lundi 29 avril 2019

101 expériences de philosophie quotidienne - Roger-Pol Droit

Ce livre est un divertissement. Cela signifie qu'il essaie d'indiquer l'essentiel de manière légère. [...] Le futile donne à penser, le dérisoire conduit au sérieux, la profondeur part du superficiel. Pas toujours, pas nécessairement, cela va de soi. [R.-P.D.]
Ce livre se trouvait sur une tablette dans la salle de bain d'un logement que j'ai occupé pendant un court laps de temps à Bordeaux. Je n'ai pas pu m'empêcher d'y jeter un oeil et cela plusieurs fois à tel point que je n'ai pas pu quitter La belle endormie sans faire un détour par la librairie Mollat pour m'en procurer un exemplaire bien à moi.  Voici une lecture réjouissante, intelligente, une fenêtre permettant d'aérer l'esprit, un manuel fait de petits moments à savourer sur une longue période de temps, à laisser infuser à l'intérieur de nos propres rêveries quotidiennes, à accepter comme des expériences de pensées, à s'amuser de l'imagination qui a pu les créer et les mettre sur papier. Oui, ce livre est un divertissement, mais qui a dit qu'un divertissement ne pouvait sous-tendre des réflexions sur la vie ou sur le monde, ne pouvait étayer un certain regard philosophique sur tout ce qui nous entoure? À lire sans modération!

Quelques-unes des expériences parmi les 101:

  • Compter jusqu'à mille
  • Courir dans un cimetière
  • Suivre les mouvements des fourmis
  • Manifester seul
  • Considérer l'humanité comme une erreur
  • Immobiliser l'éphémère
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dimanche 21 avril 2019

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants - Mathias Énard

La nuit ne communique pas avec le jour. [M.É.]
S'insérer dans ce poème historique, c'est accepter de s'engager dans un flux de mots, dans une série de vagues sur le Bosphore qu'on voudrait ne pas se terminer, dans une profusion d'images tirées du début du XVIe siècle et d'un contact particulier que Michel-Ange entretint avec la Sublime Porte. Mathias Énard, dont j'avais apprécié la verve et la plume dans Boussole, ne me déçoit pas ici, tout au contraire. J'ai totalement adhéré à cette narration d'une incursion de l'auteur du David en territoire byzantin pour y concevoir un pont sur la Corne D'Or et ainsi répondre à une invitation du sultan de Constantinople, le Grand Turc. Cet épisode historique a-t-il réellement pris cette tournure ou celle-ci n'est-elle pas issue de l'imagination de l'auteur imprégnée de l'atmosphère des Contes des Mille et Une Nuits? La véracité de l'événement importe peu quand on lit les promenades quotidiennes de Michel-Ange avec le secrétaire poète Mesihi de Pristina, quand on sent les carnets dans lesquels Michel-Ange trace des chevaux, des hommes, des éléphants ou la courbe d'une dague, quand on vit avec Michel-Ange l'étrangeté curieuse des sentiments en lieux inconnus. C'est l'atmosphère, c'est le recouvrement de l'éther, c'est le fluide subtil qui se dégage de ce roman qui, par-dessus tout, m'a séduit.

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dimanche 14 avril 2019

En toute reconnaissance, Carnet de citations plutôt littéraires - Gilles Archambault

Il m'est arrivé de placer un exergue au début d'un chapitre, d'une nouvelle, voire d'un roman. [G.A.]
Je connais bien quelqu'un qui a cette habitude de collecter sinon de collectionner des citations. Dans un temps, ce n'était que les premières (et parfois dernières) phrases d'un roman, d'une nouvelle. Et puis, pour souvenir, ce fut quelques phrases bien tournées, quelques phrases qui réveillaient chez le lecteur qu'il était et qu'il est encore un sentiment de bonheur, la vue d'une lumière éclairant le ciel, une parcelle d'espoir, un rayon de chant d'oiseaux, une couleur subtile, une caractéristique qui donne à penser, un élément avec lequel une certaine concordance d'ondes génère une sympathie qu'on ne peut réfuter, et puis, parfois, un sentiment d'envie d'avoir voulu être l'auteur de l'extrait. D'autres fois, c'est une phrase, une formule, qu'on considère, au moment précis où on la met en évidence, comme distinctive de l'auteur ou du texte dont on l'a tiré.
Charles Dantzig a raison d'indiquer dans son Dictionnaire égoïste de la littérature française, à l'article «Citation», qu'une phrase extraite d'un roman ou d'un essai n'apporte en rien une véritable connaissance d'une oeuvre. À peine une indication, une invite, un rappel. [G.A.]
... je serais porté à croire que la citation en dit davantage sur le lecteur que sur l'écrivain.  [G.A.]
N'est-ce pas le lecteur qui a choisi d'extraire cette citation parmi toutes les phrases énoncées par l'auteur? Je serais bien en mal de penser pouvoir, tel Archambault, créer un carnet publiable des citations que j'ai collectées. Il a, pour sa part, un passé de lecteur d'une richesse telle que ce regroupement, ce répertoire de fragments de lectures devient un peu une histoire du lecteur qu'il a été et qu'il est encore et sa publication nous ouvre une fenêtre sur cette intimité qu'il a pu entretenir avec des idées, avec des auteurs, avec des livres.

Borges n'a-t-il pas écrit : Que d'autres se flattent des livres qu'ils ont écrits, moi, je suis fier de ceux que j'ai lus.
Un écrivain qui ne sait pas lire est la plupart du temps un voyageur qui ignore sa destination. Et qui ne sait pas que des devanciers ont dessiné depuis longtemps les routes qu’il emprunte en toute candeur. [G.A.]
Quant à l’enseignement que fournirait l’accumulation des années, je n’y vois qu’un leurre, assez semblable aux balivernes des religions. [G.A.]
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mercredi 3 avril 2019

La revanche de l'écrivaine fantôme - David Turgeon

Ça commence dans un train en marche. [D.T.]
David Turgeon aime raconter et il le fait si bien. Cette fois, c'est dans un dédale d'histoires mises en abyme qu'il nous invite, qu'il nous plonge, qu'il nous immerge. Cela débute par ce train qui déraille et par cet échange impromptu entre un dessinateur et l'une de ses lectrices dans un lieu hors du monde. Cette dernière veut connaître l'intrigue du prochain livre de son compagnon d'infortune. Il improvisera les premières lignes d'un roman autour d'une auteure obscure, Johanne Delambre, devenue écrivaine fantôme. On suit alors le travail de cette écrivaine, ses rencontres avec la jeune artiste à laquelle elle loue sa plume. Puis, on s'engage à l'intérieur d'un roman de Delambre, roman dont certains critiques et auteurs suspecteront la source. S'agirait-il ici d'un plagiat d'une oeuvre de Raymond Loquès qui a la particularité d'écrire des romans qui aborde tout justement le processus d'écriture de romans?

On se laisse bercer par ces intrigues dont les fils s'entrecroisent entre les réalités et les fictions, entre les personnages et les auteurs, et on accepte sans fausse joie le jeu que nous propose David Turgeon en nous interpelant comme lecteur, en nous embobinant dans son délire imaginatif.
Le capitaine impassible embarque volontiers nos personnages ainsi que la suite des choses, ce qui poussera, du moins le temps que durera la traversée, la vitesse de l’intrigue à une bonne vingtaine de noeuds. [D.T.]
… j’ai découvert dans ce livre, sous des abords presque racoleurs dans leur maniérisme, une attachante aisance dans la déambulation du récit, comme un piège qui se referme silencieusement sur son lecteur insouciant qui ne saura peut-être pas qu’il a été piégé,… [D.T.]
Avec moi, ce sera différent, j’ai de l’imagination et je n’ai pas peur d’en faire usage. [D.T.]

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mercredi 27 mars 2019

Des vies possibles - Charif Majdalani

Il était destiné à l’érudition, raison pour laquelle il fut envoyé à Rome dès 1621. [C.M.]
Le décor, c'est celui du XVIIe siècle. On empruntera des navires, des galères ou des caravelles. On vivra différents lieux, des montagnes du Liban à Rome, de Venise à Istanbul, ou encore à Amsterdam. On se plongera littéralement dans des tableaux de l'époque. On fréquentera la science naissante. On construira une érudition fondée sur la connaissance des langues. Et tout cela, dans de courts, très courts chapitres, qui, chacun, pourraient devenir le synopsis d'un récit, la trame d'une aventure, le germe d'une odyssée. On parcourt ainsi une partie de ce siècle en accompagnant Raphaël Arbensis, de son vrai nom Roufeyil Harbini. Les vies possibles du titre, ce sont les siennes, celles déterminées par des coups de tête, par des choix irréfléchis, par des lancées de dés du dieu hasard, par des rencontres fortuites. Qu'auraient pu être ces vies si le hasard avait fait d'autres choix, si la destinée avait tourné autrement, si d'autres circonstances s'étaient présentées? Voilà les questions qui se profilent dans les réflexions de Raphaël qui nous interpelle à propos de la liberté et du libre arbitre.

Voilà une lecture qui m'aura littéralement transporté ailleurs et c'est avec joie que je l'ai laissé faire.
Il rêva peut-être de dômes rutilants, mais dut apprendre qu’une ville se vit non par en haut mais par en bas, dans les venelles et l’odeur de cuisine [...]. [C.M.]
Une force l’aurait ainsi mené sur le chemin du bien, du meilleur possible pour lui, depuis le début, une force présidant avec intelligence à la chaîne des faits qui a constitué son existence, et donc à son destin. [C.M.]
[...] seuls le hasard et la marche erratique des choses président au devenir du monde. [C.M.]
Le nécessaire, écrit-il encore, n’est chaque fois qu’un coup de dés jugé favorable a posteriori dans la suite des coups de dés à jouer dans cette partie imprévisible qu’est une existence. [C.M.]
Il aime le bruit de l’eau qui coule dans les canaux et le craquement du bois des meules dans le silence de midi. [C.M.]