dimanche 14 février 2010

La trilogie berlinoise - Philip Kerr

Ce matin, à l'angle de Friedrichstrasse et de Jägerstrasse, je vis deux hommes, deux SA qui démontaient une des vitrines rouges où est affiché chaque nouveau numéro du Stürmer. (P.K.)
La Trilogie Berlinoise est constituée de trois moments dans le parcours de Bernhard Gunthe, trois aventures de ce détective privé - ex-policier, trois moments de l'Allemagne du XXe siècle, trois périodes dans l'aventure nazie du IIIe Reich, 1936, 1938 et 1947. Ce polar historique nous fait vivre dans un quotidien où l'antisémitisme prend place, se développe jusqu'à l'inimaginable et se résorbe sous les tractations d'ex-SS, pseudo-défenseurs de la liberté capitaliste devant un communisme montant.

Le premier «livre», L'été de cristal, nous fait découvrir les rues d'un Berlin qui se prépare pour les Jeux Olympiques. À la lecture de certaines descriptions, je me suis souvenu comment mon fils m'avait relaté sa première visite à Berlin et l'impression qui se dégageait de l'architecture urbaine de cette capitale.
Les bâtiments publics de cette ville étaient incroyables. Ils ressemblaient à d'immenses montagnes de granite gris, une énormité destinée à rappeler l'importance de l'État et la quantité presque négligeable que représente un pauvre individu. Cela pourrait expliquer en partie la façon dont cette histoire de national-socialisme a commencé. Il est difficile de ne pas être impressionné par un gouvernement, quel qu'il soit, dont les services sont installés dans des bâtiments aussi grandioses. Et les longues et larges avenues qui reliaient les différents quartiers semblaient n'avoir été conçues que pour pouvoir y faire manœuvrer des colonnes de soldats. (p.354)
C'est également dans ce premier livre qu'on découvre ceux et celles qui furent appelés les Violettes de Mars : ceux et celles qui se sont découvert des affinités nazies au moment où cela commençait à devenir important, allant même jusqu'à tenter d'obtenir des cartes portant de petits numéros pour feindre une adhésion précoce.

Et l'aspect architectural du quotidien revient dans le livre trois, Un requiem allemand :
Dans beaucoup de quartiers, un plan des rues n'était guère plus utile qu'une éponge de laveur de carreaux. Les artères principales zigzaguaient comme des rivières au milieu de monceaux de décombres. Dessentiers escaladaient d'instables et traîtresses montagnes de gravats [...].Les boussoles étant introuvables, il faillait beaucoup de patience pour s'orienter dans ces fantômes de rues le long desquelles ne subsitaient, comme un décor abandonné, que des façades de boutiques et d'hôtels [...].  (p.553)
Les aventures policières de Bennie Gunther laissent un goût d'amertume envers l'histoire. La distance que Gunther met entre lui et les responsables de cette horreur s'amenuise et le sentiment de culpabilité le rejoint. Heureusement, tout cela se profile au travers un polar bien mené et le héros, narrateur au je, se permet des écarts et des figures de style souvent surprenantes. La fascination que génère La Trilogie Berlinoise se transmute-t-elle dans la suite La Mort, Entre Autres ?

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Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Kerr
Philip
La mort, entre autres 


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