vendredi 10 avril 2009

La charge de l'orignal épormyable - Claude Gauvreau


C'est effectivement toute une charge théâtrale. Ce texte, écrit en 1956 et présenté pour la première fois en 1972, surprend par sa modernité. Mycroft Mixeudeim, le protagoniste, une représentation de Claude Gauvreau, est aux prises avec la société, avec l'incompréhension de la société, avec la violence psychologique et physique de la société. C'est la crainte que cette violence vienne toucher ceux et celles qu'il aime qui le fait charger des portes fermées à double tour à la manière de cet orignal symbolique.

La violence, qui atteint un paroxysme surprenant, accompagne un flot de paroles qui se veut libérateur, qui veut se défaire du Québec de la grande noirceur, du Québec d'avant Le Refus Global dont Gauvreau aura été l'un des signataires.

La pièce était présentée en avril 2009 au Théâtre du Nouveau Monde. On a pu apprécié la scénographie efficace, la musique de Walter Boudreau qui venait accompagner de près le jeu et l'intensité dramatique de la prestation de François Papineau.

dimanche 5 avril 2009

La logeuse, roman tragique - Éric Dupont



Sur l'estran désert, errent une mère et sa fille parmi les cris stridents des mouettes et les algues flasques. (E.D.)


Ce roman se termine sur une phrase qui parle de l'auteur : Un jour, il faut bien apprendre à compter [à conter]. Éric Dupont sait conter. Il l'a démontré l'été dernier avec ses énigmes littéraires publiées dans Le Devoir. Il le fait sentir de façon encore plus aigüe dans ce roman gaspésien qui se déroule presqu'entièrement à Montréal, dans ce roman réaliste où le fantastique tient le haut du pavé, dans cette tragédie romanesque qui aurait pu s'intituler «Chercher le vent» si Guillaume Vigneault était né quelques années plus tard. Ce roman à tendance marxiste où les Arrière-petites-filles de Lénine se dévoilent à qui mieux-mieux nous laisse sur l'espoir de lire d'autres écrits de ce gaspésien, montréalais d'adoption.

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À propos de Dupont, sur Rives et dérives, on trouve aussi :


Dupont
Éric
La fiancée américaine 
Dupont
Éric
La route du lilas

dimanche 29 mars 2009

Ferdydurke - Witold Gombrowicz


Ce mardi-là, je m'éveillai au moment sans âme et sans grâce où la nuit s'achève tandis que l'aube n'a pas encore pu naitre.

Publié en 1937 en polonais ce roman ou ce conte romanesque est le chantre de la jeunesse et de l'immaturité. Le narrateur cuculisé est ramené à l'enfance et aux bancs de l'école. Il y vivra l'aventure de la jeunesse, de la modernité et entreprendra une quête sans but, une recherche sans objectif. Le tout est écrit dans un style déroutant où prime la dénonciation des bonzes de l'aristocratie artistique, la haine du maître, le rejet de ceux qui établissent les règles. Mêlant humour, absurde, invention et écriture intimiste, Ferdydurke plonge dans l'adolescence et plonge l'adolescence dans le monde.

jeudi 26 mars 2009

Impératif catégorique - Jacques Roubaud



À droite de mon bureau il y avait une fenêtre, une des cinq grandes fenêtres en trois pièces sur la rue. (J.R.)
Publié dans la collection Fiction & Cie du Seuil, cet Impératif catégorique n'a de lien avec Kant que son titre et le devoir qu'a l'auteur à se livrer à un double projet poétique et mathématique. Ce récit autobiographique constitue l'une des «branches» de l'aventure humaine de Jacques Roubaud. Amorcée avec Le grand incendie de Londres, ce projet se prolonge dans plusieurs ouvrages. Roubaud y raconte au moyen de ce qu'il appelle des «momentsproses» un parcours d'écriture et de recherche mathématique. il décrit en portant un regard critique, mais aussi nostalgique, son accession à la carrière mathématique, sa rencontre avec Jean Bénabou et la théorie des catégories, son travail de chercheur pour donner un cadre mathématique à la linguistique chomskienne, son incursion dans l'univers bourbakiste. Il nous livre aussi des sonnets et ses premiers écrits poétiques.

Roubaud nous parle de sa conversion à la théorie des catégories. Il mentionne toutefois que «les catégoriciens [ont fait] figure de secte dans la communauté mathématique». Abstract nonsense disent certains. «Et quels théorèmes démontre-t-on avec çà?» disent d'autres.

Cette lecture m'a replongé dans un univers où la mathématique constituait le centre de mon monde. C'était il y a quelques décennies.

Est-ce que j'ai mentionné que Jacques Roubaud était un oulipien?

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On peut lire aussi, sur Images de mathématiques, un texte que Jacques Roubaud a dédié à un portrait du mathématicien-catégoricien Jean Bénabou : http://bit.ly/2RQKmsV.