dimanche 24 janvier 2021

L'avenir - Catherine Leroux

Dix jours après l’arrivée de Gloria, le voisin est tué en pleine rue. [C.L.] 

Catherine Leroux, dont j’avais apprécié les histoires anonymes de solitudes regroupées autour de la mort d’une mystérieuse Madame Victoria ou encore le style assumé dans la traduction réussie du magnifique Nous qui n’étions rien de Madeleine Thien, nous transporte ici dans un Fort Détroit imaginé, un Fort Détroit survivant et demeuré francophone, un Fort Détroit abandonné où les quelques habitants tentent de faire revivre des lieux à la dérive. C’est donc à l’intérieur de cette surprenante uchronie que Gloria, en deuil de sa fille, est à la recherche de ses petites-filles depuis disparues. Dans ce milieu violent, dur et a priori inhospitalier, Gloria va trouver une étonnante solidarité faite de bienveillance et de liberté. C’est cet équilibre parfois précaire entre la rudesse du lieu et la coopération de certains de ses occupants qui apporte à cette histoire du futur l’espace nécessaire pour qu’une subtile lumière puisse s’insérer. L’avenir, c’est aussi un regard sur le temps, sur notre rapport ambigu avec demain, sur notre perception de l’enfance et les relations intergénérationnelles. L’avenir, c’est aussi une lueur d’espoir.

La ville des révoltes, des faillites, des injustices et des balles perdues, la ville des mauvais sorts, des pyromanes, des esprits frappeurs. [C.L.]

Un mobile en disques vinyle flotte au vent ; en passant dessous, elle perçoit un subtil air de blues qui s’en échappe. [C.L.]

[...] la frénésie du doute, le supplice de l’impuissance accélèrent sa présence au monde. [C.L.]

Qu’est-ce qui disparaît lorsque meurt un ami ? [...] Une des choses qu’on perd, pense Salomon, c’est celui qu’on était avec cette personne, les parties de nous qu’elle faisait exister. Dans le cas d’un ami aussi ancien, on est également dépouillé du souvenir de ce qu’on a été. Plus personne, désormais, ne se rappelle le Salomon de vingt ans, amoureux fou, demandant à César d’être son témoin à un mariage qui n’aurait pas lieu. Plus personne ne peut décrire le garçon de treize ans qui jouait aux dés dans la rue pour payer ses leçons de musique, qui fuyait les brutes du secondaire, qui lançait des roches à la police. Plus personne ne se souvient de la tête qu’il faisait lorsqu’à cinq ans on l’avait assis pour la première fois devant un piano droit. [C.L.]

[...] pour la première fois, il a compris ce qui poussait Bègue vers les livres : la sensation de découvrir une réalité jusqu’alors impossible à concevoir mais qui, une fois saisie, s’avère présente depuis longtemps, pesant sur l’esprit comme seules les vérités qu’on ignore peuvent le faire. Les mots font apparaître les choses qui sont déjà là. [C.L.]

Appréciation 3,5/5

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Leroux

Catherine

Madame Victoria

30/10/2017

Thien

Madeleine

Nous qui n’étions rien

22/11/2019


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