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mardi 22 octobre 2019

La joie discrète d'Alan Turing - Jacques Marchand

Le port de Southampton, mai 1926. Pour permettre aux passagers de débarquer, des matelots viennent d'immobiliser une longue passerelle de bois entre le ferry et le quatrième quai du port. [J.M.] 
Jacques Marchand nous livre ici un roman biographique dont le thème est l'existence d'un mathématicien hors norme qui a, d'une certaine façon, contribué à changer nos vies, l'insaisissable Alan Turing. L'auteur, en faisant de Turing le personnage d'un roman, se permet ainsi d'aller au-delà de ce que l'on connaît de ce personnage secret, d'imaginer ses pensées, ses réflexions ou ses tourments au regard de sa vie ou des êtres qu'il côtoie. Il peut écrire ce pan non connu de l'existence d'Alan Turing comme une extrapolation imaginée résultant d'une enquête que le narrateur a menée sur les traces de son sujet de recherche, enquête qui, elle-même, est l'objet de chapitres en alternance avec le vécu trouble d'Alan. Mais, comme le précise l'auteur : « Comme tout roman portant sur des événements réels, celui-ci entremêle par moments l'objectivité factuelle et la rêverie. ». En ce sens, Jacques Marchand aura, à l'égard d'Alan Turing, appliqué un mode d'écriture semblable à celui que François-Henri Désérable s'était permis dans la production de son Évariste dont le thème était la courte vie du plus romantique des mathématiciens, Évariste Galois. C'est dans un univers totalement différent (celui, britannique, des années 1930 à 1950) qu'Alan Turing a développé ses recherches, mais Jacques Marchand nous fait bien sentir tout le poids de ce contexte et l'ensemble de contraintes que cela imposait à un être aussi différent que ce créateur mathématicien. À mon regard, Marchand a bien relevé le défi qu'il s'était lancé.
Rien n'oblige un mathématicien à n'être qu'un cerveau purement rationnel. Il arrive fréquemment qu'un souci esthétique plus ou moins conscient agisse sur sa manière d'envisager un problème. [J.M.]
Pour Alan, le raisonnement mathématique s'appuie alors sur deux facultés de l'esprit qui se complètent l'une l'autre, l'intuition et l'inventivité. L'intuition émet des jugements spontanés, des jugements qui ne résultent aucunement d'un enchaînement délibéré de réflexions. Après coup seulement, la raison consciente se penche sur ces jugements spontanés pour vérifier leur justesse. Cette méthode de travail s'apparente, même si le texte ne le précise pas en toutes lettres, à celle des artistes et des écrivains. On effleure ici une idée très ancienne, reprise d'un siècle à l'autre, voulant que l'imagination poétique et la rêverie mathématique se déploient dans les mêmes aires de la pensée. [J.M.]
Rien ne lui plaît davantage que de prêter attention au réel tel qu'il se présente, avant que les mots et la pensée se mettent à l'altérer. [J.M.] 
Ses nouvelles recherches le réchauffent, il est content surtout de renouer avec la beauté et la logique formelles à l'oeuvre dans les manifestations les plus humbles du vivant. Comme toujours, les mathématiques l'apaisent quand elles lui permettent de s'approcher du mécanisme secret des choses. [J.M.] 

mardi 24 septembre 2019

À vos ordres, colonel Parkinson - François Gravel


Je n'ai jamais été doué pour les sports. [F.G.]

François Gravel, un auteur québécois dont j'apprécie particulièrement la versatilité et la simplicité de la plume, nous livre ici un récit tout à fait personnel. Il fait état du choc provoqué par une rencontre avec un diagnostic pas banal livré par un médecin spécialiste : « Vous êtes atteint de la maladie de Parkinson... ». Comment réagir à une telle annonce? Gravel, lui, utilise l'arme qu'il connait le mieux: l'écriture. Il nous décrit donc, face à ce verdict, ses états d'âme, sa façon d'apprivoiser cette nouvelle venue, ses symptômes et leur évolution, mais, il aborde également un volet documentaire en s'informant sur l'histoire de la maladie, ses différentes formes ou les parkinsonnés connus. Tout cela est exprimé dans un court essai personnel avec le ton particulier que Gravel sait si bien donner à ses textes, un ton qui mêle l'humour, l'intime, la gravité et la tendresse.
J’ai longtemps cru que le parkinson était une maladie. Je m’aperçois aujourd’hui qu’il s’agit plutôt d’un cours de philosophie.  [F.G.]

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mercredi 11 septembre 2019

À propos du style de Genette - David Turgeon


J'avais lu quelques romans de David Turgeon et j'y avais trouvé un grand plaisir. Et puis, cet essai est venu à ma connaissance. Je n'avais jamais entendu parler ni de Genette, ni de la narratologie, mais, je ne sais pourquoi, cela m'attirait. M’engager dans la lecture de cet essai aurait pu être difficile. J'aurais pu m'empêtrer dans les concepts, me perdre dans une théorie absconse et n'être plus capable de trouver la voie de sortie. Eh bien non, les réflexions de David Turgeon m'ont fait agréablement découvrir tout un monde, celui de l'art du récit, celui qui tente de nommer des concepts pour l'analyse des structures de l'oeuvre littéraire. J'ai aimé y découvrir, par exemple, les réflexions sur les différents types de narrateurs et l'impact que cela peut avoir sur la façon dont est rendu le récit.

Cette théorie analytique, Turgeon s'est permis de l'appliquer aux propres textes théoriques de Gérard Genette, l'un des fondateurs de la narratologie. La prétention, ici, est que l'on peut fourbir les outils relevant de l'analyse stylistique même lorsqu'il s'agit d'un essai théorique.

Que peut-on dire du style d’un essai théorique? [D.T.]
Le défi m'est apparu relevé, selon l'humble analyse que je peux me permettre.
N’importe quel livre, en théorie, est une porte d’entrée vers la bibliothèque de tous les textes existants. [D.T.]
En parlant de Barthes, David Turgeon s'exclame : « Le propos de Barthes m’est souvent obscur, mais il est un écrivain dont la lecture me procure souvent beaucoup de plaisir, qui donne du grain à moudre à ma pensée. ». Je pourrais probablement exprimer quelque chose de semblable concernant cet essai de David Turgeon; il est clair, vu mon inexpérience dans le domaine, que je n'ai pas tout saisi des idées avancées, mais cette lecture m'a donné matière à réfléchir et j'en suis reconnaissant à l'auteur.


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03/04/2019

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03/11/2021

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Simone au travail

17/11/2017

dimanche 16 juin 2019

L'oeuvre du Grand Lièvre filou - Serge Bouchard



À l'origine des temps, le Lièvre Filou a créé la Terre en courant un peu partout sur une île minuscule perdue à la surface de l'océan universel.
[S.B.]
L'anthropologue, commentateur de la société, chroniqueur du monde, instigateur de réflexions, conteur, chercheur de sens, inspirateur, observateur, guide dans les méandres de l'histoire de l'américanité et de la nordicité, Serge Bouchard, de sa plume aiguisée comme de sa singulière verve, a regroupé ici un ensemble de chroniques parues dans le magazine Québec Science. Voilà d'admirables commentaires qui constituent le résultat de cinquante années de voyages sur les chemins de terre comme ceux d'asphalte au travers l'étendue qui paraît sans limites du territoire créé par le Grand Lièvre filou. Architecture, développement de territoire, toponymie, histoire et géographie, critique, nature, cours d'eau et espace, Serge Bouchard s'intéresse à notre façon d'habiter le monde et met simplement de l'avant le respect et la mémoire qu'on doit à la nature et à l'environnement. Voilà un ensemble de textes qui suscite de façon remarquable la curiosité et la réflexion.

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Elles ont fait l’Amérique. De remarquables oubliés, tome 1 

30/06/2016

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mercredi 5 juin 2019

L'arche de Socrate, Petit bestiaire philosophique - Normand Baillargeon

Ce petit bestiaire réunit quelques-uns parmi les plus notables des animaux qui peuplent la pensée et l'imagination des philosophes. [N.B.]
J'avais, il y a quelques années, entr'aperçu l'édition bruxelloise de ce petit bestiaire. J'avais été intrigué, mais je ne sais pourquoi, je ne me l'étais pas procuré. Puis, récemment, lors d'une entrevue radiophonique ou au moment de l'une de ses chroniques, j'entends l'auteur (qui a à son actif de multiples ouvrages) affirmer qu'il s'agit là d'une oeuvre dont il est particulièrement fier. La nouvelle parution d'une édition québécoise m'a donné enfin l'occasion de m'y plonger. Dans L'arche de Socrate, on parcourt les allées agréables et sinueuses d'un jardin zoologique et philosophique en découvrant, page après page, diverses utilisations métaphoriques, analogiques, allégoriques d'êtres de la gent animale, et tout cela à l'intérieur même du discours des penseurs, philosophes et scientifiques. Cela est ni plus ni moins qu'une porte d'entrée vers des questions philosophiques qui sont toujours d'actualité, vers des débats d'idées et des expériences de pensée qui demeurent d'une pertinence assumée. Le format, chouette et ludique, permet de revisiter ainsi quelques incursions animales connues, mais également de découvrir une variété insoupçonnée du bestiaire philosophique. Voici un ouvrage qui permet dans un agréable cadre de s'initier à quelques manifestations des échanges philosophiques à travers le temps et les cultures.
[…] je veux qu’on sache qu’aucun animal n’a été maltraité dans l’écriture de ce livre et que chacun de ceux qui sont évoqués ici a reçu tout le respect qui lui est dû. [N.B.]
Normand Baillargeon cite Bernard Suits qui répond à Wittgenstein pour trouver une définition du jeu. Ce sera : jouer à un jeu, c’est fournir "des efforts délibérés pour surmonter des obstacles arbitraires". Cela m'a rappelé la définition donnée par Queneau de l’auteur oulipien qui serait “un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir". 
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Heureux sans dieu 

29/06/2010

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Légendes pédagogiques : l’autodéfense intellectuelle en éducation 

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Liliane est au lycée 

03/08/2014

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Parlons philosophie

28/08/2024


mercredi 8 mai 2019

La petite fille en haut de l'escalier - François Gravel

J'ai deux ans, pas plus. [F.G.]
François Gravel met ici sa plume dotée d'une écriture simple et son don pour nous raconter des histoires pour emprunter un nouveau registre en nous narrant des éléments de souvenirs. En fait, il s'agit du récit de sa mère qui, née en 1916, a été élevée dans un presbytère par un oncle curé avec les contraintes que cela peut supposer et la cuirasse qu'elle s'est alors construite.  Cuirasse qui se traduira dans son insensibilité aux émotions des autres et, par là, dans une incompétence certaine au rôle de mère qu'elle a pourtant eu à tenir pour six enfants issus d'un triste mariage. François Gravel raconte sa mère par divers épisodes et anecdotes et il porte un regard critique sur sa relation avec elle peut-être pour se délester d'un questionnement et d'un état d'âme qui bouleversent. Peut-il pardonner à sa mère de l'avoir peu aimé?

Mais, entendons-nous, bien qu'intéressant et de lecture aisée, ce n'est pas le meilleur opus de François Gravel.

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