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vendredi 5 août 2022

Sommes-nous ce que nous lisons ? - Georges Orwell

À l’époque où je travaillais dans une bouquinerie – un endroit que l’on imagine souvent, lorsqu’on n’y travaille pas, comme une sorte de paradis où de vieux messieurs charmants feuillettent à jamais des volumes reliés dans du cuir de veau –, ce qui ne laissait pas de m’étonner était l’extrême rareté des véritables amateurs de livres. [G.O.]
Cette petite plaquette regroupe quatre textes écrits par l'auteur de 1984 et des récits Hommage à la Catalogne et Dans la dèche à Paris et à Londres, quatre textes qui s'intéressent au rapport aux livres : Souvenirs de librairieConfessions d’un critique littéraireLes bons mauvais livres et Des livres ou des cigarettes. C'est dans un style simple, direct qu'Orwell nous fait part, avec une pointe d'humour, de ses expériences de libraire et de critique. On ne peut que constater la pertinence toujours actuelle de ses propos et cela nous questionne sur notre propre relation aux livres et au monde littéraire.

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George

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11/05/2017


mercredi 20 avril 2022

Album Georges Perec - Claude Burgelin

« Il s'agissait d'un individu aux traits plutôt lourdauds, pourvu d'un poil châtain trop abondant, plutôt cotonnant, portant favoris, barbu, mais point moustachu. Un fin sillon blafard balafrait son pli labial. Un sarrau d'Oxford sans col [...] lui donnait un air un brin folklorain. » [Autoportrait de G.Perec in La Disparition]

C'est en utilisant cette citation de La disparition où Perec semble se décrire lui-même que Claude Burgelin introduit son Album Georges Perec. Voilà un album en forme d'hommage bien senti, un album garni d'illustrations qui insufflent des éléments de réalité dans cet univers éclaté qu'est le monde de Perec. Ayant déjà lu plusieurs écrits biographiques consacrés à Georges Perec, je ne pourrais dire que j'ai appris beaucoup de nouveaux faits, mais je ne répugne jamais à me replonger dans des essais, des écrits qui choisissent pour thème l'écrivain Perec, l'homme ou son incomparable oeuvre. La lecture de cet album a reconfirmé chez moi l'admiration que je porte à cet extraordinaire oulipien. Son oeuvre, comme écrivain, verbicruciste, lipogrammatiste, dramaturge ou traducteur, aussi hétéroclite qu'elle puisse paraître, s'ordonne pourtant selon des lignes de force et déceler ce fil rouge dans les interstices de sa production artistique constitue l'un des plus grands plaisirs de sa lecture.  Je suis et demeurerai un fervent adepte de l'oeuvre perecquienne. 

Georges Perec a, par touches successives, proposé une image neuve de l'écrivain, artisan plutôt qu'artiste, chercheur-expérimentateur autant que littérateur. Le public des lecteurs a perçu en lui un visage fraternel de l'auteur, redevenu, tel le scribe de jadis, « homme de lettres » stricto sensu, laissant ouverte la porte de son atelier, livrant généreusement quelques recettes de fabrication, souriant courtoisement à tous. [C.B.]
En cette oeuvre-monde qu'est La Vie mode d'emploi, Perec a fait place à la « somme d'événements minuscules, inexistants, irracontables » qui s'y déroulent et à « la vie tranquille des choses » : « il y aurait dans chaque pièce les gens qui y avaient vécu et les gens qui y vivaient encore et tous les détails de leur vie, leurs chats, leurs bouillottes, leur histoire... ». [C.B.]
Le roman met à bas toute hiérarchie, traitant carpettes et bassinoires sur un pied d'égalité avec les tableaux de maîtres. Il y a de l'ironie dans le regard de Perec sur cette abondance de traces, de décombres graphiques ou littéraires, mais plus encore de la bienveillance. Le petit peuple des objets, l'infraordinaire des choses, leur vie fantôme détiennent une part de ce que nous ne savons ni voir ni dire : la patine du temps, la force des détails et des habitudes, le mutisme faussement silencieux de ce qui cadre nos existences. En donnant place à cette multitude de presque riens, Perec fait faire au roman comme une sorte de révolution copernicienne. [C.B.]

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Cahiers Georges Perec, no 13, La Disparition, 1969-2019 : un demi-siècle de lectures

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Georges Perec ou la littérature au singulier pluriel 

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02/10/2016



mercredi 13 avril 2022

Europeana, une brève histoire du XXe siècle - Patrik Ourednik

Les Américains qui ont débarqué en 1944 en Normandie étaient de vrais gaillards ils mesuraient en moyenne 1m73 et si on avait pu les ranger bout à bout plante des pieds contre crâne ils auraient mesuré 38 kilomètres. [P.O.]

Voilà un livre d'histoire totalement hors norme ! Déstabilisant par son contenu comme par sa forme, cette brève histoire est parfois noire, parfois révélatrice, toujours incisive, toujours écrite avec une plume déroutante. Est-ce un essai ? Un pamphlet ?  On ne peut concevoir le rayon sur lequel devrait être déposé cet ouvrage. Depuis la première phrase jusqu'aux toutes dernières, les anecdotes et les faits s'entrecroisent avec les concepts, les généralisations et les théories. Les inventions s'interposent avec les moments de guerre, les clichés et les raccourcis. C'est, en quelque sorte, une apposition d'éléments divers tirés du XXe siècle, livrés dans un style qui, dans un premier temps, déconcerte, mais qui, par la force des choses, en vient à donner au texte un rythme hallucinant. On est littéralement plongé dans un amas de faits, d'incidents, de circonstances dont l'organisation nous échappe alors que, saisis de façon globale, on a là un portrait d'une certaine réalité du siècle même si elle peut paraître éclatée. Voilà donc l'histoire racontée d'une telle façon qu'elle impose en mémoire des images fortes et un regard social troublant.

mercredi 30 mars 2022

Science, culture et nation (textes choisis et présentés par Yves Gingras) - Frère Marie-Victorin

Prononcer le nom de Marie-Victorin, c'est d'abord évoquer, comme un automatisme, le Jardin botanique de Montréal et la Flore laurentienne. Ce sont là - on ne peut en douter - de grandes réalisations, mais elles ne doivent pas masquer le fait que Marie-Victorin fut aussi, tout au long de l'entre-deux-guerres, une figure centrale du milieu intellectuel québécois. [Yves Gingras]
J'ai assisté en février dernier à une conférence virtuelle de l'historien Yves Gingras, L'éveil de la science au Québec. C'était une conférence organisée par le Coeur des sciences de l'Université du Québec à Montréal à l'occasion du 100e anniversaire de la Société de biologie de Montréal (voir ici). J'ai apprécié le regard affuté que porte Gingras sur l'émergence du mouvement scientifique francophone du Québec. Il m'a permis de prendre conscience de l'importance qu'a pu jouer alors Marie-Victorin. Ses interventions, dont l'impact a porté beaucoup plus largement que le domaine botanique auquel on l'associe naturellement, ont démontré qu'il appartient aux plus fervents défenseurs de la connaissance scientifique et qu'il pouvait prétendre à une analyse structurée des rapports entre le développement de la société canadienne-française et celui de la culture scientifique et de son enseignement. 

Yves Gingras a choisi et commenté un ensemble de textes de Marie-Victorin, textes publiés pour plusieurs dans le journal Le Devoir. Voilà l'objet de ce recueil qu'est Science, culture et nation. On y trouve une apologie de la culture scientifique comme élément porteur d'une libération économique, la promotion d'un nationalisme ouvert sur le monde, une défense du milieu universitaire naissant et son indépendance face au pouvoir, la création d'un milieu favorable au développement d'une science désintéressée de haut niveau tout en dressant les bases de ce qui permettra de soutenir la vulgarisation scientifique et la démocratisation de la culture scientifique. Bien sûr, ces textes écrits par un frère des écoles chrétiennes entre 1920 et le début des années '40, portent parfois le poids de ces années. Toutefois, ce qui s'en dégage surtout c'est l'ouverture, la modernité et la conscience de la société dans laquelle Marie-Victorin travaillait. Cela permet de porter un oeil renouvelé sur cette période qu'on associe trop facilement à la «grande noirceur». 
Ouvrez n'importe que recueil de vers canadiens et vous êtes sûr de rencontrer, généralement au bout des lignes, les inévitables primevères et les non moins fatales pervenches. Ces deux mots sont harmonieux, commodes et complaisants pour la rime. Malheureusement ici encore, nous avons affaire à des plantes étrangères à notre flore. [F.M.-V.]
Nous ne serons une véritable nation que lorsque nous cesserons d'être à la merci des capitaux étrangers, des experts étrangers, des intellectuels étrangers : qu'à l'heure où nous serons maîtres par la connaissance d'abord, par la possession physique ensuite des ressources de notre sol, de sa faune et de sa flore. [F.M.-V.]

Ce n'est pas en bâtissant hâtivement des systèmes plus ou moins ingénieux, mais en expliquant à fond des cas particuliers, que la science progresse. La démonstration et l'interprétation exacte du moindre fait exercent des répercussions infinies. [F.M.-V.] 

Aussi ne voulons-nous en aucune manière favoriser l'affreux divorce des études scientifiques d'avec les disciplines littéraires et historiques. [...] Science et philosophie se portent un mutuel appui et ne peuvent longtemps s'écarter l'une de l'autre sans s'affaiblir mutuellement. [F.M.-V.] 

L'homme qui pense peut et doit demander à la géologie - cette stéréoscopie de la géographie - la vraie signification des paysages familiers, paysages qui ne sont jamais que l'état présent des ruines d'un passé plein de choses, rejoignant, à travers le présent, le futur inexploré. [F.M.-V.] 

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mercredi 16 février 2022

La métaphysique du mou - Jean-Baptiste Botul

Une représentation assez adéquate de la conscience pourrait, éventuellement, être : une sorte de balle vide, confectionnée en vannerie. Autrement dit, une sphère creuse, tissée en joncs flexibles mais résistants. [J.B.B.]
Que de grandes idées à découvrir encore dans l'œuvre de cet exceptionnel et atypique philosophe qu'est Jean-Baptiste Botul. Les enseignements de Botul ont laissé peu de traces sinon par des retranscriptions de conférences ou quelques extraits, notes ou correspondances. En effet, étant de tradition orale, il ne s'abaissait pas ou peu à l'écrit. Ici, c'est à travers des « bouts » spécifiquement retrouvés et retracés dans l'armoire de la maison familiale à Lairière par les Amis de Jean-Baptiste Botul que Jacques Gaillard a pu reconstituer les principales réflexions du philosophe sur la «mouité», concept créé en réaction presque physique à l'expression alors assez générale de la phénoménologie. De la valise à roulettes aux différents états du fromage, de l'Être, du néant ou du sein des femmes, Botul ne cesse de nous prendre de court dans ses envolées épistémiques. Il y déploie ce que Gaillard a nommé les Principes d'une philosophie du tiers systématiquement envisagé selon une note que Botul aurait laissée au verso d'un ticket de train « L'Être et le Néant ou alors quoi ? » . 
À la réflexion, le fromage est peut-être la substance qui dévoile le plus parfaitement (d'un point de vue phénoménologique) les degrés de la mouité, du mou-mou au dur-dur, négation dialectique du mou, au sens hégélien, évidemment. [J.B.B.]
Ce nouveau volume marque, dans l'édition des œuvres non-écrites de Jean-Baptiste Botul, une étape importante : c'est la première fois, à notre connaissance, que des « bouts » du penseur audois sont proposés aux lecteurs en tant que tels, c'est-à-dire en tant que « bouts ». Ainsi commence l'exploitation scientifique et littéraire du fonds exceptionnel découvert dans l'armoire de Lairière (Aude), dans la première et dernière demeure du philosophe, sous forme de liasses de documents divers. [L'éditeur]

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vendredi 11 février 2022

Vertige de la liste - Umberto Eco

Pendant qu'Achille se retire avec dédain sous sa tente, en proie à sa « funeste colère », Patocle prend ses armes, va affronter Hector, qui le tue, et ses armes (celles d'Achille) sont remises à son vainqueur. [U.E.]

Cela prenait la curiosité et l'érudition d'Umberto Eco pour créer un répertoire aussi hétéroclite qu'intéressant que ce Vertige de la liste. 
On ne peut que s'extasier devant l'étalage d'énumérations, d'index, de catalogues, de répertoires, d'inventaires, de registres qui prennent bien sûr la forme écrite, mais qui se traduisent en une heureuse sélection d'oeuvres picturales de toutes les époques. Le vertige s'exprime alors au travers des représentations du Bouclier d'Achille, du Jardin des délices de Bosch, de cabinets de curiosités, de mappemondes éclatées, de bibliothèques étalées. C'est également la poétique de la liste que veut révéler Eco par des oeuvres littéraires tout aussi éclectiques et disparates. Entre des incontournables comme Perec, Borges ou Calvino, qu'on ne se surprend pas d'être de la fête, on trouve des litanies, des listes de lieux, des recensions, des revues, des inventaires de choses, des prières, des collections et des compilations, qu'elles soient chaotiques ou pratiques. On croisera des vociférations du capitaine Haddock, la tirade du nez d'Edmond Rostand, des récits merveilleux, des balades et des chants, et, comble de tout, cette liste, car c'en est une, se contiendra elle-même.

Devant cette exaltation de déclinaisons de la liste, je ne peux que repenser à une citation, une liste incongrue par excellence, l'énumération des animaux de l'encyclopédie chinoise L'Emporium céleste du savoir bienveillant, inventée par Borges lui-même. Elle m'a notamment été remise en mémoire à l'occasion d'une intéressante série de France-Culture reprenant les cours du collège de France : Les bibliothèques invisibles par le philologue William Marx.
Les animaux sont classés comme suit : (a) ceux qui appartiennent à l’Empereur ; (b) ceux qui sont embaumés ; (c) ceux qui sont dressés ; (d) les cochons de lait ; (e) les sirènes ; (f) les animaux fabuleux ; (g) les chiens errants ; (h) les animaux inclus dans cette classification ; (i) ceux qui tremblent comme s’ils étaient fous ; (j) les animaux indénombrables ; (k) ceux qu’on dessine avec un pinceau très fin en poil de chameau ; (l) et cetera ; (m) ceux qui viennent de casser le vase de fleurs ; (n) ceux qui, vus de loin, ressemblent à des mouches. [L’Emporium céleste du savoir bienveillant Jorge Luis Borges]
Je préfère les contes de Grimm aux premières pages des journaux. [Wislawa Szymborska, cité par U.E.]

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Le Pendule de Foucault 

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Eco

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dimanche 6 février 2022

Une sortie honorable - Éric Vuillard

“Il faut voyager”, écrivait Montaigne. “Cela rend modeste”, ajoutait Flaubert. “On voyage pour changer, non de lieu, mais d’idées”, renchérissait Taine. [É.V.]

D'Éric Vuillard, j'avais lu et apprécié L'ordre du jour qui narrait les moments qui avaient précédé l'Anschluss. Cela se situait dans une zone littéraire quelque part entre l'essai et le roman historique. C'est la même formule que Vuillard semble utiliser ici en s'engageant dans une description de quelques épisodes de ce qu'a été la guerre d'Indochine. Je ne sais si cela est dû à la relative proximité des faits, mais il m'apparaît que l'auteur s'aventure plus loin dans sa démarche et c'est presque un pamphlet qu'il nous livre avec ces récits d'événements. C'est, selon moi, le texte d'un militant qui, tout en adoptant les formes et les styles du roman, attaque de plein fouet la logique économique coloniale et les hommes qui l'ont porté. Je ne suis pas en mesure de critiquer ou de juger la valeur de ses arguments historiques. Bien que la part activiste de l'œuvre me soit apparue trop saillante, j'ai encore été en position de soupeser la qualité de son écriture et de ses effets. 

Chaque jour, nous lisons une page du livre de notre vie, mais ce n'est pas la bonne. [É.V.]
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mercredi 22 décembre 2021

Marcher, une philosophie - Frédéric Gros

Marcher n'est pas un sport.  [F.G.]

La marche sous différents angles, la marche sous le regard de quelques penseurs, la marche comme moment de réflexion, la marche comme regard sur soi, comme contact avec la nature, avec le monde, la marche considérée comme une promenade, comme un pèlerinage, comme une fuite, comme une errance, comme une flânerie, c'est tout cela et plein d'autres éléments savoureux qu'on retrouve dans ce remarquable petit essai. Que ce soit la marche régulière et quotidienne de Kant, la marche mystique et politique de Gandhi ou la marche réflexive et productive de Nietzsche, Frédéric Gros révèle tout l'intérêt intellectuel de ce geste répété d'avancer un pied devant l'autre. 

Les chapitres peuvent se lire de façon indépendante les uns des autres, mais ils n'ont pas tous la même pertinence. L'angle est parfois parcouru très rapidement et on demeure déçu. Alors qu'en d'autres occasions, la discussion mène loin et contribue à nos réflexions. Dans l'ensemble, j'ai bien apprécié cette lecture que j'aurais aimé me faire lire en déambulant tranquillement dans mon quartier.

mercredi 6 octobre 2021

Les buveurs de lait sont des mutants et autres révélations étonnantes de la biologie - Guy Drouin

Pendant des millénaires, les êtres humains ont eu recours aux mythes pour expliquer le monde qui les entourait. [G.D.]

Cet été, j'ai été confronté à cette lecture biologique, un ouvrage de vulgarisation sur l’évolution, la génétique et leurs effets parfois surprenants. J'ai lu Les buveurs de lait sont des mutants et autres révélations étonnantes de la biologie de Guy Drouin. J'y ai pris beaucoup de plaisir, un plaisir lié à la découverte, à l'apprentissage de nouvelles connaissances. C'est un ouvrage présenté comme un texte de vulgarisation teinté d'humour. Disons que l'humour est assez secondaire, mais cela n'en constitue pas l'objectif. En ce qui concerne la vulgarisation, il m'a semblé que l'auteur était parfois avare d'images pour bien faire passer ses idées et les concepts qu'il nous présente. Je suis assuré n'avoir pas été le seul à être largué dans quelques passages. Puis, bizarrement, alors que c'est un ouvrage qui porte principalement sur l'évolution et que l'auteur nous invite plus d'une fois à considérer l'aspect fondamentalement aléatoire de ce processus d'évolution, il se laisse aller dans quelques phrases, dans quelques paragraphes, à donner à l'évolution un pouvoir de décision ou un sens allant vers une fin, vers un objectif.

[L’évolution] doit procéder en modifiant ce qui existe tout en s’assurant que les changements apportés ne sont pas délétères. [G.D.]
Étant donné que cette mutation s’est produite il y a environ 30 000 ans et que le climat en Asie de l’Est était chaud et humide à cette période, il est possible qu’elle ait été sélectionnée pour mieux résister à la chaleur. [G.D.]

J'avoue que cela m'a troublé, même s'il ne s'agissait probablement que de simple abus de langage. Un texte de cette nature devrait, selon moi, faire bien attention à ne pas suggérer ce type d'idées et en revenir systématiquement au hasard et à la nécessité.

Le temps est donc venu de reléguer les réponses de nos diverses religions au statut de curiosités historiques et politiques. Ce sont des hypothèses qui ne sont pas testables, ni nécessaires. [G.D.]

mercredi 29 septembre 2021

La vie sexuelle d'Emmanuel Kant - Jean-Baptiste Botul

Lorsque le docteur Borowski m'a fait l'honneur de m'inviter dans votre communauté, j'avoue que j'ai longtemps hésité. Je ne suis pas un spécialiste de Kant. Cette œuvre immense m'intimide, c'est une jungle où l'on hésite à s'enfoncer. Certains s'y sont aventurés qu'on n'a jamais revus (rires dans la salle). [J.B.B.]

Voilà une soupape philosophique, une drolatique invention intellectuelle, la « traduction » mise en forme de conférences livrées par le philosophe français peu connu (il va sans dire) Jean-Baptiste Botul (1896-1947) (voir ici) sur La vie sexuelle d'Emmanuel Kant. C'est la découverte du texte en allemand des conférences dans les archives de J.-B. Botul qui a permis à Frédéric Pagès et à l'Association des amis de Jean-Baptiste Botul de nous livrer une traduction d'un ensemble de causeries qu'il aurait prononcé au Paraguay en 1946 devant un public allemand qui avait fondé une communauté de kantiens intégristes organisés en une colonie baptisée Nueva Königsberg. Voilà l'essentiel du délire établi, voilà la base de ce magnifique canular.

La pensée de Jean-Baptiste Botul, le botulisme, repose essentiellement sur des retranscriptions de conférences, de cours ou de causeries. Au-delà de cette série spécifique sur la vie sexuelle de Kant, on trouve aussi, Landru, précurseur du féminismeNietzsche et le démon de midi et La Métaphysique du mou. Autant de bonnes raisons de se plonger dans la réflexion philosophique. Merci à Frédéric Pagès et aux Amis de Jean-Baptiste Botul de nous avoir révélé cette pensée transcendante.

Quand elle devient « pure » de toute expérience sensorielle, la raison déraisonne. Elle prétend prouver l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme. Cette folie s'appelle métaphysique. Le Métaphysicien est un savant fou. Il veut tout prouver, il ne montre que son insanité. [J.B.B.]

On peut consulter, pour plus d'informations, le site des Amis de Jean-Baptiste Botul https://www.botul.net/ .

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Botul

Jean-Baptiste

La métaphysique du mou

16/02/2022

Vacca

Paul

Nueva Königsberg

01/10/2021



dimanche 22 août 2021

Les suites pour violoncelle seul, En quête d’un chef-d’œuvre baroque - Eric Siblin

Les premières mesures se déploient avec la puissance narrative d’un maître de l’improvisation. [E.S.]

Eric Siblin est un journaliste anglophone de Montréal. Spécialisé dans la critique de concerts rock et pop, il assiste, en raison de circonstances fortuites, à un concert où les Suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach sont présentées. Une illumination se produit. il est séduit et une quête va s’amorcer pour comprendre et s’instruire de l’origine de cette oeuvre magistrale.

Sa démarche le mène à Bach, évidemment, mais aussi au violoncelliste Pablo Casals qui aura redécouvert les Suites alors qu’elles n’étaient connues que de quelques-uns comme des exercices ou des études. C’est Casals, en effet, qui, au début du vingtième siècle, aura fait connaître ce chef-d’oeuvre au public en y dégageant toute la charge émotive qu’elles recelaient.  

L’ouvrage de Siblin est construit sur le modèle des six Suites dont les mouvements attribuent des titres aux chapitres. On passera ainsi d’éléments de la biographie de Jean-Sébastien Bach à des éléments du parcours de Pablo Casals en y faisant ressortir l’histoire des Suites pour violoncelle seul. L’auteur se permettra également de raconter sa propre démarche et son enquête. Au cours des pages, Siblin avance quelques hypothèses et s’engage dans de nombreux détails qui demeureront difficiles à valider. Évidemment, à la lecture, on ressent un important besoin d’écouter les Suites et elles accompagneront très bien la lecture. Toutefois, ce n’est pas dans ce livre qu’on trouvera un guide d’écoute qui permettrait à notre oreille de mieux apprécier toute la richesse de l’oeuvre. Ce qui est dit des Suites au plan musical est relativement convenu. J’aurais espéré plus. Malgré cela, le fait d’être sensibilisé à l’histoire des Suites pour violoncelle seul en affecte mon écoute et cela constitue un impact positif de cette lecture.

« Comment pourrait-on penser que Bach est « froid » alors que ces suites semblent scintiller de la poésie la plus brillante, disait Casals. À mesure que j’avançais dans leur étude, je découvrais un nouveau monde d’espace et de beauté […], les sentiments que j’éprouvais comptent au nombre des plus purs et des plus intenses de ma vie d’artiste! » [Pablo Casals cité par E.S] 

[…] qu’en est-il du superbe passage, approximativement vingt secondes après le début de la gigue de cette troisième suite, qui sonne comme un riff sous les doigts d’un guitariste rock? C’est une phrase audacieuse, tournoyante, qui ne serait pas déplacée sur une Gibson Les Paul maniée, disons, par Jimmy Page de Led Zeppelin. Le public de Bach, deux siècles avant l’invention de la guitare électrique, ne pouvait pas entendre ces notes de la même façon, même de loin. [E.S.]

dimanche 15 août 2021

La Castafiore, Nouvelle biographie très enrichie et toujours non autorisée ! - Albert Algoud

Depuis que je suis enfant, la Castafiore n’a jamais cessé de m’intriguer. [A.A.]

J’ai déjà mentionné, il me semble, avoir un faible pour l’intertextualité, pour les oeuvres qui s’interpellent au-delà des genres, au-delà des auteurs, au-delà des normes. La Castafiore d’Albert Algoud emprunte sans détour ce chemin et se permet un grand jeu de balles rebondissantes entre réalités et fictions, entre personnages de papier et personnages historiques, entre auteurs et créatures imaginées. On ne peut prétendre lire cette biographie éclatée sans s’esclaffer, sans vanter plus d’une fois l’inventivité fantaisiste de l’auteur. L’argument est simple, la Castafiore est un personnage historique qui cache un secret qui sera révélé sous la plume d’Algoud dès les premières pages. La Castafiore est le dernier des castrats. L’auteur appuie cette divulgation sur divers indices, mais c’est surtout l’impact que cela aura eu sur la vie mouvementée du rossignol milanais qui nous est raconté tout au long de cet ouvrage fortement documenté. De sa naissance à sa métamorphose, de sa vie avant Tintin à sa première rencontre avec Hergé, de son entourage, le pianiste Wagner et la fidèle Irma, au monde politique et artistique, on croisera avec Bianca Castafiore plusieurs personnages signifiants de l’histoire. Algoud nous instruit du rôle surprenant de la Castafiore dans la résistance sous l’Occupation, en particulier dans le réseau Pinson. On en apprendra sur sa relation avec Edgar P. Jacobs, mais aussi avec Blake ainsi que Mortimer, avec des artistes importantes, telle Joséphine Baker ou Anna Marly, avec le monde du pop art et du rock, Andy Warhol et Lou Reed, son rapport difficile avec Fidel Castro, jusqu’à ses dernières apparitions où le rossignol allonge son ombre sur le monde. Cette biographie constitue un voyage trépidant et je m’en serais voulu de ne pas en avoir été. 

Fantasque fantôme issu d’un opéra de papier, moderne Nadja, étonnante piétonne, passereau qui passe, éternelle en-allée, diva hybride que nulle morale ne bride, c’est vers la Beauté que ta voix immatérielle nous guide ! [A.A.]

«  Mourir n’est rien quand on a connu tant de félicité », lui murmura-t-il en arabe et en expirant. » [A.A.]