lundi 27 janvier 2014

Un été avec Montaigne - Antoine Compagnon

Les gens seraient étendus sur la plage ou bien, sirotant un apéritif, ils s'apprêteraient à déjeuner, et ils entendraient causer de Montaigne dans le poste. [A.C.]
Ce petit recueil m'avait interpellé lors d'une visite de la librairie Mollat à Bordeaux, la ville de Montaigne. J'ai compris qu'il faisait suite à une série de capsules radiophoniques diffusées en été sur les ondes de la radio française. La version écrite reproduit-elle les capsules? Quoiqu'il en soit, on est en présence ici d'une lecture accompagnée des Essais et cet accompagnement est agréable, utile et enrichissant. J'aurais voulu en citer des pans entiers.
Le monde n'est qu'une branloire pérenne : toutes choses y branlent sans cesse, la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d'Égypte : et du branle public, et du leur. [Essais, Montaigne]  
 
La philosophie est la science qui nous apprend à vivre. [Essais, Montaigne]
C’est « une très douce médecine que la philosophie, car des autres on n’en sent le plaisir qu’après la guérison, celle-ci plaît et guérit ensemble (…) On a grand tort de la peindre comme inaccessible aux enfants et avec un visage renfrogné, sourcilleux et terrible. Il n’est rien de plus gai, de plus allègre et peu s’en faut que je ne dise folâtre. Elle ne prêche que fête et bon temps ». [Essais, Montaigne] 
Que scay-je? [Devise de Michel de Montaigne] 
Les humanistes ne sont pas encore des hommes des Lumières, et Montaigne n'est pas un moderne. [A.C.] 
La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui l'écoute.  [Essais, Montaigne] 
Plus il y a de marches et degrés, plus il y a de hauteur et d'honneur au dernier siège. Nous nous devrions plaire d'y être conduits, comme il se fait aux palais magnifiques, par divers portiques, et passages, longues et plaisantes galeries, et plusieurs détours.  [Essais, Montaigne] 
Et au plus élevé trône du monde, si ne sommes-nous assis, que sus notre cul.  [Essais, Montaigne]

dimanche 5 janvier 2014

Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag IIB - Tardi


Nos chefs magnifiques nous avaient donné l'ordre de découvrir l'ennemi et de le détruire. [T.]
Au cours des années 80, René Tardi, encouragé par son fils, couche, dans de petits carnets à anneaux, l'histoire de son expérience de guerre, de conducteur de char fait prisonnier jusqu'aux presque cinq années au Stalag IIB. Trente ans plus tard, Tardi reprend l'histoire et tente d'exprimer la colère de son père dans cette magnifique bd. C'est en fait une oeuvre magistrale qu'il nous livre ici en noir, en blanc et en émotions. Tardi s'exprime par la voix de sa représentation imaginée comme l'enfant qui écoute l'histoire de son père tout en y étant projeté. La forme et l'angle de vue de ces événements sont caractéristiques de ce que fait Tardi, il utilise la ligne claire dans un dessin simple, mais riche de détails documentés, c'est le quotidien et des personnages qui ne sont pas des héros qui occupent l'espace et le décor réaliste.


Tardi, avec cette oeuvre toute personnelle, démontre encore sa grande habileté à susciter chez moi toute une gamme d'états et d'émotions.

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Sur Rives et dérives, à propos de Tardi, on trouve :

Tardi

Casse-pipe à la nation

mardi 31 décembre 2013

La double vie de Théophraste Longuet - Gaston Leroux

[Archives, juillet 1993]

Certain soir de l'an dernier, je remarquai dans le salon d'attente du journal Le Matin un homme tout de noir vêtu, sur la figure duquel je m'arrêtai à lire le plus sombre désespoir. [G.L.]
Alexandre lisait Le mystère de la Chambre jaune. Cela m'a donné le goût de renouer avec cet auteur du tournant du siècle.

Cette lecture n'aura pas été douloureuse, loin de là. J'ai souri, j'ai ri et je me suis délecté de ce style fin de siècle qui rend l'écriture de Leroux ronflante à souhait. La double vie... est un roman feuilleton comme on aimait en publier dans les journaux de l'époque. on y trouve de tout, de l'histoire avec le célèbre voleur Cartouche du XVIIIe siècle, du spiritisme avec la réincarnation des âmes, de l'utopisme voire de l'anarchisme avec une société « sans Dieu, ni maire », des énigmes policières, des éléments scientifiques, de la phrénologie...

J'ai adoré et je pars bientôt à la recherche d'un autre Gaston Leroux.

mercredi 25 décembre 2013

Sociologie des sciences - Yves Gingras


Les sciences, entendues au sens large de modes d'interrogation de la nature fondés sur la raison, l'observation ou l'expérimentation, peuvent être abordées sous plusieurs angles. [Y.G.]
Sociologie des sciences porte le sous titre sans équivoque Où, par qui et comment se construisent les savoirs scientifiques? Ce sont, en quelque sorte les questions que pose la sociologie des sciences, l'objet de cet essai.
Yves Gingras fait ici le choix de nous présenter les différents visages de la sociologie des sciences, non pas
en adoptant un regard historique ou chronologique, mais en illustrant les différentes échelles d'observation utilisées par ses collègues sociologues. Il va ainsi d'une échelle macrosociologique où il est question des rapports entre science et société (science et religion, science et démocratie, institutionalisation des sciences, ...) à un niveau mésosociologique où il développe sur ce qu'il nomme "le système social de la science", sur les règles et les normes qui régit son fonctionnement. Puis, Gingras s'intéresse aux travaux des sociologues des sciences qui sont intervenus à un niveau microsociologique en examinant les déterminants sociaux des connaissances scientifiques, en tentant donc de répondre à la question de savoir si le développement des connaissances scientifiques dans un contexte précis (lieu et temps) peut être déterminé ou influencé par des facteurs sociaux et culturels par l'examen, notamment, des intérêts sociaux, politiques et idéologiques, mais aussi cognitifs et techniques qui interviennent.
L'ouvrage de Gingras vient enrichir le regard que je porte sur mes lectures de sciences ou d'histoire des sciences.

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :
Gingras
Yves
Histoire des sciences
Gingras
Yves
L’impossible dialogue, Sciences et religions 
Gingras
Yves
Les dérives de l’évaluation de la recherche 




mardi 24 décembre 2013

Théorème vivant - Cédric Villani

Un dimanche à 13 heures ; le laboratoire serait désert, s'il n'y avait deux mathématiciens affairés. [C.V.]
Cédric Villani est un mathématicien français de haut niveau, récipiendaire de la Médaille Fields, l'une des plus hautes distinctions en mathématiques avec le Prix Abel, l'équivalent pour les mathématiciens d'un prix Nobel. Il aurait pu se réfugier dans la communauté mathématique et limiter au minimum ses interventions avec la société séculière, mais, conscient de l'impact qu'il peut avoir, il n'a jamais hésité à faire connaître ses opinions sur l'enseignement des maths, sur leur vulgarisation ou sur leur place dans l'univers des sciences comme dans notre quotidien.
Mais, ici, en nous livrant ce Théorème vivant, il n'a pas voulu s'engager sur le terrain de la vulgarisation, il nous offre plutôt une oeuvre impressionniste où il cherche à nous faire sentir ce que peut représenter la recherche de ce niveau en mathématiques. On l'accompagne ainsi dans les démarches, les avancées, les hésitations, les doutes, les illuminations, les éclairs et les échanges quasi quotidiens avec son collaborateur pour l'établissement d'un théorème sur l'amortissement Landau dans l'équation de Boltzman (ou quelque chose du genre). Bien qu'on aura droit aux éléments de sa preuve et à des extraits de la démontration qui fera l'objet d'une publication importante, le contenu mathématique n'est ici que pour illustrer ce sur quoi travaille le chercheur, l'objet de sa passion.
On accompagnera l'auteur dans ses virées internationales, dans ses rencontres mathématiciennes, dans quelques moments familiaux, dans ses réflexions entourant une offre pour la direction de l'Institut Henri-Poincaré (qu'il acceptera).
Il nous montrera comment en recherche mathématique, il importe d'établir des liens entre des objets apparemment sans relation et que souvent c'est de ces liens que naissent de nouvelles approches, de nouvelles idées, de nouvelles théories.

En mathématique, c'est comme dans un roman policier ou un épisode de Columbo : le raisonnement par lequel le détective confond l'assasin est au moins aussi important que la solution du mystère elle-même. [p.45]

Les liens entre mathématiques et poésie sont très importants. Dans les deux cas, l'importance accordée à la forme est capitale. Le poète délivre un vers et le mathématicien une formule. Ils font le même travail de recréer le monde, au sens étymologique de "poiein". Le mathématicien travaille sur le reflet d'un système physique, et à travers une équation ou deux, il recrée les caractéristiques de ce système. [Extrait d'une entrevue sur vousnousils.fr, juin 2013]