jeudi 23 janvier 2025

Petite-Ville - Mélikah Abdelmoumen

Ils ont trouvé Simon dans le parc de la Paix hier au petit matin, derrière le bosquet juste sous la statue. [M.A.]

Mia et Simon sont deux orphelins nés dans la Zone, un quartier défavorisé, une banlieue pauvre, une espèce de bidonville à la périphérie de Petite-Ville. Adoptés par une travailleuse sociale, Annick, ils ont pu imaginer des destins autres que celui qui devait être le leur. Simon s'est propulsé vers le journalisme engagé. Il dénonce les injustices et les discours politiques qui visent à ce que l'ordre social demeure inchangé. Il aspire à offrir une tribune aux personnes marginalisées et rejetées. Il s'oppose particulièrement à un commentateur populaire, propagateur de haine et surmédiatisé, Michel Renaud. 

Ce polar social et politique, qui se veut aussi une critique militante de la société s'ouvre sur l'assassinat de Simon. Son cadavre est découvert dans un parc, là où, des années plus tôt, se trouvait son quartier natal. On suivra le développement de l'intrigue en accompagnant les bouleversements et les angoisses que cela fait vivre à Mia. Mélikah Abdelmoumen réussit par cette fiction enlevante à soulever des questionnements, à provoquer la réflexion et à amorcer un débat. Le roman, le polar en particulier, se révèle être un instrument particulièrement efficace pour rendre l'atmosphère tendue des relations sociales de nos sociétés. L'écrivaine a créé pour l'occasion des extraits de documents d'archives, insufflant ainsi une respiration qui rend le portrait encore plus saisissant de réalisme. 

Voilà donc un roman percutant qui pose les bases d'une réflexion sur l'avenir d'une société dominée par un système corrompu qui se nourrit de désinformation, de populisme et d'intolérance.

Personne n’est pauvre par choix, n’en déplaise aux polémistes de coin de comptoir qui n’ont manqué de rien. [M.A.] 

Écrire, nommer le monde et parfois l’inventer pour dire ce qu’il pourrait avoir de plus beau, ou combien il pourrait devenir laid, si nous ne faisons pas attention. C’est la plus belle chose au monde. Je pense que rien ne m’aide à vivre autant que ça. [M.A.] 

mardi 14 janvier 2025

Le gentleman de velours : Vie et presque mort d'Erik Satie - Richard Skinner

Je suis mort hier. J’avais 59 ans, un âge que beaucoup estiment vieux, mais pas moi. [R.S.]

Voici une manière unique d'aborder une fiction biographique! Elle commence juste après le décès du principal intéressé. Erik Satie, puisqu'il s'agit bien de lui qui, avec ses sept exemplaires du même costume de velours moutarde, a été surnommé Velvet Gentleman à une certaine époque. Erik Satie, donc, se retrouve dans un environnement hors de la réalité qui imite les principales caractéristiques d'une salle d'attente d'une gare de chemin de fer délabrée. Dans ce lieu atemporel fréquenté par des personnes dont le décès, comme le sien, est récent, il doit s'atteler à une difficile tâche, choisir un souvenir de sa vie qui deviendra le seul souvenir qu'il aura le droit d'emporter dans l'au-delà. Il aura sept jours pour déterminer ce souvenir. Ce sont ces sept jours qui font l'objet de cette inhabituelle autobiographie romancée.

Les réminiscences de Satie nous permettront ainsi de rencontrer des personnalités marquantes de cette croisée des dix-neuvième et vingtième siècles, Claude Debussy, Maurice Ravel, Jean Cocteau, André Breton, Pablo Picasso, les dadaïstes, ou encore d'écouter les oeuvres initiatrices du jazz de Jelly Roll Morton avec Strawinsky. Nous pourrons également suivre le parcours singulier et étrange de ce personnage teinté d'humour qui était à la fois artiste de cabaret et compositeur d'une originalité sans compromis. Voilà une lecture agréable pour se plonger dans une époque culturellement effervescente.

Le piano, comme l’argent, n’est agréable qu’à celui qui en touche. [R.S.]

Dès le premier morceau, que Sousa a annoncé sous le titre de At A Georgia Campmeeting, je suis resté sidéré. Sousa a expliqué qu’il s’agissait d’un cakewalk, c’est-à-dire, à l’origine, un concours de parodies de leurs maîtres par les esclaves du Sud, à l’issue duquel le meilleur gagnait un gâteau. J’ai écouté, fasciné, son orchestre attaquer Smoky Mokes, Hunky Dory & Bunch O’ Blackberries. [R.S.]