vendredi 2 septembre 2022

L’Indifférent - Marcel Proust


Madeleine de Gouvres venait d'arriver dans la loge de Mme Lawrence.
[M.P.]


Proust aurait écrit cette nouvelle vers l'âge de vingt-deux ans. Initialement publiée dans La vie contemporaine, elle aurait été oubliée de tous jusqu'à ce que Philip Kolb, un spécialiste de la correspondance de l'auteur, la récupère. On retrouve sans surprise dans ces quelques pages des thèmes proustiens comme l'amour non partagé, mais l'intérêt se situe aussi dans la préface ou on a l'histoire de sa découverte et l'identification des passages qui sont en lien avec l'œuvre maîtresse, la Recherche. Je crois que cela vaut le court détour.


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Proust

Marcel

Sur la lecture 

26/11/2014


vendredi 5 août 2022

Sommes-nous ce que nous lisons ? - Georges Orwell

À l’époque où je travaillais dans une bouquinerie – un endroit que l’on imagine souvent, lorsqu’on n’y travaille pas, comme une sorte de paradis où de vieux messieurs charmants feuillettent à jamais des volumes reliés dans du cuir de veau –, ce qui ne laissait pas de m’étonner était l’extrême rareté des véritables amateurs de livres. [G.O.]
Cette petite plaquette regroupe quatre textes écrits par l'auteur de 1984 et des récits Hommage à la Catalogne et Dans la dèche à Paris et à Londres, quatre textes qui s'intéressent au rapport aux livres : Souvenirs de librairieConfessions d’un critique littéraireLes bons mauvais livres et Des livres ou des cigarettes. C'est dans un style simple, direct qu'Orwell nous fait part, avec une pointe d'humour, de ses expériences de libraire et de critique. On ne peut que constater la pertinence toujours actuelle de ses propos et cela nous questionne sur notre propre relation aux livres et au monde littéraire.

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Orwell

George

Dans la dèche à Paris et à Londres

11/05/2017


lundi 1 août 2022

Le lectueur - Jean-Pierre Ohl

- Alors, Herr Professor, on a bien mis sa couche ? On est prêt pour le dodo ? [J.P. O.]

Un trio improbable enquête à propos d'une guillotine littéraire et bordelaise. Des messages attribués au lectueur et adressés à des auteurs dont l'histoire de vie n'est pas toujours claire, quelques décès suspects et des symboles sortant du passé viennent titiller le groupe qui s'articule autour d'un vieux libraire écossais et bourru, son ami flic à la retraite ainsi qu'une étudiante en classe préparatoire qui tente de réorganiser la petite librairie débraillée. Voilà, le décor est dressé pour propulser une recherche qui s'aventurera dans d'autres époques, à l'intérieur de milieux littéraire, critique et universitaire qui se laissent bien décrire avec une touche sarcastique tout à propos. J'ai bien aimé ce voyage rue Porte-Dijeaux accompagné de personnages savoureux dans un cadre relevant du polar comme de l'érudition littéraire. Les personnes qui m'ont offert cet exemplaire ne se sont pas trompées.

mercredi 6 juillet 2022

La disparition de Perek - Hervé Le Tellier

La sueur perlait sur le front de l'adolescente qu'une tente stérile protégeait du monde extérieur. [H.L.T.]

Je ne pouvais d'aucune façon passer outre la lecture de ce roman policier si bien nommé de la série du Poulpe. Qu'Hervé Le Tellier ait osé intituler ainsi sa contribution à cette déroutante collection inaugurée par Jean-Bernard Pouy, cela me sidérait. J'ai donc plongé avec assiduité et constance dans une lecture réjouissante de cette réédition. Le plaisir ne s'est pas effrité, loin de là, lorsque je m'aperçus que la lecture philosophique imposée du protagoniste, Gabriel Lecouvreur surnommé Le Poulpe, n'était autre que la correspondance entre Stefan Zweig et Jean-Baptiste Botul. Les références et autoréférences s'alignent tout au long de ce polar pour créer un environnement qui rappelle l'intertextualité chère aux membres de l'Oulipo. Voilà donc une enquête qui se déroule dans un Paris qui s'étale autour du café-restaurant dit de spécialités régionales Au Pied de Porc à la Sainte-Scolasse, lieu culte du Poulpe et départ de l'aventure, aventure qui va du décès d'un dealer anonyme à une machination internationale. Le Poulpe, pour mener cette enquête et notre grand bonheur, regroupera une équipe improbable. J'ai passé un bon moment dans cet univers fictionnel.

Lorsqu'il se réveilla, deux heures plus tard, il était en forme et l'heure de son rendez-vous. [H.L.T.] 

- 53 jours, le nom de la librairie...
- Ah ? À cause du numéro dans la rue, et de
La Chartreuse de Parme
- Quel rapport ?
- C'est le temps qu'a mis Stendhal à l'écrire.
 [H.L.T.]

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Le Tellier

Hervé

L’anomalie

07/11/2020

vendredi 27 mai 2022

La vie et les opinions de Tristram Shandy - Laurence Sterne

Je l'ai toujours dit : il auroit été à souhaiter que mon père ou ma mère, et pourquoi pas même tous deux, eussent apporté quelque attention à ce qu'ils faisoient, quand il leur plut de me donner l'existence. [L.S.]

Quelle oeuvre particulière, surprenante et déstabilisante que ce roman britannique datant de 1759-1760 ! Laurence Sterne tente d'y faire sous une forme satirique une pseudo-autobiographie du narrateur, Tristram Shandy, en débutant avec les circonstances entourant sa naissance qui, déjà, s'étalent sur quelques centaines de pages.  La vie et les opinions de Tristram Shandy est une ode à la digression. C'est un roman univers qui s'illustre par sa non-linéarité, un roman où l'auteur engage le lecteur dans son écriture, s'en soucie et lui offre des pages de réflexions, d'autres de détente, se permet des chemins de travers, des apartés, des parenthèses sinon des divagations, qui ne craint pas le coq-à-l'âne, qui nous entraînent allégrement dans l'exploration des travers de la famille, les obsessions éducatives du père ou les fixations de l'oncle sur les fortifications et les batailles célèbres. On y retrouve quelque chose de Rabelais, de Montaigne, de Swift ou encore de Cervantès et Sterne n'hésite pas à y faire référence dans ses réflexions étalées dans une multitude de courts chapitres qui se déploient en autant de dimensions. Il y a comme une espèce de fascination qui s'installe à la lecture de ce roman. 

On comprend alors pourquoi Georges Perec a pu faire de Sterne l'une de ses figures tutélaires parmi d'autres comme Flaubert, Kafka, Roussel ou Queneau. La vie et les opinions de Tristram Shandy ne serait-il pas une concrétisation d'un plagiat par anticipation, un concept défendu par les membres de l'Ouvroir de littérature potentielle ? En toute chose, la non-linéarité, l'intense utilisation de l'anecdote, la mise en abyme, la multiplicité du temps sont toutes des caractéristiques qui m'invitent à faire référence à une autre oeuvre monde, La vie mode d'emploi. Ce n'est pas sans me plaire. 

La vie et les opinions de Tristram Shandy est essentiellement constituée de digressions, de parenthèses et d'écarts. Dans un chapitre intitulé L'éloge et l'utilité des digressions, Laurence Sterne par la voix de Tristram Shandy n'écrit-il pas : « Les digressions sont incontestablement la lumière, la vie, l'âme de la lecture. » Je peux difficilement le contredire lorsque je me remets en mémoire certaines oeuvres qui m'ont marqué comme La mezzanine de Nicholson Baker, Si par une nuit d'hiver un voyageur de Calvino, La vie mode d'emploi déjà cité ou les écrits de Richard Brautigan, d'Éric Chevillard ou de Jean-Marie Blas de Roblès qui, tous, ne font pas l'économie de la digression et du pas de côté.

Je suis né, voilà la seule chose dont je n’aie pas à douter ; et je dois encore cet avantage au hasard qui préside à toutes mes aventures. [L.S.]

Quand un homme fait le tour de la terre, sa tête fait quelques cent milles de plus que ses talons. [L.S.]

Ceux qui ne se soucient pas d’approfondir les choses, peuvent passer, sans lire, ce qui reste de ce chapitre. — Je ne l’écris que pour les curieux qui aiment et qui cherchent des choses abstraites.  [L.S.]

À quelles peines ne s’expose point en effet un homme qui se met à écrire l’histoire ? Ne fût-ce que celle du petit Poucet, il ne sait jamais les obstacles et les embarras qu’il pourra rencontrer, ni les détours qu’il sera obligé de prendre, ni les digressions qu’il sera forcé de faire.  [L.S.]

Une fois qu’on a conçu une opinion, tout ce qu’on entend, tout ce qu’on voit, tout ce qu’on lit, semble concourir à la fortifier. [L.S.]

Ce seroit à la fin abuser de ma complaisance, si, à chaque fois que je parlerai d’une chose, il falloit que je l’expliquasse. [L.S.] 

De toutes les machines qui existent, frère Tobie, dit mon père avec un air sérieux, l’homme est sans contredit la plus curieuse. [L.S.] 

C’est ce qui me conduit à l’affaire des moustaches ; mais par quelle succession d’idées ? En bonne foi, croyez-vous que je le sache ?  [L.S.]

Après un chapitre comme celui qu’on vient de voir, et surtout après la manière dont il finit, il faut nécessairement insérer quatre ou cinq pages de matières hétérogènes, pour maintenir une juste balance entre la sagesse et la folie. [L.S.]

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Laurence

Voyage sentimental à travers la France et l’Italie

30/10/2022