mercredi 11 août 2021

L'homme-dé - Luke Rhinehart


Au physique, je suis un homme grand et fort, avec de grosses mains de boucher, des cuisses comme des troncs, une mâchoire taillée dans le roc, et des lunettes massives aux verres épais. [L.R.]

Il y avait déjà plusieurs années que L’homme-dé faisait partie de ma liste de livres à lire, je ne sais pour quelle raison obscure j’hésitais à l’entreprendre. Puis le hasard (tiens, tiens!) a fait qu’il a croisé de nouveau ma route et je n’ai pu me retenir plus avant. J’ai donc plongé dans cette lecture qui m’avait plus d’une fois été recommandée (merci à celles et ceux qui ont insisté). 

Quel livre étrange! Le personnage principal porte le même nom que l’auteur s’est donné comme pseudonyme, ce serait ainsi un roman en partie autobiographique. On dirait peut-être maintenant une autofiction.  Luke Rhinehart, le personnage, est psychanalyste. Il se sent piégé dans sa vie, piégé dans le rôle qu’il doit y jouer, piégé par la trame de son récit et l’avenir que lui impose l’image qu’il projette comme celle que les autres lui assignent. À la recherche de ses autres personnalités, des autres avenues de son parcours, des voies de traverse, des espaces insoupçonnées, il confie quelques-unes de ses décisions au Hasard et une Voie Royale s’ouvre à lui. Voilà la façon d’exprimer chacune des infinies facettes d’un itinéraire sans tracé, d’un parcours aléatoire, d’une vie ouverte.  

Puis, une nouvelle philosophie naît de ce dé. Rhinehart essaime et propage sa façon d’être en imaginant des dé-thérapies pour ses amis comme pour ses patients. Des dé-centres, ces institutions qui transforment les gens en personnes de hasard, sont établis. Seul le Hasard peut dé-terminer jusqu’où se propagera cette manière d’être, ces existences aléatoires, ces personnes-dés.

Livre culte dans les années 70, L’homme-dé n’a rien perdu de sa verve iconoclaste. Quel que soit le résultat du dé, on embarque et on se laisse mener toujours plus loin dans la dé-mesure.

« Le style fait l’homme », dit un jour Richard Nixon, et il passa sa vie à ennuyer ses lecteurs. [L.R.] 

C’est la façon dont un homme choisit de se limiter qui détermine son personnage. Un homme sans habitudes, sans cohérence, qui ne se répète pas, donc ne s’ennuie pas, n’est pas humain. Il est fou. [L.R.] 

mercredi 4 août 2021

Monstrueuse féérie - Laurent Pépin

Il y a toujours une fenêtre que je laisse ouverte pour que les Monstres puissent entrer. [L.P.]

L’auteur, Laurent Pépin, m’a offert de faire la lecture de son conte. Je l’en remercie. Je m’attendais à une oeuvre du domaine du fantastique, mais c’est à un tout autre univers dans lequel j’ai été immergé. Et puis, dès les premières pages, je n’ai pu empêcher que des souvenirs datant de près de 50 ans remontent en moi et viennent interférer ou se surimposer au texte. En effet, alors étudiant, j’ai travaillé pendant cinq années dans un hôpital psychiatrique. Cette lecture a ainsi fait renaître des images de longs corridors grisâtres, d’âmes en peine circulant en longeant les murs, de poètes déclamant des textes incompréhensibles, mais on ne peut plus ressentis lors de décompensation. Les Monuments dont parle l’auteur, je les ai côtoyés et la lecture de Monstrueuses fééries a réveillé cette vive expérience.

C'est dans un style déroutant, mais efficace que Laurent Pépin nous offre ce portrait poétique d'un monde schizophrène qui bascule entre réalité, rêve et hallucinations, un monde qui cherche à engloutir celles et ceux qui s'y frottent, un monde qui se propulse au-delà de ses limites.  Voilà une nouvelle en forme de conte qui se lit comme une expérience esthétique et émotionnelle. 

J’avais été embauché en tant que psychologue dans le service pour malades volubiles du Centre psychiatrique, et mon travail de recherche, au- delà des interventions à but thérapeutique, consistait pour l’essentiel à établir des ponts entre la poésie classique ou contemporaine et le contenu délirant des décompensations poétiques des patients du Centre. [L.P.]

Les saisons avaient été remplacées par l’automne. Je ne travaillais plus. Le soleil se levait à n’importe quelle heure, quand il se levait. [L.P.] 

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Pépin

Laurent

Angélus des ogres

13/03/2022


dimanche 25 juillet 2021

Sur le bout de la langue - Bertrand Périer

Les mots sont mes plus chers compagnons. [B.P.]
Voici un petit ouvrage a priori délicieux. Un amateur et amoureux des mots nous offre un parcours du vocabulaire associé à divers domaines. L'auteur, lui-même avocat, a avec le mot juste une relation qui dépasse bien celle qu'il aurait pu développer en raison de son travail. S'il aborde le champ juridique, bien sûr, il se permet des incursions dans le lexique associé à plein d'autres univers, que ce soit celui de la politique, celui des religions, de la nourriture, ou encore de la musique. J'y ai trouvé quelques perles, l'ensemble m'a assurément amusé, mais il demeure que j'en suis sorti un peu déçu. Peut-être y avais-je placé trop d'espoir ?
Enfant, dictionnaires et encyclopédies m’ont accompagné. Je les feuilletais avec gourmandise et passion, ils étaient des fenêtres ouvertes sur la science, l’art, l’histoire, les civilisations anciennes ou éloignées, la nature, la géographie.  [B.P.]
Je suis mélomane. Il y a quelque chose d’un peu étrange dans ce mot. Y aurait-il inévitablement dans l’amour de la musique une forme de « manie », d’excès, d’obsession, de démesure, de vice, de folie ? Serait-on mélomane comme on est mégalomane, mythomane, graphomane ou cocaïnomane ? Ne pourrait-on aimer la musique raisonnablement, la « consommer avec modération », selon les objurgations contemporaines des sociétés aux plaisirs tièdes ? L’amour de la musique est le seul que l’on désigne par un terme qui exclut la demi-mesure : on est bibliophile, on est cinéphile, on est francophile, mais on est mélomane ! [B.P.] 

 

dimanche 18 juillet 2021

Le banquier anarchiste - Fernando Pessoa


Nous finissions de dîner. En face de moi, mon ami le banquier, commerçant et accapareur notoire, fumait, l'air absent. [F.P.]

Voici un roman qui se présente tel un dialogue où l’ami banquier avance une suite d’argumentaires logiques, comme un enchevêtrement d’énoncés construisant peu à peu un raisonnement rappelant la façon de faire de Dupin dans Double assassinat sur la rue Morgue d’Edgar Allan Poe. Toutefois, les diverses conclusions, les étapes de cet échafaudage de syllogismes, s’empilent et se bousculent pour mener à une chute pour le moins paradoxale. La chute ne surprend pas en elle-même, elle est annoncée dès l’ouverture, c’est la fabrication de l’édifice logique qui constitue le sujet littéraire de ce roman. Mais, au-delà de ce tour de force, Pessoa avance les critiques de son monde. Du même geste, il dénonce la société bourgeoise et le communisme montant. Écrit et publié en 1922, par certains de ses thèmes, Le banquier anarchiste pourrait rappeler Le monde qui pourrait être de Bertrand Russell édité en 1918.

« Au fait : on me disait l'autre jour qu'autrefois, vous aviez été anarchiste...
- Que j'ai été, non : je l'ai été et je le suis toujours. Je n'ai pas changé sur ce point. Je suis anarchiste.»
[F.P.]

vendredi 9 juillet 2021

Sapiens, a graphic History, The Birth of humankind - Y.N.harari, D.Vandermeulen, D.Casanave

About 14 billion years ago, matter, energy, time and space came into being in what is known as the Big Bang. The story of these fundamental features of our universe is called physics. [Y.N.H]

J'avais lu l'essai Sapiens, une brève histoire de l'humanité et ce parcours macroscopique de l'histoire du genre humain m'avait beaucoup plu. J'y avais reconnu le talent de vulgarisateur de Harari. Cette aptitude, il la met ici, encore une fois et de merveilleuse façon, à contribution en s'alliant avec des habitués du médium de la bande dessinée pour nous offrir une joyeuse adaptation en roman graphique de son oeuvre maîtresse. On ne peut que conclure que le mandat a été respecté. Ce n'est pas une simple transcription en BD, c'est plutôt une nouvelle mise en scène autour d'une partie du contenu de l'essai qui porte le même nom. Yuval Noah Harari devient lui-même un personnage de l'aventure. Il s'agit là d'un artifice intéressant. Cette quête à propos de l'histoire de l'humanité, des origines jusqu'au procès de cet homo sapiens nomade qui a semé la mort lors de ses déplacements, nous transporte des premières pages jusqu'à la toute fin de ce premier volet.

Je demeure en attente de la suite.

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Harari

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Homo Deus, une brève histoire de l’avenir

29/05/2019

Harari

Yuval Noah

Sapiens, une brève histoire de l’humanité 

05/08/2016