Il n’y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré. [M.P.]Ma première lecture de Marcel Proust. C'est en fait un ouvrage de quelques pages puisqu'il était destiné à constituer la préface de la traduction de Sésame et les Lys de John Ruskin. Il s'agit toutefois d'un texte dont la nature même allait bien au-delà de sa fonction première et dont la forme comme le contenu supposaient une vie littéraire plus longue que le roman qui en avait été l'initiateur ou le prétexte.
Si je n'avais abordé encore Proust, c'est sûrement signe d'une certaine crainte, d'une certaine gêne devant l'ampleur de l'oeuvre, une importance qui se mesure au nombre de tomes d'À la recherche du temps perdu, à la longueur de ses phrases ou à l'influence que Proust a eue sur la littérature du XXe siècle.
J'ai donc attendu qu'un texte et un corpus plus restreint s'offrent à moi et, le moment propice se présentant, j'ai plongé. Je n'aurai pas regretté et j'ai ainsi pu sentir l'attrait que la plume de Proust peut exercer sur ses lecteurs depuis plus d'un siècle.
Puis la dernière page était lue, le livre était fini. Il fallait arrêter la course éperdue des yeux et de la voix qui suivait sans bruit, s’arrêtant seulement pour reprendre haleine, dans un soupir profond. [...] Alors, quoi ? ce livre, ce n’était que cela ? Ces êtres à qui on avait donné plus de son attention et de sa tendresse qu’aux gens de la vie, n’osant pas toujours avouer à quel point on les aimait, et même quand nos parents nous trouvaient en train de lire et avaient l’air de sourire de notre émotion, fermant le livre, avec une indifférence affectée ou un ennui feint ; ces gens pour qui on avait haleté et sangloté, on ne les verrait plus jamais, on ne saurait plus rien d’eux. [M.P.]
Aucun commentaire:
Publier un commentaire