dimanche 29 novembre 2015

Spinoza encule Hegel - Jean-Bernard Pouy

Le cadavre est au bord de la route, une de ses mains est prise dans le bitume gluant. [J.-B. P.]

Et toi, es-tu trostkiste ou anarchiste ?

Je n'ai pas connu mai 68. J'ai beaucoup entendu parlé cependant des débats ayant secoué une certaine jeunesse d'extrême gauche au Québec dans les années 1970. Et même si ce n'est pas ici le sujet, je retrouve dans l'univers dépeint par Jean-Bernard Pouy un jusqu'au-boutisme philosophique tel qu'il a pu m'apparaître de l'extérieur concernant cette époque.

Pour les personnages de Spinoza encule Hegel, le militantisme n'est pas politique, mais esthétique.
Dans la France post « grand merdier », les fachos peu ou prou éradiqués, les « groupes crash » vivent et meurent selon un code, au rythme des défis qu'ils se lancent sur la Radio Cinquième Internationale. Pour les membres de la Fraction Armée Spinoziste, la fin justifie les moyens, surtout lorsqu'il s'agit de dégommer les Jeunes Hégéliens. C'est beau. C'est complètement vain.

Les mots de Pouy sont directs, jouissifs. On devine le plaisir qu'il a pris à écrire ce roman, un plaisir libre et transmissible.

Malheureusement, la suite À sec ! - Spinoza encule Hegel le retour n'est apparemment plus éditée. Pour l'instant ?

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17/04/2015

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08/10/2021


dimanche 13 septembre 2015

Six degrés de liberté - Nicolas Dickner

Lisa pense à l'argent. [N.D.]
Voilà une mécanique implacable que Nicolas Dickner étale dans ses Six degrés de liberté, la mécanique d'un roman construit avec ingéniosité où l'auteur n'hésite pas à jouer d'un décalage dans la temporalité pour le bénéfice du récit. Dickner, à son habitude, nous expose ici à des personnages marginaux, obsessifs, hantés par des désirs de liberté et contraints par autant d'amarres virtuelles. Il y a Lisa, adolescente créatrice de projets pour s'émanciper de son sud-ouest québécois et frontalier. Il y a Éric, son voisin agoraphobe, qui trouvera dans la technologie l'espoir de poursuivre. Dans un autre univers, on trouve Jay (ce n'est pas son vrai nom) qui, en bossant pour la GRC espère réduire la durée d'une peine à purger pour fraude électronique. Jay, en enquêtant pour son compte et à ses risques, croisera l'un des projets d'Éric et Lisa, le plus abouti et le plus éclaté, celui d'un conteneur en voyage pour se libérer de l'ennui, pour atteindre un certain degré de liberté.

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lundi 24 août 2015

Rue des Boutiques Obscures - Patrick Modiano

Je ne suis rien. Rien qu'une silhouette claire, ce soir-là, à la terrasse d'un café. [P. M.]
Guy Roland est employé dans l'agence de détectives du baron balte Constantin Von Hutte qui en est à sa retraite. Guy Roland, c'est le nom que lui a donné Von Hutte car celui-là, amnésique, n'a plus d'histoire. Avant de se rendre au 2, rue des Boutiques Obscures à Rome, Guy Roland a parcouru de multiples pistes de son passé. Il a tenté de reconstruire son existence, de se remodeler une identité, de revoir des lieux et des êtres, de s'imaginer dans la peau de Freddie, de Pedro, ou serait-ce Jimmy? Cette quête de soi n'est pas sans rappeler l'entreprise de Gaspard Winckler dans la reconstruction de puzzles pour Percival Bartlebooth dans La vie, mode d'emploi. Rue des Boutiques Obscures n'est peut-être pas construit aussi systématiquement sur une contrainte oulipienne, mais on y verra défiler, comme dans La Vie, mode d'emploi,une kyrielle de personnages du présent comme de l'autrefois. Modiano avait, comme Perec, l'appui de Queneau et enfin, Rue des Boutiques Obscures a été couronné du Goncourt en 1978 devant La Vie, mode d'emploi qui était alors de la sélection. Toutes ces intersections n'ont sûrement pas nui à la joie que j'ai éprouvée à la lecture de cette poursuite de soi.

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Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier

26/04/2021

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Un pedigree

01/09/2021

jeudi 20 août 2015

L'Art presque perdu de ne rien faire - Dany Laferrière

On suppose que vous vous trouvez à ce moment-là quelque part au sud de la vie. [D. L.]

Dans L'art presque perdu de ne rien faire, Dany Laferrière, de sa baignoire ou de son hamac, mordant dans une mangue, jette son regard acéré sur le monde, sur la société, sur la vie, sur les êtres qui s'animent autour de lui. Dany Laferrière se livre dans ce qu'il appelle une autobiographie de ses idées. Il met à nu ses réflexions et ses sensibilités tel Montaigne dans ses Essais. Il le fait dans un format de chroniques libres où il n'hésite pas à faire référence à ses lectures, à ses auteurs favoris, à sa bibliothèque. Il nous dit d'ailleurs que « Pour bien comprendre quelqu'un, c'est mieux de lire, par-dessus son épaule, les livres qu'il lit. On ne connaîtra pas un écrivain tant qu'on n'aura pas accès à sa bibliothèque, sa vraie patrie. » On obtient ainsi un livre-fleur auquel on vient butiner jour après jour des idées, des angles de vues, des regards, des pensées existentielles, des éléments de vie, et cela parfois dans un mode poétique assumé. On y goûte, puis on y revient.

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J’écris comme je vis, entretien avec Bernard Magnier 
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Journal d’un écrivain en pyjama 
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L’énigme du retour 

lundi 10 août 2015

Le chien qui louche - Étienne Davodeau


- Salut, ma belle, tu es arrivée à la gare? [E.D.]


Une magnifique BD où le Louvre n'est pas un simple décor, il est au cœur de l'aventure. Il en est l'ultime but, le Graal.

Étienne Davodeau, qui ne me déçoit jamais, met ici en scène et en noir et blanc Fabien, un agent d'accueil et de surveillance du Musée du Louvre. Fabien, sur qui le quotidien semble peser, fait passer le temps en pariant avec ses collègues sur le délai avant qu'une question concernant la Joconde ne soit posée par l'un ou l'autre des visiteurs. Une première visite chez sa potentielle belle-famille lui amène un défi de taille, faire que Le chien qui louche, un obscur tableau laissé par l’aïeul Gustave quelque peu «artiste-peintre», soit intégré à la collection du Musée du Louvre.

Davodeau, comme à son habitude, décrit et fait vivre l'ordinaire de ses personnages, ordinaire qui sera ici bouleversé. Cela se fait en contrepoint d'une description graphique particulièrement réussie de plusieurs œuvres et de plusieurs salles du musée, lieu de travail de Fabien. On comprendra aussi pourquoi les Éditions du Louvre ont collaboré à la publication de cette bande dessinée.


Étienne Davodeau est aussi l'auteur, notamment, de Chute de vélo, Lulu, femme nue, et Les ignorants.

Davodeau
Étienne
Chute de vélo 
Davodeau
Étienne
Les ignorants, récit d’une initiation croisée