mercredi 27 novembre 2019

Les amants du Spoutnik - Haruki Murakami


Au printemps de sa vingt-deuxième année, Sumire tomba amoureuse pour la première fois de sa vie. [H.M.]
On ne se trompe pas en abordant un roman du prolifique Murakami. On reconnait sa touche simple, sa plume limpide, son style fluide ainsi que sa façon bien personnelle de traiter de l'amour, de la transition entre l'adolescence et l'âge adulte et de la quête identitaire que cela génère. K., un jeune enseignant solitaire, est amoureux de son amie Sumire qui, elle, désireuse de devenir romancière, se voit subjuguée par une étrange dame qui l'engage comme secrétaire particulière et l'entraîne dans ses pérégrinations et ses silences. De Tokyo à une petite île grecque, de Rome à la Bourgogne, ce roman d'amoureuses et d'amoureux se teinte d'un mystère paré, comme on s'en doutera, de la touche très légèrement fantastique propre à notre auteur.

Je n'aurai pas été déçu, loin de là.
Il est temps que je parle de moi. Bien sûr, cette histoire est celle de Sumire, pas la mienne. Mais comme je suis le narrateur et que Sumire est vue à travers mon regard, il me paraît nécessaire d’expliquer dans une certaine mesure qui je suis.  [H.M.]

À travers l’écriture, je renouvelle quotidiennement l’affirmation de mon existence. [H.M.] 

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vendredi 22 novembre 2019

Nous qui n'étions rien - Madeleine Thien

En un an, mon père nous a quittées deux fois. [M.T.]
S'agit-il de synchronicité, de coïncidence ou d'une certaine intertextualité avec l'histoire qui s'écrit ces jours-ci? J'étais plongé dans la lecture de ce magnifique roman influencé par la musique de Bach et un mystérieux assemblage de calepins réunis dans Le Livre des Traces, dans ce récit personnel et familial où une narratrice mathématicienne se met à la recherche de soi et de ses racines prenant pour décor l'aventure chinoise, de la révolution culturelle aux événements de Tiananmen quand les journaux télévisés rapportent de similaires agitations à Hong Kong.

C'est par les yeux de celles et ceux qui le vivaient que nous sont racontés le soulèvement et les manifestations de la place Tiananmen. Cela s'incarne ainsi d'une façon plus intense et il est impossible, ensuite, de porter le même regard sur cet élément d'histoire comme sur l'actualité qui en prend la forme.

C'est la quête de Marie et celle d'Ai-Ming pour reprendre contact avec leur passé qu'on retrouve dans Nous qui n'étions rien, mais c'est également une odyssée chinoise où les malaises, les douleurs et les rêves d'une multitude de personnages attachants, dont plusieurs sont musiciens, nous sont révélés à l'aide d'une plume qui semble s'inspirer de la pensée chinoise comme de la musique. Elle présente une admirable fluidité.
Wen lui avait raconté des histoires sur le désert, sur le camarade Oeil de verre et sur son père, l'Oiseau du silence. Vrille lui parlait de Grande Mère Couteau, de Dame Dostoievski et de Zhuli. [M.T.] 
- Vous seriez surpris du peu de gens qui savent raconter une histoire, disait le Vieux Chat. [M.T.]
Si tu aspires à ce qui n'est pas en toi, Jamais tu n'obtiendras ce que tu désires. [M.T.]
Le 18 mai 1996, je regardais la télévision tout en essayant de résoudre un problème ardu (Supposons que D est un nombre entier positif qui n'est pas un carré parfait. Prouvez que la fraction continue de √D est périodique.) quand le téléphone a sonné. [M.T.]
 À l'intérieur de la pureté du do se cachait un éventail d'harmoniques riches et l'écho des autres do, comme un homme vêtu de plusieurs habits ou une grand-mère portant tous ses souvenirs en elle. [M.T.]
Je conservais les papiers de mes parents dans le placard de ma chambre et, sur le mur, une citation de Cantor : L'essence des mathématiques, c'est la liberté. [M.T.]
Était-ce son imagination, ou y avait-il une question soigneusement pliée dans cette question? [M.T.]
La seule façon de traverser la rivière est de chercher les pierres avec ses pieds. [M.T.]
Devant, le chemin est loin et long, mais je chercherai de long en large. [M.T.] 

dimanche 3 novembre 2019

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon - Jean-Paul Dubois

Il neige depuis une semaine. [J.-P.D.]
Retrouver la plume de Jean-Paul Dubois, un héros prénommé Paul et une tendre mélancolie, que du bonheur! L'écriture simple teintée d'humour subtil et de sensibilité assumée de Dubois est, dans ce contexte, exactement ce qu'il fallait pour narrer cette histoire à plusieurs volets, se situant sur plusieurs plans, s'étalant en divers univers. On passe ainsi d'une cellule d'une prison de Montréal où un ex-motard et des fantômes accompagnent Paul Hansen au quotidien, à un regard éclaté et plein d'émotions sur les lieux et les êtres qui ont escorté Paul dans son existence pour le mener d'une salle de cinéma d'avant-garde tenue à Toulouse par sa mère à un poste de superintendant dans un édifice à logements du quartier Ahuntsic à Montréal, en passant par le Jutland danois de son père pasteur et joueur, une église méthodiste de Thetford Mines et un lac près de Saint-Alexis-des-Monts. Voilà un merveilleux voyage parcourant le destin de ce Paul qui porte avec difficulté son héritage familial.

Nous respirons nos haleines en vase clos, des souffles communs chargés d’éclats de poulets bruns et de sombres projets. [J.-P.D.] [zeugme] 
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mardi 29 octobre 2019

Vingt-trois secrets bien gardés - Michel Tremblay

Il est installé dans sa chaise haute qui trône dans le bow-window de la salle à manger, là où pendant les fêtes on dresse le sapin de Noël. [M.T.]
C'est en utilisant la troisième personne que Michel Tremblay jongle avec ses souvenirs retrouvés et nous offre, en conservant ainsi un certain recul, des tranches de vie s'étalant sur plusieurs périodes. En ligne pas si droite qu'on pourrait le croire avec d'autres livres qu'il a commis tels  Les vues animées, Douze coups de théâtre ou Un ange cornu avec des ailes de tôles, Michel Tremblay use de sa plume pour livrer quelques épisodes de l'existence d'un jeune garçon du Plateau qui se nommait, lui aussi, Michel Tremblay. C'est avec candeur qu'il nous offre ainsi de courts moments teintés de tendresse et d'émotion, des instants parfois amusants, parfois embarrassants. On a toujours le sentiment de le connaître ou de l'avoir connu ce jeune Michel et on ne peut sortir de cette lecture qu'avec un large sourire.

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mardi 22 octobre 2019

La joie discrète d'Alan Turing - Jacques Marchand

Le port de Southampton, mai 1926. Pour permettre aux passagers de débarquer, des matelots viennent d'immobiliser une longue passerelle de bois entre le ferry et le quatrième quai du port. [J.M.] 
Jacques Marchand nous livre ici un roman biographique dont le thème est l'existence d'un mathématicien hors norme qui a, d'une certaine façon, contribué à changer nos vies, l'insaisissable Alan Turing. L'auteur, en faisant de Turing le personnage d'un roman, se permet ainsi d'aller au-delà de ce que l'on connaît de ce personnage secret, d'imaginer ses pensées, ses réflexions ou ses tourments au regard de sa vie ou des êtres qu'il côtoie. Il peut écrire ce pan non connu de l'existence d'Alan Turing comme une extrapolation imaginée résultant d'une enquête que le narrateur a menée sur les traces de son sujet de recherche, enquête qui, elle-même, est l'objet de chapitres en alternance avec le vécu trouble d'Alan. Mais, comme le précise l'auteur : « Comme tout roman portant sur des événements réels, celui-ci entremêle par moments l'objectivité factuelle et la rêverie. ». En ce sens, Jacques Marchand aura, à l'égard d'Alan Turing, appliqué un mode d'écriture semblable à celui que François-Henri Désérable s'était permis dans la production de son Évariste dont le thème était la courte vie du plus romantique des mathématiciens, Évariste Galois. C'est dans un univers totalement différent (celui, britannique, des années 1930 à 1950) qu'Alan Turing a développé ses recherches, mais Jacques Marchand nous fait bien sentir tout le poids de ce contexte et l'ensemble de contraintes que cela imposait à un être aussi différent que ce créateur mathématicien. À mon regard, Marchand a bien relevé le défi qu'il s'était lancé.
Rien n'oblige un mathématicien à n'être qu'un cerveau purement rationnel. Il arrive fréquemment qu'un souci esthétique plus ou moins conscient agisse sur sa manière d'envisager un problème. [J.M.]
Pour Alan, le raisonnement mathématique s'appuie alors sur deux facultés de l'esprit qui se complètent l'une l'autre, l'intuition et l'inventivité. L'intuition émet des jugements spontanés, des jugements qui ne résultent aucunement d'un enchaînement délibéré de réflexions. Après coup seulement, la raison consciente se penche sur ces jugements spontanés pour vérifier leur justesse. Cette méthode de travail s'apparente, même si le texte ne le précise pas en toutes lettres, à celle des artistes et des écrivains. On effleure ici une idée très ancienne, reprise d'un siècle à l'autre, voulant que l'imagination poétique et la rêverie mathématique se déploient dans les mêmes aires de la pensée. [J.M.]
Rien ne lui plaît davantage que de prêter attention au réel tel qu'il se présente, avant que les mots et la pensée se mettent à l'altérer. [J.M.] 
Ses nouvelles recherches le réchauffent, il est content surtout de renouer avec la beauté et la logique formelles à l'oeuvre dans les manifestations les plus humbles du vivant. Comme toujours, les mathématiques l'apaisent quand elles lui permettent de s'approcher du mécanisme secret des choses. [J.M.]