dimanche 1 mars 2020

La montagne magique - Thomas Mann

Un jeune homme simple quitta sa ville natale de Hambourg, au plus fort de l’été, pour se rendre à Davos, dans le canton des Grisons. Il partait pour trois semaines, en visite. [T.M.]
Ce livre faisait partie depuis longtemps de ma pile de livres à lire (PAL). Il y a quelques années, on m'avait fortement conseillé ce roman classique. Sa lecture s'est étendue sur un bon moment, elle fut entrecoupée de pause plus ou moins longue et de reprise toujours enthousiaste. Le monde décrit dans cette oeuvre particulière est un univers hors du temps. Sis sur une montagne près de Davos, la société créée par Thomas Mann loge à l'intérieur et autour d'un sanatorium. Le protagoniste du roman, le jeune ingénieur Castorp, vient y visiter son cousin. Il est fasciné par le milieu particulier que constituent les « gens d'en haut ». Atteint lui aussi d'un mal indéfini, il y demeurera sept ans. Ces sept années seront des années d'apprentissage, des années où Castorp découvre la vie, le monde, les amours, la philosophie, la dialectique, les débats internes, la spiritualité, l'amitié, la mort et tout cela à travers la lorgnette très spéciale que représente le sanatorium. La microsociété étalée ici est envoutante. Que ce soit au travers la relation faite de séduction et d'érotisme qu'Hans établit avec Clawdia Chauchat ou celle d'étudiant face à un mentor comme Lodovico Settembrini, que ce soit comme spectateur des débats philosophiques qu'entretiennent Naphta et Settembrini, ou au travers la fidélité d'une amitié avec son cousin Joachim, Hans Castorp se construit une identité. La Montagne Magique n'est, ni plus ni moins, qu'un microcosme du monde, un laboratoire où Thomas Mann s'essaie à différentes théories sur la communauté de l'époque, une société qui se dirige, sans alternative, vers la Première guerre.

La lecture de La Montagne Magique n'est pas simple mais le style de Mann, le charme de ce monde fermé, le regard sur la société et la réflexion qu'elle suggère font de ce classique une oeuvre marquante qui s'imprègne dans la mémoire du lecteur et qui le fait grandir comme Castorp lui-même. 

Le nombre de citations que j'aurais voulu tirer de cette oeuvre mémorable est impressionnant. J'en glisse quelques-unes ici.
Eh oui, c'est une chose mystérieuse que le temps, et difficile à concevoir clairement! [T.M.]
Non seulement l'humanisme, mais l'humanité en général, la dignité humaine et l'estime de soi-même étaient indissociables du verbe et de la littérature.  [T.M.]
Ici, il y avait une autre notion du temps que celle qui avait cours pendant les séjours de vacances et les cures thermales: le mois était, en quelque sorte, la plus petite unité de temps, et un seul n'entrait pas en ligne de compte... [T.M.] 
Il demanda à Hans pourquoi, s'il voulait lire ce genre de littérature, il n'en avait pas emprunté au docteur, qui devait sûrement en avoir un bon assortiment, et Hans répliqua qu'il voulait les avoir en sa possession, et qu'on lisait tout autrement lorsqu'un livre vous appartenait; il aimait du reste les annoter, les souligner. [T.M.] 
[...] la vie était une prolifération, un épanouissement et une élaboration de formes à partir d’une bouffissure faite d’eau, de protéines, de sel et de graisse qu’on appelait la chair, et qui devenait la forme, l’image sublime, la beauté, tout en incarnant la sensualité et la concupiscence. [T.M.]
- À quoi sert la politique, sinon à fournir aux uns et aux autres l'occasion de commettre des entorses à la morale? [T.M.]
Pratiquer les mathématiques, je vous le dis, c’est le meilleur remède contre la concupiscence. Le procureur Paravant, qui était drôlement porté sur la bagatelle, s’est lancé là-dedans ; il s’occupe maintenant de la quadrature du cercle et en est très soulagé. [T.M.]
Du reste, qu'est-ce que c'était cette histoire de « situation »? Pour se trouver dans une situation donnée, il fallait être sis et non debout, pour donner au mot son sens véritable et adéquat, et non simplement métaphorique. [T.M.] 
[...] dans la brume matinale glaciale, dure comme un cri de corneille... [T.M.] 
[...] Naphta [...] demanderait sans doute comment des points dépourvus d'étendue parviennent, à eux seuls, à former une ligne... [T.M.] 
Enfin, la traductrice de cette nouvelle livrée de La Montagne Magique a résumé en postface son regard sur l'oeuvre. J'y ai trouvé une description qui démontre bien l'ampleur du projet et son universalité. Voilà la raison pour laquelle on ne peut rester insensible à sa lecture.
Pilier de l’édifice littéraire, trait tiré sur le passé, autobiographie déguisée, somme philosophique, parodie du roman de formation, roman du temps, monstre composite, à la fois faustien et wagnérien, danse macabre, démonstration par l’absurde, radioscopie d’une société en pleine déchéance physique et morale, thérapeutique visant à lui faire recouvrer la santé, La Montagne magique substitue à l’homogénéité de l’action un assemblage de pans narratifs et informatifs illustrant le refus de s’inféoder à un certain conformisme littéraire ou, politiquement parlant, à une idéologie. [la traductrice Claire de Oliveira en Postface]

Appréciation : 4,5/5 

Aucun commentaire: