lundi 24 juin 2013

Le magasin des suicides - Jean Teulé

C’est un petit magasin où n’entre jamais un rayon rose et gai. Son unique fenêtre, à gauche de la porte d’entrée, est masquée par des cônes en papier, des boîtes en carton empilées. [J. T.]

Surprenant, ce petit magasin qui se situe dans un avenir pas trop défini, mais post-cataclysme, semble-t-il. Surprenante, cette famille dont le mandat depuis dix générations est d'offrir à sa clientèle tout le nécessaire pour l'accompagner dans son suicide. Vous avez raté votre vie ? Avec nous, vous réussirez votre mort ! Les Tuvache offre ainsi des kits Alan Turing : L’inventeur de l’ordinateur s’est suicidé d’une drôle de manière. Le 7 juin 1954, il a trempé une pomme dans une solution de cyanure et l’a posée sur un guéridon. Ensuite, il en a fait un tableau puis il a mangé la pomme.
Le kit est décrit de cette manière :
— Dans cette pochette plastique transparente, vous voyez que vous avez une petite toile montée sur châssis, deux pinceaux (un gros, un fin), quelques tubes de couleurs et bien sûr la pomme. Attention, elle est empoisonnée !… Et ainsi, vous pouvez vous tuer à la manière d’Alan Turing. La seule chose qu’on vous demandera, si vous n’y voyez pas d’objection, c’est de nous léguer le tableau. On aime bien les accrocher, là. Ça nous fait des souvenirs.

Dans cet univers de désespoir, un être détonne. C'est le plus jeune, Alan, justement. 

Un drôle de regard sur le futur. Une approche déconcertante du suicide. Et, finalement, un conte qui se lit dans la joie...

__________________

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Teulé
Jean
Le Montespan 

dimanche 23 juin 2013

Une histoire de tout, ou presque... - Bill Bryson

Si l'on imagine les 4,5 milliards d'années de l'histoire de la Terre comprimées en une journée, la vie commence très tôt, vers 4 heures du matin, avec l'apparition des premiers organismes unicellulaires, mais elle ne bouge plus pendant les seize heures suivantes. Ce n'est pas avant 20 h 30, quand les 5/6 de la journée sont déjà consumés, que la Terre a quelque chose à montrer à l'Univers : un simple revêtement grouillant de microbes. Puis apparaissent les premières plantes aquatiques, suivies vingt minutes plus tard par la première méduse et l'énigmatique faune australe de l'Ediacara. À 21 h 04, les trilobites font leur entrée en scène, suivis de près par les créatures des schistes de Burgess. Juste avant 22 heures, les plantes commencent à s'épanouir à terre - suivies peu après,deux heures avant minuit, des premières créatures terrestres. Grâce à une dizaine de minutes de douce température, à 22 h 24 la Terre est recouverte des grandes forêts carbonifères dont les résidus nous donnent notre charbon, et l'on distingue les premiers insectes ailés. Les dinosaures s'avancent lourdement sur la scène juste avant 23 heures, et ils la tiennent pendant environ trois quarts d'heure. Ils la quittent à minuit moins vingt et une et le règne des mammifères commence. L'homme émerge une minute et dix-sept secondes avant minuit. À cette échelle, la totalité de notre histoire connue tiendrait en quelques secondes, une vie humaine en moins d'un instant.[Page 407]

Ce sont des images comme celles-ci qui font, je crois, de l'ouvrage de Bryson, un grand livre de vulgarisation scientifique qui mérite de se situer parmi les essentiels. J'ai dévoré, le mot n'est pas trop faible, ses nombreuses pages qui m'ont fait réaliser une incursion pas banale dans l'histoire de l'Univers, de la Terre et de la vie qui s'y trouve. Bryson jongle judicieusement entre l'approche du concept scientifique et sa place dans l'histoire des sciences, et l'anecdote historique qui font des découvertes des œuvres incarnées de femmes et d'hommes réels. La lecture d'Une histoire de tout, ou presque... donne à l'œil qui regarde le monde une teinte distincte, un air éclairé.




____________________
Sur Rives et dérives, à propos de Bryson, on trouve aussi :

Bryson
Bill
Une histoire du monde sans sortir de chez moi 

samedi 22 juin 2013

Sombre luminescence - Mathieu Marcil



Le 13 juin dernier, j'assistais à une première, la mise en lumière(s) et en acte(s) de la réflexion artistique d'un ami. En effet, Mathieu Marcil nous offrait, dans la salle intimiste Alfred-Laliberté de l'UQAM, le fruit de son projet de mémoire-création. Mathieu m'avait déjà décrit les termes de cette création autour de la charge poétique d'une lumière portée par les interprètes. J'ai eu beaucoup de difficulté à m'imaginer la scène. Ce n'est absolument pas la qualité de l'explication de Mathieu qui est ici mise en cause, mais plutôt ma connaissance limitée du monde de l'éclairage. Le 13 juin, donc, j'ai pu voir en oeuvre les images qu'avait semées Mathieu.




Nous avons assisté depuis un néant qui s'anime, ni plus ni moins, qu'à la découverte du feu (de la lumière) par l'Homme. Une source de feu (de lumière), créée par un éclair (?), intrigue un premier protagoniste qui s'en approchera et qui, par inadvertance, en sera imprégné. On verra alors la lente évolution du contrôle que l'homme pourra porter sur le feu (sur la lumière). Un contrôle sur l'objet lui-même, mais aussi et surtout un contrôle sur ses effets, sur la mise en lumière et la mise en ombre, dans une exploration solitaire et duale. La caverne où se meuvent les interprètes deviendra l'écran sur lequel se réalisera des jeux d'ombres et de lumières, mais aussi des jeux de communication entre les performeurs et des évocations poétiques susurrées à ceux et celles qui, dans l'ombre de la salle, assistent à cette sombre luminescence porteuse d'émotions primitives.

dimanche 31 mars 2013

Oui, mais quelle est la question? - Bernard Pivot


Comment aurais-je pu imaginer que poser des questions pour gagner ma vie allait me la compliquer, et même, souvent, me la rendre infernale? [B.P.]

Voilà un livre qui s'est lu en un trait ou presque. La question est ici l'argument d'une pseudo autobiographie de Pivot. Le protagoniste se nomme en fait Adam Hitch, il a tenu le micro d'émissions de radio et celui d'Aparté où le rôle d'intervieweur n'a plus de secret pour lui. Il maîtrise l'art et la science de la question. Mais, cette manie de la questionnite s'est infiltrée dans tous les recoins de sa vie, dans ses relations familiales, dans celles de ses couples, dans sa vie intime comme dans sa vie professionnelle. Est-ce d'expérience que Pivot relate tous ces moments personnels, toutes ces tranches de vie? On pourrait le croire comme on pourrait accorder à Pivot le pouvoir imaginatif de créer ces minuscules parcelles d'univers juste pour nous. Si cela semble prendre la forme d'un roman, ce n'est qu'apparence. On a plutôt devant soi des chroniques sur la question dans la vie d'Adam Hitch et chaque chapitre possède sa propre dynamique. Par l'approche à l'écriture, par l'auto-dérision et par la forme carnet sur soi, j'ai parfois reconnu des traits semblables à ceux de Jean-Paul Dubois. Pour ma part, j'y ai vu là une qualité. 

dimanche 3 mars 2013

Les ignorants, récit d'une initiation croisée - Étienne Davodeau



Étienne Davodeau est auteur de bande dessinée, il ne sait pas grand chose du monde du vin.
Richard Leroy est vigneron, il n'a quasiment jamais lu de bande dessinée.
- Si je comprends bien, pour faire un bouquin, tu veux venir bosser bénévolement dans mes vignes... c'est ça?
Quelle merveilleuse idée! Et, quelle belle réalisation de cette idée. Davodeau, ce bédéiste réaliste, ce peintre d'une réalité ordinaire, réussit encore à coucher en noir sur blanc les images d'une tranche de vie, en l'occurrence, ici, il s'agit d'une tranche de deux vies, deux vies croisées, qu'on ne verra que par ce croisement et cette intersection d'intérêt et d'ignorance. Il aurait pu opérer ce croisement à partir d'autres valeurs. Il aura fallu qu'il croise deux mondes qui suscitent quelque chose en moi, qui réveillent des désirs, qui m'amènent ailleurs.

Étienne Davodeau, c'est aussi Chute de vélo et Lulu, femme nue, entre autres.

Davodeau
Étienne
Chute de vélo 
Davodeau
Étienne
Le chien qui louche