mardi 26 avril 2016

Villa des hommes - Denis Guedj

[Archives Juin 2008]

Frac noir et haut-de-forme cabossé, Ernest tenait les rênes avec la maîtrise des vieux cochers qu'aucune rosse n'avait pris au dépourvu. [D.G.]
C'est la rencontre de deux hommes dans un univers clos, celui d'un hôpital psychiatrique en Allemagne en 1917. L'un de ces hommes est un clone de Georg Cantor (mathématicien décédé en 1918, il avait notamment travaillé sur la théorie des ensembles, les ensembles infinis et les nombres transfinis). Guedj, pour se garder la distance voulue pour rédiger un roman, n'a pas mis Cantor en scène, mais son double. La rencontre du mathématicien avec un anarchiste français, soldat par surcroît, n'a peut-être eu lieu que dans l'imagination de l'auteur, mais elle est la source d'une discussion qui prend place lentement dans le roman. Lentement, donc, s'amorcent les préludes d'une histoire de la découverte, ou serait-ce l'invention, des transfinis. Parallèlement, on verra ce qui tourmente ces deux hommes qui, finalement, ont peut-être plus en commun qu'ils ne le croyaient.

Guedj atteint ici un niveau d'écriture intéressant qui se dégage suffisamment de l'histoire pour être attrayant.
L'essence des mathématiques, c'est la liberté. [Georg Cantor]
Il ne faut pas qu'on nous chasse du paradis que Cantor a créé pour nous. [David Hilbert]

mardi 12 avril 2016

La septième fonction du langage - Laurent Binet


La vie n'est pas un roman. [L.B.]
La vie n'est peut-être pas un roman, mais Laurent Binet jouera systématiquement sur la fine frontière qui les sépare. On verra défiler l'ensemble de l'intelligentsia française des années quatre-vingt dans une histoire réaménagée et réinventée autour d'un fait réel, celui-là, l'accident qui fera perdre la vie à Roland Barthes. En effet, le 25 février 1980, le sémiologue et critique Roland Barthes est renversé par la camionnette d'une blanchisserie, il en mourra le jour suivant. Et si ce n'était pas un accident? Qui aurait voulu tuer Roland Barthes? Pourquoi? Une enquête s'amorce. C'est le commissaire Bayard, un homme d'une droite assumée, qui mènera l'investigation. Avec comme adjoint conscrit, un jeune enseignant de linguistique, il s'engagera dans le monde obscur de la sémiologie et de la linguistique théorique. Le mobile serait-il cette mystérieuse septième fonction du langage, une fonction magique qui s'ajouterait aux six fonctions établies par Jakobson dans son schéma de la communication verbale? Plusieurs ont à ce sujet une opinion éclairée. On sera ainsi confronté à des acteurs importants d'alors et d'aujourd'hui : Louis Althusser, Michel Foucault, Philippe Sollers et Julia Kristeva, Jacques Derrida, Bernard-Henri Lévy, Umberto Eco et d'autres. Ils seront mêlés de près ou de moins près à cette rocambolesque enquête policière qui prend des allures politiques dans la campagne présidentielle qui se déroule alors et qui mènera François Mitterrand à la présidence. Cette aventure policière est intelligente et drôle, elle a un pied dans une certaine réalité et l'autre dans une reconstitution extravagante d'un réel qui frise l'indicible.

vendredi 8 avril 2016

Mesurer le monde, l'incroyable histoire de l'invention du mètre - Ken Alder

[Archives Avril 2006]
En juin 1792, alors que la monarchie française vivait ses derniers jours et que la Terre commençait à tourner autour du nouvel axe de l'égalité révolutionnaire, deux astronomes partaient dans des directions opposées, dans une quête extraordinaire. [K.A.]
Ce professeur d'histoire américain a écrit ici une oeuvre magistrale. Il s'est permis de refaire le trajet à vélo des deux astronomes, Delambre et Méchain. De Paris, Jean-Baptiste-Joseph Delambre quittait vers le nord et Pierre-François-André Méchain prenait le chemin du sud. Leur objectif mesurer le monde ou, tout du moins, une partie du méridien terrestre de Dunkerque à Barcelone en passant par Paris. Cela donne un ouvrage historique plein d'humanisme où on comprend mieux l'attachement que les communautés avaient aux mesures «variables» de l'Ancien Régime, où on sent le désespoir d'un homme face à l'erreur, où les savants deviennent des scientifiques, où la mesure de la Terre devient mesure des hommes. Cette incursion dans l'histoire du mètre et de la Révolution qui l'a vu naître était une aventure palpitante.
La réalisation des œuvres scientifiques, comme l'élaboration des lois et la fabrication des saucisses, est une chose qu'il vaut mieux garder à l'insu du public. [K.A.]
Les hommes préféreront toujours une mauvaise manière de savoir à une meilleure manière d'apprendre.  [Jean-Jacques Rousseau cité par Ken Alder]

mardi 5 avril 2016

Millenium 4 - Ce qui ne me tue pas - David Lagercrantz

Cette histoire commence par un rêve, un rêve qui n'a rien d'extraordinaire. [D.L.]
Lagercrantz est écrivain et journaliste à Stockholm. Il a eu à relever un défi énorme, reprendre les personnages de Stieg Larsson pour livrer un Millénium 4. Plusieurs se sont méfiés, serait-il à la hauteur? Saurait-il faire revivre ces personnages dans une aventure originale qui ne soit pas un simple pastiche?

J'étais donc sur mes gardes à l'entrée de cette aventure. Mais, mon scepticisme s'est étiolé dès les premiers chapitres. Lagercrantz réussit à nous faire pénétrer à nouveau dans l'univers de Millénium et nous revivons avec délectation l'étrange relation entre Salander et Blomkvist, ces pourfendeurs de collusions politico-mafieuses. Millénium 4 est d'aujourd'hui. On y traite d'espionnage électronique de la NSA, de recherche de pointe en intelligence artificielle, d'autisme, de web caché. Nous sommes plongés dans une actualité prenante et on peine à trouver son souffle entre deux épisodes de lecture.

Oui, Lagercrantz a relevé le pari et a su donner une autre vie aux personnages gravitant autour de la revue d'investigations sociales et économiques Millénium. Ne boudons pas notre plaisir.

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Sur Rives et dérives :
Millénium 3 - La reine dans le palais des courants d'air - Stieg Larsson

lundi 28 mars 2016

La vie me fait peur - Jean-Paul Dubois

[Archives, Mai 2008]
« Bientôt, je m'endormirai avec les chaussures aux pieds. » [J.-P. D.]
J'aime bien l'écriture de Dubois.  J'aime bien sa manière de décrire la difficulté de vivre. J'ai lu ce roman de Dubois alors que je me dirigeais vers Bordeaux. Le personnage principal faisait le trajet inverse en quittant Toulouse pour Miami Beach. J'allais voir mon fils installé à Bordeaux. Le personnage de Dubois allait retrouvé son père à Miami Beach. La vie lui fait peur. La vie et le travail que cela suppose restent ardus pour Paul Siegelman. La vie et les relations humaines constituent des moments difficiles. La vie et ses objectifs projettent quelque chose dont la conciliation n'est pas simple. Mais, Paul Siegelman s'en sortira ... en s'assoyant sur une tondeuse.
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Sur Rives et dérives, de Dubois, on trouve des commentaires à propos de :

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10/04/2017

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