Et je garde ce goût de terre dans mes yeux.
Un blog qui, de Montréal à Bordeaux, tente de toucher toutes les rives et se permet toutes les dérives.
mardi 17 juillet 2018
Mon cœur à l’étroit - Marie N’Diaye
C’est étrange d’avoir cette empreinte. J’ai écrasé la 4ème de couverture, il y a 10 jours maintenant. Et mon souffle est toujours aussi terreux.
L’histoire d’un
couple d’enseignants bien sous tous les angles, les rebords et les
rapports. Un modèle de normalité où tout semble bien pesé, mesuré. Rien
ne dépasse. Nadia et Ange. Même dans leurs prénoms, il y a cette
résonance.
Pourtant. Un jour. Pour rien, peut-être, les regards
extérieurs sont distants, fuyants, haineux même. Nadia et Ange
deviennent monstrueux.
La descente commence. La brume bordelaise
capture Nadia, la perd, la dissout pendant qu’Ange s’achève dans le lit
avec sa plaie gigantesque dont l’odeur me remue encore l’intérieur.
La
puissance de l’écriture de Marie N’Diaye m'entraîne au-delà des
frontières : je crois basculer sur de la SF mais en réalité c’est du
polar, non du roman noir, des recettes de cuisine non c’est pas ça, je
ne sais plus. La réalité ?
Tout dans ce livre se vit, la brume
qui gonfle dans mon ventre, les questions qui frappent mon cœur de plus
en plus fort, les personnages qui jouent des rôles aussi étranges
qu’inquiétants, les plats cuisinés au scalpel, la ville qui me pousse à
fuir mais en même temps je veux comprendre, je veux savoir.
Oui, j’ai ce
désir-là.
J’aime ce bouleversement, ce déséquilibre surnaturel, cette grâce qui fait danser les ombres épaisses entre les lignes.
Et je garde ce goût de terre dans mes yeux.
Et je garde ce goût de terre dans mes yeux.
dimanche 15 juillet 2018
La Fabrication de l'aube - Jean-François Beauchemin
Un jour, je suis mort. [J.F.B.]Ce récit datant de 2006 ne pourrait d'aucune façon être plus personnel. Cette tranche de vie que nous narre Jean-François Beauchemin n’est ni plus ni moins qu’une expérience traumatisante. Terrassé par une grave maladie, il vivra un coma de plusieurs jours. On l'accompagne dans ses réflexions, ses émotions, son retour à la vie, son retour à l'amour, à travers ses proches et ses expériences d'écriture. Sa famille, ses parents, ses frères, sa soeur et sa conjointe occupent des places privilégiées dans ce récit. On aurait pu craindre que cette expérience de presque mort entraîne un regard larmoyant ou celui d’une victime, mais la plume de Beauchemin nous entraîne plutôt vers une renaissance, une refondation, une nouvelle aube pour son écriture.
Je remercie sans cesse l’espèce de hasard ordonné qui me fait devenir chaque jour un peu plus écrivain et me permet donc de recouvrir les choses de l’exact manteau des mots. [J.F.B.]C'est probablement un ouvrage particulier dans l'oeuvre de Beauchemin, mais je ne suis pas déçu d'aborder cet auteur sous cet angle autobiographique et foncièrement intime. Libre à moi, maintenant, de découvrir d’autres romans qu’il a commis.
Mais le sommeil, cette petite tombe, renferme en lui-même un bijou précieux: le rêve, révélateur prodigieux de toutes nos souffrances. [J.F.B.]
Il me semble que, plus que les gens, plus que le travail, plus que les écoles, c’est le temps qui nous invente. [J.F.B.]
C'est un livre que j'ai écrit presque malgré moi, sans doute parce que je tremble à la simple évocation des faits que j'y raconte. [J.F.B.]
lundi 9 juillet 2018
Tentative d'épuisement d'un lieu parisien - Georges Perec
Il y a beaucoup de choses place Saint-Sulpice, par exemple: une mairie, un hôtel des finances, un commissariat de police, trois cafés dont un fait tabac, un cinéma, une église [...] [G.P.]

La date : 19 octobre 1974 (samedi)
L'heure : 10 h 45
Le lieu : Tabac Saint-Sulpice
Le temps : Pluie fine, genre bruine [G.P.]_________
Sur Rives et dérives, on trouve aussi :
Burgelin | Claude | Album Georges Perec |
Decout | Maxime | Cahiers Georges Perec, no 13, La Disparition, 1969-2019 : un demi-siècle de lectures |
Évrard | Franck | Georges Perec ou la littérature au singulier pluriel |
Perec | Georges | Cantatrix Sopranica L. et autres écrits scientifiques | |
Perec | Georges | Espèces d’espaces |
Perec | Georges | Georges Perec |
Perec | Georges | L’attentat de Sarajevo | |
Perec | Georges | La vie mode d’emploi |
Perec | Georges | Le Voyage d’hiver et ses suites |
Perec | Georges | Penser / classer |
Perec | Georges | Un cabinet d’amateur, Histoire d’un tableau | |
Perec | Georges | Un homme qui dort |
mardi 3 juillet 2018
Madame Pylinska et le secret de Chopin - Éric-Emmanuel Schmitt
Dans la maison de mon enfance vivait un intrus. [É.-E.S.]Éric-Emmanuel Schmitt a manifestement un don pour raconter des histoires où la tendresse, la sentimentalité, le goût du bonheur et les bons sentiments prennent place. Il frôle parfois les frontières du facile, du kitsch et du lieu commun, mais je ne sais comment il fait, on ne s'en offusque pas ou peu, on se laisse mener et ses mots nous amènent où il le veut. Ici, c'est du côté de la musique. Il nous avait déjà charmés en abordant Mozart ou Beethoven. Ce sera maintenant Chopin. Enfin, Chopin deviendra le prétexte pour narrer sa relation avec madame Pylinska, son originale professeure de piano qui n'hésite pas à utiliser des moyens hors norme pour que le jeune Éric-Emmanuel prenne conscience de tout ce que porte la musique, de tout ce qui est au-delà de la technique, de l'univers qui s'étale derrière et au-dessus des notes, du secret de Chopin.
Je vous apprends à devenir un artiste, pas un Narcisse. Dirigez la lumière sur la musique, non sur vous. Oh! ces virtuoses qui s'intercalent entre le morceau et le public, je les dézinguerais à la carabine. [É.-E.S.]
______
Sur Rives et dérives, on trouve également :
Schmitt
|
Éric-Emmanuel
|
L’élixir
d’amour
|
|
Schmitt
|
Éric-Emmanuel
|
Les dix enfants que
madame Ming n’a jamais eus
|
mercredi 16 mai 2018
1144 livres - Jean Berthier
Je suis né le jour de ma naissance. [J.B.]

Ma mère, comme dans un conte cruel pour enfants, s'était transformée en livres. Plus rien ne subsistait d'elle que ces innombrables pages serrées les unes contre les autres. C'était son faire-part de décès. [J.B.]Hommage au livre et à la lecture, c'est, en même temps, un regard intime sur la relation qu'entretient le narrateur avec une bibliothèque qui n'est pas la sienne, avec un ensemble de livres où il cherche un fil, un lien, une piste qui expliquerait quelque chose de sa filiation inconnue.
Hélas! Je n'étais plus le lecteur d'un roman auquel j'étais prêt à souscrire; j'étais le protagoniste d'une histoire à laquelle je ne voulais pas croire. [J.B.]
... ce monde où, par extraordinaire, j'étais tous les personnages et celui qui les regardait vivre. [J.B.]
On fait des livres le sanctuaire de la mémoire; mais ils sont tout autant le puits sans fond de l'oubli. [J.B.]
Arpenter la bibliothèque d'un autre, c'est traverser un pays dont on connaît la langue mais dont l'étrangeté grandit à mesure qu'on y pénètre. [J.B.]
Aussi fait-il imaginer le lecteur comme l'homme paradoxal par excellence qui ne peut combler sa curiosité de la vie qu'en s'en détournant. [J.B.]C'est à une belle réflexion sur la lecture que nous convie Jean Berthier dans ce premier roman. Par ma propre lecture de ce court roman, j'ai pris part à cette réflexion et j'en sors heureux.
J'ouvris un livre et j'embarquai. [J.B.]
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