Un blog qui, de Montréal à Bordeaux, tente de toucher toutes les rives et se permet toutes les dérives.
samedi 22 juin 2013
Sombre luminescence - Mathieu Marcil
Le 13 juin dernier, j'assistais à une première, la mise en lumière(s) et en acte(s) de la réflexion artistique d'un ami. En effet, Mathieu Marcil nous offrait, dans la salle intimiste Alfred-Laliberté de l'UQAM, le fruit de son projet de mémoire-création. Mathieu m'avait déjà décrit les termes de cette création autour de la charge poétique d'une lumière portée par les interprètes. J'ai eu beaucoup de difficulté à m'imaginer la scène. Ce n'est absolument pas la qualité de l'explication de Mathieu qui est ici mise en cause, mais plutôt ma connaissance limitée du monde de l'éclairage. Le 13 juin, donc, j'ai pu voir en oeuvre les images qu'avait semées Mathieu.
Nous avons assisté depuis un néant qui s'anime, ni plus ni moins, qu'à la découverte du feu (de la lumière) par l'Homme. Une source de feu (de lumière), créée par un éclair (?), intrigue un premier protagoniste qui s'en approchera et qui, par inadvertance, en sera imprégné. On verra alors la lente évolution du contrôle que l'homme pourra porter sur le feu (sur la lumière). Un contrôle sur l'objet lui-même, mais aussi et surtout un contrôle sur ses effets, sur la mise en lumière et la mise en ombre, dans une exploration solitaire et duale. La caverne où se meuvent les interprètes deviendra l'écran sur lequel se réalisera des jeux d'ombres et de lumières, mais aussi des jeux de communication entre les performeurs et des évocations poétiques susurrées à ceux et celles qui, dans l'ombre de la salle, assistent à cette sombre luminescence porteuse d'émotions primitives.
dimanche 31 mars 2013
Oui, mais quelle est la question? - Bernard Pivot
Comment aurais-je pu imaginer que poser des questions pour gagner ma vie allait me la compliquer, et même, souvent, me la rendre infernale? [B.P.]
Voilà un livre qui s'est lu en un trait ou presque. La question
est ici l'argument d'une pseudo autobiographie de Pivot. Le protagoniste se
nomme en fait Adam Hitch, il a tenu le micro d'émissions de radio et celui d'Aparté où le rôle d'intervieweur n'a
plus de secret pour lui. Il maîtrise l'art et la science de la question. Mais,
cette manie de la questionnite s'est infiltrée dans tous les recoins de sa vie,
dans ses relations familiales, dans celles de ses couples, dans sa vie intime
comme dans sa vie professionnelle. Est-ce d'expérience que Pivot relate tous
ces moments personnels, toutes ces tranches de vie? On pourrait le croire comme
on pourrait accorder à Pivot le pouvoir imaginatif de créer ces minuscules
parcelles d'univers juste pour nous. Si cela semble prendre la forme d'un
roman, ce n'est qu'apparence. On a plutôt devant soi des chroniques sur la question dans la vie d'Adam
Hitch et chaque chapitre possède
sa propre dynamique. Par l'approche à l'écriture,
par l'auto-dérision
et par la forme carnet sur soi, j'ai parfois reconnu des traits semblables à ceux de Jean-Paul
Dubois. Pour ma part, j'y ai vu là une qualité.
dimanche 3 mars 2013
Les ignorants, récit d'une initiation croisée - Étienne Davodeau
Étienne Davodeau est auteur de bande dessinée, il ne sait pas grand chose du monde du vin.
Richard Leroy est vigneron, il n'a quasiment jamais lu de bande dessinée.
- Si je comprends bien, pour faire un bouquin, tu veux venir bosser bénévolement dans mes vignes... c'est ça?Quelle merveilleuse idée! Et, quelle belle réalisation de cette idée. Davodeau, ce bédéiste réaliste, ce peintre d'une réalité ordinaire, réussit encore à coucher en noir sur blanc les images d'une tranche de vie, en l'occurrence, ici, il s'agit d'une tranche de deux vies, deux vies croisées, qu'on ne verra que par ce croisement et cette intersection d'intérêt et d'ignorance. Il aurait pu opérer ce croisement à partir d'autres valeurs. Il aura fallu qu'il croise deux mondes qui suscitent quelque chose en moi, qui réveillent des désirs, qui m'amènent ailleurs.
Étienne Davodeau, c'est aussi Chute de vélo et Lulu, femme nue, entre autres.
Davodeau
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Étienne
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Chute de vélo
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Davodeau
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Étienne
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Le chien qui louche
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jeudi 14 février 2013
Le fait du prince - Amélie Nothomb
— Si un invité meurt inopinément chez vous, ne prévenez surtout pas la police. [A. N.]
Amélie Nothomb livre un nouveau roman par année alternant entre
les oeuvres autobiographiques et les fictions inventives. Le fait du prince
appartient à la deuxième classe, sans être de la plume la plus inspirée de
l'auteure. C'est toutefois un ravissement de s'engager dans une telle lecture
où on est aspiré dans un univers quelque peu paranoïaque. C'est ici le vol
d'identité qui devient le tremplin de Baptiste Bordave, ennuyeux fonctionnaire,
vers une autre vie, celle d'un mystérieux scandinave qui aura fait le bizarre
choix de venir terminer la sienne chez lui. L'argument suscite l'intérêt, on
veut savoir. L’intérêt est maintenu tout du long, jusqu’à ce que l’auteure
semble nous laisser tomber à quelques pages d’une fin qu’il est difficile de
qualifier.
mercredi 13 février 2013
Limonov - Emmanuel Carrère
Jusqu'à ce qu'Anna Politkovskaïa soit abattue dans l'escalier de son immeuble, le 7 octobre 2006, seuls les gens qui s'intéressaient de près aux guerres de Tchétchénie connaissaient le nom de cette journaliste courageuse, opposante déclarée à la politique de Vladimir Poutine. [E.C.]
J'avais notamment apprécié La
moustache de Carrère, mais je devais m'attendre à tout autre chose avec la
lecture de Limonov et c'est
radicalement à un autre univers que j'ai eu droit. Limonov est un roman biographique, une biographie en forme de
roman. Ce n'est certes pas une hagiographie, même si Carrère semble porter un
regard parfois complice avec cet être qui peut paraître détestable à plusieurs.
Édouard Limomov apparaît avec une existence aussi multiple que ses
pérégrinations rocambolesques au travers de l'histoire, celle de la Russie et
des nations qui forment le monde autour d'elle. Clochard, dandy, majordome de
milliardaire, star de l'underground, militaire et politicien, Limonov parcourt
sa vie et Carrère nous la livre au moyen d'une enquête sans détour, mais pleine
de poésie. À la lecture de Limonov,
on apprend, bien sûr
sur ce héros
rouge-brun, mais aussi sur l'aventure du soviétisme vers la Russie glauque
d'aujourd'hui.
Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends pour ma part mon jugement. [E.C.]
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