samedi 12 décembre 2009

Vous êtes ici - François Gravel


- Ils sont partis par là, régardez, ils ont enlévé ouné touile et ils ont pris la fouite dans lé tounnel.
François Gravel nous amène dans un univers surprenant, un univers dont la nature même ne prédispose pas à être le décor d'un roman. Le Vous êtes ici du titre est celui qui se retrouve sur l'affiche à l'entrée du centre commercial. Ce centre commercial, Les Galeries de la Rive-Sud, constituera la toile de fond et les acteurs principaux seront ceux de l'équipe de ses agents de sécurité. Cet univers étant placé, on découvrira le rythme de sa vie. On découvrira les êtres qui l'habitent, les évènements qui le façonnent et les quelques enquêtes et interventions de nos protagonistes.

L'écriture simple et directe de Gravel se prête tout à fait au défi que représentait la mise en fiction de ce monde qu'on croirait sans intérêt. L'auteur de Fillion et frères et de Adieu, Betty Crocker frappe encore et nous émeut avec presque rien...

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Sur Rives et dérives, de Gravel, on trouve aussi :


Gravel
François
À vos ordres, colonel Parkinson

Gravel
François
Fillion et frères 
Gravel
François
La petite fille en haut de l’escalier
Gravel
François
Voyeurs, s’abstenir 



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dimanche 18 octobre 2009

Un monde sans fin - Ken Follett

Gwenda n'avait pas peur du noir, et pourtant elle n'avait que huit ans. (K.F.)
Dans Un monde sans fin, Ken Follett nous invite à un saut de deux cents ans après Les piliers de la terre, toujours autour du village de Kingsbridge en Angleterre (en 1327). Ce sont les descendants des bâtisseurs de la cathédrale qui s'affrontent dans ce monde où la politique, l'église et la science s'entrecroisent pour faire face à de nouveaux défis, à de nouvelles épreuves, à des sursauts de vie, de guerre, de fièvre et de peste. Des personnages attachants, des êtres qui ne soient pas univoques, des humains sensibles dont les vies s'étalent sur 1 286 pages et 35 ans. La cathédrale et le prieuré, le pont et la tour, l'ile aux lépreux et les boisés environnants sont les lieux de ce monde qui veut survivre et ne point s'éteindre.

mercredi 19 août 2009

Nicolas Bourbaki - Histoire d'un génie des mathématiques qui n'a jamais existé - Amir D. Aczel


C'était une lecture entendue. La lecture d'Impératif catégorique de Jacques Roubaud m'a replongé dans une époque où l'appréhension structurelle des mathématiques était ma vie, une période où Bourbaki était encore au centre des développements de cette science.

Nicolas Bourbaki, membre éminent de l'Académie des sciences de Poldévie, n'a, en effet, jamais existé. Il est le nom emprunté, sur la base d'un canular, par un groupe de mathématiciens français regroupés autour d'Henri Cartan, Claude Chevalley, Jean Dieudonné et André Weil (frère de la philosophe Simone Weil). Cette association des amis de Nicolas Bourbaki, à laquelle se sont joints plusieurs autres mathématiciens influents, a été le phare de l'organisation rigoureuse des mathématiques pendant le XXe siècle. La publication, sous le nom de Nicolas Bourbaki, des différents volumes de l'œuvre collective que constitue les Éléments de mathématique a marqué l'évolution, l'organisation, le développement ainsi que l'enseignement des mathématiques jusqu'au début des années soixante-dix et même au-delà.

Comme mathématicien, j'étais bien conscient de cette prépondérance bourbakiste dans le développement structurel des mathématiques du XXe siècle. Ce que je connaissais moins et que cette lecture m'a fait découvrir, c'est la place que Bourbaki a occupé dans la naissance du structuralisme.

Je ne savais pas que le structuralisme trouvait son origine en linguistique, que c'est Saussure et Jakobson (dans les années trente) qui avaient délimité les principes fondateurs de la linguistique structurale, que cette linguistique structurale s'exprime par la prééminence de la structure dans l'étude d'une langue [nos linguistes me corrigeront, j'espère]. J'ai appris que l'utilisation que Lévi-Strauss a fait du concept en anthropologie résidait en partie sur un lien qu'il avait établi avec André Weil (de Bourbaki) et que c'est l'application de la théorie des groupes à un problème proposé par Lévi-Strauss qui initie le mouvement structuraliste à l'extérieur de la sphère linguistique.

Finalement, cet ouvrage m'aura permis de constater les liens multiples entre un groupe de mathématiciens, la notion de structures en mathématiques et la ramification de l'influence structuraliste dans des domaines aussi divers que la psychologie avec Piaget, la psychiatrie et la psychanalyse avec Lacan, l'économie avec Leontief, ... et la littérature avec l'Oulipo, l'Ouvroir de littérature potentielle (eh oui). La boucle est donc bouclée.

vendredi 7 août 2009

Chamboula - Paul Fournel


Au Village Fondamental, la vie était organisée selon les compétences de chacun. (P.F.)
Mais, l'africain Village Fondamental sera chamboulé. Pas tant par l'incommensurable beauté de Chamboula qui s'inscrit dans la juste lignée de l'évolution et est approuvée par les Ancêtres, mais plutôt par l'intrusion incongrue d'éléments d'un autre monde, par l'envahissement cryptocolonialiste d'extracteurs d'or noir, or noir qui se trouvera sous le sol, à l'endroit même où les Ancêtres tiennent leurs assemblées.

Ce choc de deux mondes, cette étincelle, sera l'occasion pour Fournel de décliner l'histoire sous forme d'un conte à volets, sous forme de récits se propageant dans des univers parallèles sinon perpendiculaires, des aventures reflétant des réalités se côtoyant dans des contextes distants. Chamboula sera donc à la fois un roman se situant résolument contre l'impérialisme et un conte constituant un exercice de style sur les parcours possibles d'une réalité inventée. À ce titre, Chamboula possède des points communs avec L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation de Perec. Mais, est-ce surprenant? Perec et Fournel sont de la même école.

Paul Fournel est l'actuel président de l'Ouvroir de Littérature Potentielle.

dimanche 26 juillet 2009

La route - Cormac McCarthy

Quand il se réveillait dans les bois dans l'obscurité et le froid de la nuit il tendait la main pour toucher l'enfant qui dormait à son côté. (C.McC.)

Quel univers que celui, sec, dévasté et gris de McCarthy! Il est très difficile de décrire ce livre. Le père et le fils marchent. Ils marchent dans une Amérique détruite, brulée et ensevelie. Ils marchent à la recherche du bleu de la mer, à la recherche de la sérénité perdue, à la recherche d'un passé presque oublié. McCarthy a, par ce livre, exploré les sentiments profonds d'un homme face à la désolation, face à l'inimaginable et pour qui son fils constitue le seul lien avec ce qui reste de la vie. La route est un roman dépouillé qui déstabilise autant par sa forme que par son objet.