samedi 31 décembre 2011

Chute de vélo - Étienne Davodeau

Chute de vélo est un roman graphique... une BD quoi. Je n'ai pas encore compris quelle est la réalité couverte par la notion de roman graphique qui ne soit pas incluse dans le terme plus souvent utilisé de bande dessinée. Quoiqu'il en soit, Étienne Davodeau nous livre ici une tranche de vie tout en subtilité, subtilité du dessin comme de la trame narrative. Davodeau sait nous insérer dans l'histoire de vie de ses protagonistes. Il sait créer un espace de réalité dans lequel se joue son scénario autour d'une famille élargie qui vit les derniers moments de la demeure familiale, qui vit des déchirures et une chute de vélo. On est donc introduit dans le quotidien de cette famille, dans ses petits moments et dans ses non-dits. Tout cela se situe dans un petit village de l'ouest de la France, un village reproduit avec amour.
L'édition que je lisais se concluait sur un texte introspectif où l'auteur se dit et nous fait part de son approche à la création d'une oeuvre telle Chute de vélo. C'est loin d'être la partie la moins intéressante et on y découvre une sensibilité qui émeut.
Après Lulu femme nue, c'est le deuxième Davodeau que je lis et je ne m'arrêterai sûrement pas là.

___________________

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Davodeau
Étienne
Le chien qui louche 
Davodeau
Étienne
Les ignorants, récit d’une initiation croisée 

samedi 10 décembre 2011

La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler - Michel Folco

Le premier événement appelé à bouleverser de fond en comble l'existence de Klara Pölz (onze ans) se produisit en début de matinée; le second en fin de soirée. [M.F.]
Troublant! Se sentir ainsi placé devant l'enfance d'un monstre. Hitler a évidemment vécu une enfance et Folco s'amuse à nous la présenter en mêlant histoire et fiction, réalité et invention. Il y insère même la célèbre lignée des Tricotin pour établir le lien avec ses écrits précédents.

Dans La jeunesse désabusée..., on découvre ses racines, son père fonctionnaire vieillissant, sa mère Klara protectrice. On assiste à sa tendre enfance, ses découvertes, ses échecs scolaires, sa passion pour les amérindiens, pour Wagner et pour la peinture, sa rencontre avec Wittgenstein, ses difficultés financières et ses quelques contacts avec l'autre, celui qui n'est pas de source allemande.

Le roman s'étale sur une période allant de 1871, la rencontre de Klara avec son cousin Aloïs qui deviendra son époux et le meurtre en 1914 de l'Archiduc François-Ferdinand d'Autriche qui sera le déclencheur de la première Guerre Mondiale. Certains pourront trouver que la fin est abrupte, mais je considère que de choisir ce moment clé demeure une belle idée pour trancher entre la jeunesse d'Hitler et sa vie adulte, il s'inscrit en effet comme volontaire dans l'armée allemande au moment où l'Allemagne s'engage dans la guerre.

Troublant en effet de suivre ce personnage dans sa construction et son évolution. Que certains éléments relèvent de l'imagination de Folco ne rend pas l'exercice moins bouleversant.

mercredi 9 novembre 2011

Oulipo Show - UBU Compagnie de création


En 1988, la compagnie de création Ubu livrait pour la première fois son collage Oulipo show. Amateurs invétérés de l'Ouvroir, ma soeur et moi ne voulions sous aucun prétexte rater cette occasion de s'exposer aux textes de Queneau, de Perec, de Calvino et de tous ces autres fous littéraires potentiels. Nous avions donc pris soin de réserver nos places pour ce qui allait devenir, nous en étions assurés, l'une des grandes prestations du théâtre Ubu. C'est donc empreint d'une fièvre empressée et d'une hâte non dissimulée que nous nous sommes présentés à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier sans nous rendre compte qu'il s'agissait alors de l'avant-première.

À cette avant-première, nous étions peu dans le hall d'entrée du théâtre, que dire peu, nous étions, ma soeur et moi, les seuls à attendre. Mais, prêts et déterminés à livrer le spectacle, le metteur en scène et la troupe nous ont offert qu'une partie de l'équipe du théâtre nous accompagne dans la salle pour que nous nous sentions tout de même entourés et membres d'un public. 

Nous avons alors eu le privilège d'assister presque en privé à une performance hors du commun. Nous avions devant nous quatre maîtres des mots, quatre personnages plongés dans le jeu et le verbe, quatre hurluberlus qui s’exerçaient le style dans le ludisme fou que la contrainte génère. Nous connaissions déjà plusieurs des textes du collage, mais les voir ainsi livrés devant nous, pour nous... Nous étions ravis, atterrés, éberlués. Notre tentative d'ovation debout n'aura jamais été à la hauteur de l'appréciation que nous aurions voulu leur transmettre. D'un naturel timide, nous avons doucement quitté la salle, conscients d'avoir été les témoins d'une fête des mots sans pareil.

Depuis, j'aurai revu l'Oulipo show en deux autres occasions avec la même délectation, avec la même joie. 

Et, récemment, nous avons eu l'occasion de savourer à nouveau ce spectacle d'un trajet dans l'autobus S et d'applaudir la troupe du Théâtre Ubu à tout rompre. Après 23 ans, l'Oulipo Show nous a encore éblouis!  Quelle extraordinaire performance.

Textes : Italo Calvino + François Caradec + François Le Lionnais + Jean Lescure + Denis Marleau + Harry Mathews + Georges Perec + Raymond Queneau + Michel Tremblay
Collage, mise en scène et scénographie : Denis Marleau
Avec : Carl Béchard + Pierre Chagnon + Bernard Meney + Danièle Panneton

mardi 8 novembre 2011

La chaussure sur le toit - Vincent Delecroix

J'ai un doute, tout de même. [V.D.]

Un roman, dix récits, des histoires qui se croisent et qui ont toutes en commun la chaussure délaissée sur le toit. S'agit-il toujours de la même chaussure? Est-ce qu'il s'agit d'un roman unique ou de dix nouvelles sur un thème commun? Les liens sont parfois ténus, c'est le nom d'un personnage secondaire, c'est un chien qui croise la trame, c'est un décor de toiture, ... 

Le sujet de ce livre, est-ce la chaussure? Est-ce sa situation sur le toit? Ne serait-ce pas en fait sa solitude et celle de ceux qui la croisent? On pénètre en effet par auteur interposé dans les pensées intimes de personnages qui vivent leur solitude sur différents tons. C'est parfois la mélancolie, c'est le rêve, c'est la différence non assumée, c'est un ange qui passe. La chaussure sur le toit apparaît comme autant de représentations de la solitude de ces êtres. C'est presque un exercice de style où le fil rouge se situent parfois au coeur, parfois en marge du récit, mais toujours sur le toit.

La première phrase livrée ici en exergue est révélatrice. Vincent Delecroix est philosophe.

mardi 6 septembre 2011

La mort, entre autres - Philip Kerr

Je me souviens du temps qu'il faisait, en ce mois de septembre. [P.K.]
Philip Kerr et Bernhard Gunther remettent ça. Nous sommes en 1949 et l'essentiel se passe entre Munich, Vienne et un village des Alpes à la frontière entre l'Allemagne et l'Autriche. C'est la Trilogie berlinoise qui se poursuit. On est dans l'après-guerre lorsque les Américains et les Russes occupent encore le territoire allemand, dans un moment où la recherche des criminels nazis occupe une place prépondérante. Gunther, ancien policier, ex-SS, reprend son service de détective privé. Il sera mêlé, par ses enquêtes, à des réseaux de camarades qui cherchent à quitter ces lieux qui n'apparaissent plus hospitaliers pour des terres outre-Atlantique. Dans cet univers de guerre froide, Bernie Gunther est plongé dans un complot tortueux où il risquera sa peau.

Philip Kerr maintient la tension tout au long des 400 pages de ce polar historique. On demeure rivé à son texte. Même si la forme est parfois truffée de métaphores douteuses qui pourraient nous inciter à décrocher, l'intrigue est tellement prenante qu'on n'hésite pas à passer outre ce tic déplacé de l'écrivain.

__________________

Sur Rives et dérives, on trouve aussi :

Kerr
Philip
La trilogie berlinoise