, des instants parfois amusants, parfois embarrassants. On a toujours le sentiment de le connaître ou de l'avoir connu ce jeune Michel et on ne peut sortir de cette lecture qu'avec un large sourire.

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Tremblay

Michel

Les vues animées 

08/02/2014

Tremblay

Michel

Offrandes musicales

15/12/2021